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Parler ou agir faut-il choisir ?

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Parler ou agir faut-il choisir ?

« Sujet L'énoncé du sujet est sans ambiguïté : nous sommes invités à réfléchir sur la validité d'une opposition banale et communément acceptée, selon laquelle lorsque nous parlons nous n'agissons pas.

La réflexion pourra s'engager dans de multiples directions, par exemple en examinant les pouvoirs psychologiques du langage, notamment dans la psychanalyse.

Pour notre part, nous nous limiterons ici essentiellement à deux aspects du problème : d'une part l'approche linguistique des actes du langage, et, d'autre part, la dimension socio-politique de la parole. Introduction • Un constat : On entend souvent dire : « Ce ne sont que des mots », « assez de paroles, des actes ! », et l'on connaît la réflexion du personnage de Queneau : « Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire » (Zazie dans le métro). • Toutefois, on a pu également dire que l'« on a bouleversé la terre avec des mots » (Musset). • Le problème se pose donc de savoir si parler est bien le contraire d'agir. 1.

Austin : dire, c'est faire Les paroles sont triplement actes • Le linguiste et philosophe anglais J.

L.

Austin a souligné que toute parole, tout discours est triplement acte: – Acte locutoire.

Une parole, un discours est d'abord l'exercice de la faculté du langage.

Un discours est un énoncé ou un ensemble d'énoncés réellement produit par un locuteur (individuel ou collectif).

Il est dan par lui-même un acte : acte de locution. – Acte illocutoire.

Lorsque je parle (que j'accomplis un acte de locution), j'utilise le discours.

Mais je puis l'utiliser de différentes manières, car le discours a de nombreuses fonctions.

Je puis, par exemple, informer, suggérer, promettre, interdire, etc.

Donc en disant quelque chose, j'effectue un acte différent de l'acte locutoire qui est de dire quelque chose.

Austin appelle « illocutoire » cet acte effectué en disant quelque chose. – Acte perlocutoire.

Un discours a le plus souvent certains effets intentionnels ou non, même lointains, soit sur autrui, soit sur celui qui parle.

Ainsi lorsque je produis un acte locutoire (et par là-même un acte illocutoire) je produis un troisième acte, qu'Austin nomme « perlocutoire ». • Ces trois actes distincts sont illustrés par l'exemple suivant : – Acte locutoire : production de la parole, « Tu ne peux pas faire cela ». – Acte illocutoire la parole « Tu ne peux pas faire cela » manifeste une protestation contre une action. – Acte perlocutoire : la parole (et la protestation) « Tu ne peux pas faire cela » a pour effet de dissuader l'interlocuteur de réaliser son action. "Nous prendrons donc comme premiers exemples quelques énonciations qui ne peuvent tomber sous aucune catégorie grammaticale reconnue jusqu'ici, hors celle de l'« affirmation » ; des énonciations qui ne sont pas, non plus, des non-sens, et qui ne contiennent aucun de ces avertisseurs verbaux que les philosophes ont enfin réussi à détecter, ou croient avoir détectés : mots bizarres comme « bon » ou « tous » auxiliaires suspects comme « devoir » ou « pouvoir » constructions douteuses telles que la forme hypothétique.

Toutes les énonciations que nous allons voir présenteront, comme par hasard, des verbes bien ordinaires, à la première personne du singulier de l'indicatif présent, voix active.

Car on peut trouver des énonciations qui satisfont ces conditions et qui, pourtant, A) ne « décrivent », ne « rapportent », ne constatent absolument rien, ne sont pas « vraies ou fausses » ; et sont telles que B) l'énonciation de la phrase est l'exécution d'une action (ou une partie de cette exécution) qu'on ne saurait, répétons-le, décrire tout bonnement comme étant l'acte de dire quelque chose.

(...) Exemples : (E.a) « Oui [je le veux] (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) » — ce « oui » étant prononcé au cours de la cérémonie du mariage. (E.b) « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth — comme on dit lorsqu'on brise une bouteille contre la coque. (E.c) « Je donne et lègue ma montre à mon frère » — comme on peut le lire dans un testament. (E.d) « Je vous parie six pences qu'il pleuvra demain ». Pour ces exemples, il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n'est ni décrire ce qu'il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c'est le faire.

Aucune des énonciations citées n'est vraie ou fausse : j'affirme la chose comme allant de soi et ne la discute pas.

On n'a pas plus besoin de démontrer cette assertion qu'il n'y a à prouver que « damnation ! » n'est ni vrai ni faux : il se peut que l'énonciation « serve à mettre au courant » — mais c'est là tout autre chose.

Baptiser un bateau, c'est dire (dans les circonstances appropriées) les mots « Je baptise...

» etc.

Quand je dis, à la mairie ou à l'autel, etc.

« Oui [je le veux] », je ne fais pas le reportage d'un mariage : je me marie. Quel nom donner à une phrase ou à une énonciation de ce type ? Je propose de l'appeler une phrase performative ou une énonciation performative ou — par souci de brièveté — un « performatif ».

Ce nom dérive, bien sûr, du verbe [anglais] perform, verbe qu'on emploie d'ordinaire avec le substantif « action » : il indique que produire l'énonciation est exécuter une action (on ne considère pas, habituellement, cette production-là comme ne faisant que dire. »

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