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Par le langage peut-on agir sur la réalité ?

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« Introduction Rappel de l'opposition traditionnelle entre parole et action: à cette dernière appartiendrait une efficacité incontestable alors que la première serait du côté de l'inefficacité, sinon de la rêverie. I.

Le langage, domaine du symbolique — Le langage est une re-présentation du monde: par définition il semble à distance de la réalité (ne peut-il évoquer une réalité absente?). — Problème: le re-présentation linguistique peut-elle obtenir des résultats équivalents à ceux d'une action directe sur les choses? — Deux cas invitent à répondre positivement: • le mensonge, qui agit dans la mesure où il modifie la pensée de l'auditeur en suscitant son adhésion à ce qui n'est pas; • le langage de commandement qui fait agir autrui: le réel est ainsi atteint par la médiation de l'autre. II.

Efficacité de la parole — Dès l'enfance, qui accompagne ses comportements d'un commentaire, d'une doublure de mots — pour confirmer la réalité des gestes et des choses à leur portée. — Cette première organisation du réel se prolonge chez l'adulte dans la mesure où tout recours à un vocabulaire signifie un découpage du réel (tout comme la syntaxe fournit le modèle des interprétations d'actions dans le temps). Cf.

Mounin: «Toute langue est un prisme». — La parole magique doit doubler le comportement concret par des mots qui en garantissent l'efficacité (les formules rituelles à réciter sont aussi importantes que les poisons).

Il en reste quelque chose: • dans la parole poétique qui, parce qu'elle modifie le langage, modifie du même coup notre rapport au monde et la perception que nous pouvons en avoir; • dans la parole politique: le discours a pour but de déterminer des comportements (électoraux, militaires...).

Cf.

la «pratique théorique» chez Marx (ex.: la Préface au Manifeste du Parti communiste: la rédaction d'un texte changera les rapports politiques des forces en présence).

On pourra aussi se référer à la fonction performative du langage chez Austin. La première réalité où se déploie le langage et sur laquelle il permet d'agir est évidemment la réalité humaine et sociale : il est manifeste que par le langage chaque homme agit constamment sur autrui et sur la réalité qu'il constitue, puisque chacun communique à l'autre des informations qui le modifient et en fonction desquelles il agit. Parler, c'est donc agir, toute parole, tout discours est acte, et même triplement acte, ainsi que l'a montré le linguiste et philosophe anglais J.

L.

Austin: Elle est, en premier lieu, acte locutoire.

Une parole, un discours est d'abord l'exercice de la faculté du langage.

Un discours est un énoncé ou un ensemble d'énoncés réellement produit par un locuteur (individuel ou collectif).

Il est donc par lui-même un acte: acte de locution.

Elle est, ensuite, acte illocutoire.

Lorsque je parle (que j'accomplis un acte de locution), j'utilise le discours.

Mais je puis l'utiliser de différentes manières, car le discours a de nombreuses fonctions.

Je puis, par exemple, informer, suggérer, promettre, interdire, etc.

Donc, en disant quelque chose, j'effectue un acte différent de l'acte locutoire qui est de dire quelque chose.

Elle est, enfin, acte perlocutoire.

Un discours a le plus souvent certains effets intentionnels ou non, même lointains, soit sur autrui, soit sur celui qui parle.

Ainsi, lorsque je produis un acte locutoire (et par là même un acte illocutoire), je produis un troisième acte, qu'Austin nomme « perlocutoire ».

On peut illustrer ces trois actes distincts par l'exemple suivant: Acte locutoire : production de la parole, (« Tu ne peux pas faire cela »).

Acte illocutoire : la parole (« Tu ne peux pas faire cela ») manifeste une protestation contre une action.

Acte perlocutoire : la parole et la protestation (« Tu ne peux pas faire cela ») ont pour effet de dissuader l'interlocuteur de réaliser son action. Discours constatif et performatif. On considère habituellement que dire quelque chose, c'est toujours simplement affirmer quelque chose: les énoncés seraient toujours des affirmations dont on peut dire qu'ils sont vrais ou faux selon qu'ils correspondent à la réalité. Par exemple l'énoncé « je bois un café » est vrai si je bois effectivement un café, faux si je n'en bois pas.

Mais Austin observe que certains énoncés ne sont ni vrais ni faux, car ils ne décrivent rien, mais sont les actions qu'ils énoncent: ils ne décrivent pas quelque chose, mais font quelque chose, sans donc être ni vrais ni faux, tout comme lorsque je bois un café, mon acte de boire un café n'est en lui-même ni vrai ni faux : il est ; c'est un fait.

Si nous considérons par exemple l'énoncé : « Je promets de dire toute la vérité », nous voyons qu'en prononçant ces mots, je ne décris rien mais j'accomplis un acte : je fais un serment.

Ce serment n'est ni vrai ni faux, c'est un serment (je puis par la suite y être fidèle ou non, cela ne change rien au fait que c'est un serment).

Aussi est-on conduit, avec Austin, à distinguer deux sortes d'énoncés: - Les énoncés constatifs qui décrivent un phénomène (ex.: « le ciel est bleu », « je suis heureux », « deux et deux font quatre »). - Les énoncés performatifs dont l'énonciation énonce une action du locuteur en même temps qu'elle l'accomplit (ex.: «je jure que...

», «j'exige que...

», «je parie que...

», «je te baptise...

» ).

C'est pourquoi ces énoncés sont toujours à la «première personne du singulier de l'indicatif présent, voix active ».

Il apparaît donc que parler, dans le cas de. »

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