Pascal: Un monde défait
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«
Pascal: Un monde défait
1.
Le vertige pascalien
Pascal peut, à juste titre, être qualifié de penseur du vertige : entre l'infiniment
petit et l'infiniment grand auxquels respectivement microscope et télescope lui
donnent accès, l'homme est livré à un déséquilibre incessant, tant il est vrai qu'il
ne dispose pas d'un sol assuré pour ordonner un monde qui n'est pas à sa
mesure.
« Nous brûlons du désir de trouver une assiette ferme et une dernière
base pour y édifier une tour qui s'élève à l'infini, mais tout notre fondement
craque et la terre s'ouvre jusqu'aux abîmes », écrit-il dans les Pensées.
Dans ce
monde de chaos, Pascal médite sur la possibilité pour l'homme d'instaurer un
ordre.
2.
Science et théologie
Les sciences notamment ordonnent le monde, en recourant à l'expérience.
Pascal
est ainsi un remarquable physicien, connu surtout pour ses expériences
démontrant l'existence du vide.
Il est aussi un mathématicien brillant, qui s'est
illustré en inventant une machine à calculer et en préfigurant le calcul des
probabilités, ou « espérance mathématique ».
On peut affirmer néanmoins que
c'est surtout sa réflexion théologique et morale qui a conféré à Pascal une place
si importante dans l'histoire des lettres françaises, avec les Pensées.
Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie (Pascal).
NOTE SUR LE JANSÉNISME
Le jansénisme est une forme particulièrement rigoureuse de pensée et de vie chrétienne.
Il se propose de revenir à
l'enseignement de Saint Augustin par réaction contre le laxisme des molinistes et des jésuites qui accordaient tant de
pouvoir à la liberté de l'homme que plus rien ne restait à la puissance de Dieu..
Le jansénisme et son austérité morale
constituèrent une véritable machine de guerre contre les jésuites et leur système rhétorique qui leur permettait de
tout justifier y compris les actions morales les plus condamnables.
C’est un Pascal janséniste, et non plus savant, qui écrit cette phrase.
Génie scientifique d’une précocité
surprenante et grand représentant de l’essor extraordinaire des sciences, Pascal se détourne de ses recherches
mathématiques et physiques pour se consacrer à un christianisme intransigeant et austère, qui refuse tout compromis
avec le monde : il devient janséniste.
Cette phrase se situe dans la partie consacrée à « La misère de l’homme sans
Dieu » (206).
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » sonne comme un cri de détresse et d’angoisse.
Ce qui
cause ce frisson n’est d’autre que la disproportion entre le sujet et l’éternité, l’infinité du monde.
Devant un silence
éternel, devant des espaces infinis, comment ne pas sentir sa vanité ? Non seulement l’univers n’a rien à m dire, mais il
me terrasse et il me plonge dans la désolation.
Il se dégage de cette phrase un sentiment d’abandon, de déréliction.
L’homme y est seul ; c’est toujours un moi singulier qui est effrayé : seul mais confronté à la richesse de l’infini et de
l’éternel.
La frayeur ici résulte de ce que ce monde glacé ne parle plus à l’individu qui s’y trouve englouti.
Cette angoisse, cet abandon définit la condition de l’homme sans Dieu.
Pascal veut montrer que le monde, la
nature, ne sont plus pour nous un refuge, ne nous entretiennent plus de Dieu ni de la communauté humaine, mais nous
renvoient à une solitude accablante, à une perte d’orientation et de sens :
« Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un
milieu entre rien et tout […] Que fera-t-il sinon d’apercevoir quelque apparence au milieu des choses, dans un
désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? »
Ce qu’entreprend Pascal dans les « Pensées », c’est de montrer la gloire du christianisme et les insuffisances de la
raison à comprendre l’homme et le monde.
Pascal est l’homme qui désespère de la raison, et qui, comprenant au mieux
les découvertes et les méthodes scientifiques de son temps, s’en détourne en pensant qu’elles nous sont inutiles pour
comprendre ce qui nous concerne au plus près : ce que nous sommes et quelle est notre place dans le monde.
En parlant des « espaces infinis », Pascal prend d’abord acte des progrès de la science de son temps.
Avec les découvertes de Galilée, on commence à comprendre l’univers comme infini : l’espace qui nous entoure
n’a pas de frontières, et le monde entier est compris comme un espace indifférent offert aux lois de la physique, au
calcul mathématique.
Mais Pascal est aussi contemporain du microscope, c'est-à-dire de la découverte de l’infiniment petit.
La
lunette astronomique avait ouvert la voie de l’infiniment grand de l’espace, de l’univers ; le microscope nous ouvre la
voie, tout aussi merveilleuse, de l’infiniment petit.
L’homme se voit confronté à un double infini, dont il tient le milieu, il.
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