On admet généralement que la raison est susceptible, au moins dans certains cas, de triompher des passions. Comment cela est-il psychologiquement explicable et quel genre de réalité psychologique faut-il, pour le comprendre, attribuer, d'une part à la ra
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«
On admet généralement que la raison est susceptible, au moins dans certains cas, de triompher des passions.
Comment cela est-il
psychologiquement explicable et quel genre de réalité psychologique faut-il, pour le comprendre, attribuer, d'une part à la raison et de
l'autre aux passions ?
INTRODUCTION.
- Il arrive parfois d'entendre dire : « C'est un joueur ou un fumeur incorrigible ! » Et cependant, certains joueurs ou
fumeurs invétérés parviennent à triompher de leur passion et à se corriger, soit d'un seul coup, soit par des efforts répétés.
On attribue
cette guérison à la raison ou à la volonté guidée par la raison
Or, la voix de l'intelligence se faisait parfois entendre au plus fort de la passion et montrait alors en vain au joueur ou au fumeur qu'il
avait tort.
Aujourd'hui elle triomphe.
De cette victoire, il est possible d'envisager : les difficultés dans la force de la passion; — l'explication psychologique dans les caractères
des deux facteurs en présence; - et la raison profonde dans la nature intime de ces deux éléments psychologiques.
I.
— LES DIFFICULTÉS ET L'APPARENTE IMPOSSIBILITÉ.
A première vue, il semblerait que l'empire de la raison (si clairvoyante soit-elle) sur la passion soit incapable d'en venir à bout.
A.
En face de son objet, la passion est, en effet, plus forte que la raison; et on peut transposer, en l'appliquant à ces deux facteurs, ce
qu'Émile Coud dit de l'imagination et de la volonté : « Quand elles sont directement en lutte, c'est toujours la première qui l'emporte,
sans aucune exception.
»
De fait, en dehors d e s e s crises et loin de l'occasion, le joueur le plus invétéré peul, reconnaître qu'il a tort : la raison lui prouve sa
culpabilité et c'est de là que naissent ses remords.
Et, cependant, à la première occasion venue, il recommence : la passion l'emporte sur
la voix de la raison.
B.
Bien plus, elle réussit même à s'asservir cette intelligence : par les détours de la logique passionnelle, elle masquera les inconvénients
et mettra en lumière les arguments favorables : le malheureux joueur se justifie alors par des arguments parfois fort astucieux et qu'il
s'efforce de croire indiscutables.
La passion semble donc non seulement dominer, m a i s encore conduire la raison.
Comment celle-ci pourra-t-elle cependant remporter
l'avantage ?
II.
— L'EXPLICATION PSYCHOLOGIQUE.
Pour s'en rendre compte, il suffit de comparer quelques caractères des deux éléments psychologiques qui s'affrontent.
Cette confrontation
pourra porter :
A.
Sur l'étendue des domaines où ils s'exercent :
a) La passion est concrète et particulière, et c'est ce qui lui donnait l'avantage sur la raison en face d e s o n objet propre; mais, en
revanche, elle perd toute influence et n'a plus aucun ressort en tout autre domaine où rien de l'intéresse.
Le joueur et le fumeur resteront
honnêtes tant qu'ils auront légitimement assez d'argent pour satisfaire leur passion.
b) La raison, au contraire, est universelle et règle la conduite de l'homme dans tous les domaines autres que celui de la passion.
Son
influence s'exerce dans tous les actes; et si elle n'est pas prédominante contre la passion, elle n'est cependant pas annihilée : en vertu
de la plasticité et de la spiritualisation des tendances, un homme qui a l'habitude de raisonner ne s'enivrera pas de la même façon qu'un
ivrogne vulgaire ou qu'un homme peu cultivé.
— De plus, en tant qu'universelle, la raison est capable, puisque son objet est l'abstrait, et le général, de s'élever à des fins idéales plus
hautes et plus larges qui pourront dominer d e plus haut la passion et l'étouffer indirectement, nous allons le voir, par manoeuvre
tournante et enveloppement.
B.
Sur la lumière qui éclaire les actes de l'un et de l'autre :
a) La passion est u n e impulsion violente m a i s aveugle; souvent liée d'ailleurs à des éléments inorganiques où règne un mécanisme
nécessaire, elle ne cherche qu'à se satisfaire et à donner toute licence à ce qui constitue une sorte de besoin.
b) La raison, au contraire, est avant tout intelligente, capable d'envisager u n e question sous s e s divers aspects : causes, conditions,
résultats, capable aussi d'étudier et de connaître la passion pour la combattre.
Elle constate que si elle l'attaque de front, elle est vaincue
d'avance; et c'est pourquoi elle cherche à l'abattre indirectement, soit en supprimant les images et occasions, aliments trop propices; —
soit en lui enlevant tout exercice ou manifestation extérieure; — soit en la faisant dévier sur un objet légitime.
Elle acquiert ainsi sur la
passion un pouvoir non pas absolu et tyrannique, mais véritable cependant et que les Anciens nommaient politique.
C.
Sur le genre de force et d'énergie que les deux facteurs mettent en jeu.
En effet, si la raison n'était qu'universelle et éclairée, elle resterait impuissante en face d e la passion : elle verrait les remèdes à
employer, mais elle ne pourrait s'en servir pour dominer son adversaire.
a) Car la passion est une force impétueuse, destructrice et désorganisatrice certes, mais qui ressent spontanément le besoin d'un soutien
et d'une direction : et c'est pourquoi, par logique sentimentale, elle cherche à s'assurer le concours de la raison; c'est aussi pourquoi la
raison peut avoir prise sur elle pour la dévier ou même la détruire.
b) La raison, en effet, est également une force, m a i s u n e force directrice qui s'exerce par la volonté libre.
Si ces d e u x facultés
intellectuelles ont su se m aintenir à l'abri d e l'influence passionnelle, elles peuvent, dans u n e indépendance souveraine et avec u n e
énergie calme et sereine, endiguer le torrent sentimental et adroitement le diriger à leur gré.
III.
- LA RAISON PROFONDE.
Cela s'explique, en définitive, par le fait que la raison et la passion ne possèdent pas en nous le même genre de réalité psychologique.
La seconde, en somme n'est qu'une tendance, violente sans doute et qui a conquis un rôle plus ou moins tyrannique et dominant dans
notre vie elle est « en nous »; elle peut s'y être installée « par nous » mais elle n'est pas « nous ».
La raison, au contraire, avec la volonté qu'elle éclaire, constitue l'élément essentiel de la nature humaine et le pivot de notre personnalité.
Elle s'identifie sans cesse davantage, si nous le voulons, avec le « je » un, permanent et libre: et c'est la raison profonde de son pouvoir.
CONCLUSION.
- Cette étude pourrait nous servir à la réfutation de la théorie qui veut dégager le passionné de toute responsabilité.
Alors que nous sommes coupables si nous laissons se développer en nous une passion, nous le sommes encore si nous la gardons en
nous.
En effet, si à l'état de crise nous sommes incapables de la dominer et de juger sainement nos actes, il n'en est pas de même entre
ces crises : le remords éprouvé parfois en est la preuve.
Nous rendant alors compte de notre pouvoir et de notre responsabilité, il appartient toujours à la raison et à la volonté de nous remettre
adroitement et fortement dans le droit chemin..
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