Observer est-ce expérimenter ?
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- PLAN PROPOSÉ
- DÉVELOPPEMENT
«
PLAN PROPOSÉ
Introduction.
— Echange entre l'idée et le réel.
Méthode expérimentale
I.
— La place de l'expérimentation dans la méthode expérimentale :
a) L'observation, la loi, la preuve.
b) Nécessité de l'expérimentation.
II.
— Etude de l'expérimentation :
a) Son point de départ, son but, ses moyens.
b) Les conditions d'une bonne expérimentation.
c) La méthode.
Conclusion.
— Observation et expérimentation : leurs points communs.
La recherche scientifique et la formulation des lois ne font qu'une seule démarche,
qui est confrontation de l'idée et du fait.
DÉVELOPPEMENT
Dans le domaine des sciences expérimentales, le savant se trouve en face de la nature, dont il s'efforce de trouver les lois.
D'une part, il est en possession
d'un ensemble de propositions scientifiques qui forment un tout cohérent, d'autre part, il aperçoit dans le monde matériel des phénomènes dont il veut
rendre compte dans le langage scientifique.
C et échange constant entre le réel et les idées constitue l'expérience au sens le plus large du terme.
Néanmoins, cette saisie du réel peut s e faire selon différents modes, et le terme que l'on applique aux sciences de la nature, quand on les dit
expérimentales, comprend aussi bien l'observation des phénomènes, des faits bruts, que la vérification des relations découvertes par le savant.
Qu'est-ce que l'expérimentation ? Pour répondre à cette question, il est utile de la situer au sein de la méthode expérimentale.
En effet, l'usage courant du
mot expérimenter » nous avertit.
Quand on dit qu'on va expérimenter un nouveau procédé de fabrication, par exemple, on sous-entend que ce procédé a déjà
été mis au point par réflexion, par le calcul, qu'en principe la réalisation pratique ne doit souffrir aucune difficulté.
C 'est donc une longue démarche qui
conduit à l'expérimentation, et il faut qu'il y ait eu découverte pour qu'on aborde cette phase de la méthode expérimentale.
A u point de départ, il y a un donné, confus et indéterminé, duquel le savant s'approche par l'observation.
Si cette observation, faite parfois sans idée
préconçue, et parfois pour des raisons de technique, suggère une relation intelligible, le savant recommence ses observations, les répète, les contrôle,
mesure, analyse, pour aboutir à une constatation qui transforme le phénomène initial en fait.
P armi les mille hypothèses empruntées au capital scientifique,
il en est une, le plus souvent, qui s'impose, une relation causale, à laquelle le savant va donner forme mathématique, en la généralisant de telle sorte qu'elle
s'applique inconditionnellement, à tous les phénomènes du même ordre qui s e puissent rencontrer.
Cette loi, qui n'est encore formulée qu'à titre
d'hypothèse, rend compte du phénomène et fournit en général une explication.
La découverte de la loi repose donc sur des observations — qui ont un aspect
d'expérience — et sur un raisonnement, déductif d'abord, puis inductif lorsque la loi est formulée.
On voit que, arrivé à ce point où l'esprit s'est relativement dégagé du réel, en ce sens que du fait présent on est passé à tous les faits possibles de même
nature, on voit qu'il est nécessaire de contrôler l'hypothèse émise par un retour vers le réel.
C 'est ici que se place l'expérimentation.
Elle est une
conséquence du travail d'élaboration du savant.
Elle est nécessaire pour qu'une loi avancée hypothétiquement, puisse être formulée valablement.
L'idée n'a
de valeur que dans la mesure où l'expérience la vérifiera.
Expérimenter, c'est donc vérifier.
A u point de départ, le savant possède une formule mathématique ou une proposition logique, dont chaque terme est bien
défini.
L'expérience a dès lors pour fonction de réinsérer l'hypothèse dans un réel, qui n'est plus le phénomène confus du début, mais un fait saisi dans ses
relations essentielles.
En un sens, le savant est maître du réel, et c'est pour cette raison que l'expérience, dans l'expérimentation, est le plus souvent
provoquée, c'est-à-dire modifiée, construite artificiellement au laboratoire avant de conduire à l'examen de phénomènes non provoqués, dont on peut
cependant guider le processus.
Les travaux de P asteur sur la fermentation sont un exemple de la ténacité que déploie le savant pour vérifier une idée, c'est-à-dire pour apporter des
preuves décisives, confirmant son hypothèse et détruisant les bases de l'ancienne théorie de la génération spontanée.
L'expérimentation n'est pas en général aisée ; la difficulté principale consiste à trouver l'expérience qui prouve.
La condition essentielle, c'est de ne pas
retomber dans les observations qui ont permis la découverte de la loi, ce qui serait un cercle vicieux.
L'expérimentation a deux moyens à sa disposition.
Le premier consiste à faire varier les conditions, le domaine de l'expérience, soit en empruntant à
d'autres faits que ceux déjà observés, soit en modifiant l'objet de ses observations.
A insi, pour la loi de Torricelli, alors que les observations et les
constatations ont été faites par Torricelli, en utilisant divers liquides, l'expérimentateur P ascal inventa de faire varier la colonne d'air en la diminuant.
Ce qui
est remarquable dans l'expérimentation, c'est que, quelles que soient les modifications imaginées, le résultat est toujours prévu, par le calcul ou par
déduction ; l'expérience le confirme, mais ne l'a pas prouvé.
La vérification établit une concordance entre la prévision et la mesure.
Le deuxième moyen dont dispose l'expérimentation découle de ce que nous venons de dire.
Il est possible de vérifier une loi, non pas directement — ce qui,
du reste, n'est pas toujours possible — mais dans ses conséquences, déduites par un raisonnement de la proposition principale.
A insi faut-il accorder une
grande place, dans l'expérimentation, à un raisonnement qui permet de rapprocher l'idée du concret, sans revenir aux données initiales de l'observation.
De plus, une expérimentation ne se poursuit pas au hasard.
Elle est soutenue par un dessein logique, pour tout dire une méthode ; celle-ci — et pour
simplifier nous pouvons nous référer aux canons de J.
Stuart Mill —n'est pas spécifique de l'expérimentation ; elle couvre l'ensemble de la méthode
expérimentale, mais c'est au niveau de l'expérimentation qu'elle rencontre son emploi le plus systématique : méthodes de concordance, de différence, des
variations concomitantes et des résidus.
J.
Stuart M ill recherchait ainsi une logique des preuves expérimentales.
Or, le raisonnement expérimental n'offre
jamais de certitude absolue ; il se heurte toujours aux difficultés de l'induction.
Expérimenter, ce n'est donc pas réaliser une seule expérience ; c'est
multiplier les contrôles soulignant l'accord des faits avec les conclusions tirées de la loi ; c'est accumuler les expériences pour augmenter la probabilité de
l'hypothèse.
L'expérimentation conduit à une certitude pratique.
I l peut arriver qu'une expérience infirme l'hypothèse émise, pie le résultat obtenu ne soit pas le résultat prévu.
A ussitôt, l'expérience faite comme
vérification se retourne, et devient un élément d'observation nouveau, qui conduira peut-être à une nouvelle hypothèse.
Par ailleurs, nous avons dit déjà,
qu'une expérience provoquée était construite en vue d'une observation.
Il est bon pour la clarté des idées de séparer l'observation et l'expérimentation,
dont les différences apparaissent bien, dans les cas les plus simples.
C ependant, les caractères ne sont pas toujours aussi nettement tranchés.
L'origine
d'une observation est une idée, une hypothèse encore confuse sans doute, mais qui joue un rôle identique à la loi, au début du processus d'expérimentation.
Observer semble faire appel à une attitude de spectateur qui tout simplement regarderait.
Expérimenter évoque des manipulations, des constructions plus
élaborées, une attitude active.
En fait, les deux attitudes se ressemblent.
L'observation et l'expérimentation doivent comprendre des faits, les interpréter,
les modifier.
Si nous allons trouver l'astronome, par exemple, dirons-nous qu'il observe ou qu'il expérimente ? Sans doute, le contenu intellectuel qui dirige son action
est différent, s'il a aperçu une anomalie qui pique sa curiosité ou s'il contrôle les calculs effectués.
M ais nous aurons quelque difficulté à admettre qu'il
expérimente, au sens où expérimentation veut dire expérience provoquée.
De la même façon, un médecin met un malade « en observation s, pour suivre le
processus de la maladie et, ensuite, il expérimente un traitement, ce qui veut dire qu'il continue à observer les réactions du malade et son évolution
générale.
Son attitude n'a pas changé.
Dans la pratique, la recherche scientifique ne suit pas un cours aussi régulier que la description classique :
observation-loi-expérimentation, le suggère.
C e qui nous paraît le plus important à retenir,
c'est le rythme de la méthode expérimentale, qui repose tout entier sur la confrontation dans l'expérience des faits et des raisonnements, soit du fait à la loi,
quand il s'agit de découvrir, soit de la loi au réel, quand il s'agit de prouver..
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