Obligation morale et règle sociale
Extrait du document
«
Position de la question.
La thèse sociologique, soutenue par DURKHEIM semble identifier l'obligation morale aux
règles sociales.
Mais cette thèse a besoin d'être précisée et discutée.
I.
La thèse sociologiste.
Selon DURKHEIM, l'obligation morale se confond avec les règles sociales, en ce sens qu'elle résulte de la pression
qu'exerce sur nous la société.
Les règles morales sont, remarque-t-il, des règles sanctionnées.
Or, ce qui
caractérise la sanction, c'est qu'elle est une conséquence de l'acte qui dérive, non pas du contenu de l'acte, mais
du fait que l'acte n'est pas conforme à une règle préétablie.
Il y a des règles qui présentent ce caractère particulier
: « Nous sommes tenus de ne pas accomplir les actes qu'elles nous interdisent, tout simplement parce qu'elles nous
les interdisent.
C'est ce qu'on appelle, ajoute DURKHEIM, le caractère obligatoire de la règle morale », et il se flatte
d'avoir retrouvé ainsi, « par une analyse tout empirique, la notion de devoir et d'obligation, à peu près comme KANT
l'entendait », c'est-à-dire sous la forme de l'impératif catégorique.
En effet, la
société nous domine, elle déborde l'individu, non seulement matériellement,
mais aussi moralement.
C'est d'elle que nous recevons (selon DURKHEIM) tout
ce qui fait la civilisation, c'est-à-dire « l'ensemble des plus hautes valeurs
humaines ».
Elle nous apparaît ainsi comme « une autorité morale » ; elle a en
elle « tout ce qui est nécessaire pour communiquer à certaines règles de
conduite ce caractère impératif, distinctif de l'obligation morale ».
Autrement
dit, « c'est parce qu'elle est au-dessus de nous qu'elle nous commande,
qu'elle est une autorité impérative ».
II.
Examen de la thèse.
A.
— II importe de remarquer d'abord en quel sens cette thèse identifie
l'obligation morale avec les règles sociales.
Il ne s'agit pas seulement ni même
peut-être surtout des règles explicitement formulées dans les lois,
règlements, prescriptions de l'autorité publique.
« II y a, dit DURKHEIM, des
devoirs, des idées morales qui ne viennent pas s'inscrire dans la loi.
» On les
trouve dans « les proverbes, les maximes populaires, les usages non codifiés
», de même que dans « les œuvres littéraires, les conceptions des
philosophes, des moralistes », et d'une façon plus générale encore, dans les
coutumes, les mœurs, l'opinion morale ou, comme dit DURKHEIM dans « la
conscience publique ».
En effet, « il est assez d'usage, remarque-t-il, de ne
voir dans la société que la police bourgeoise avec le gendarme qui la protège ».
Mais, on l'a dit ci-dessus, la société
est pour lui, tout autre chose : c'est une autorité morale.
Elle « ne peut pas se constituer sans créer de l'idéal ».
Elle n'est pas seulement un corps : « Dans ce corps vit une âme : c'est l'ensemble des idéaux collectifs ».
B.
— On peut se demander toutefois si, même ainsi étendue et interprétée, cette conception de l'obligation morale
est satisfaisante et si, au fond, elle ne repose pas sur un cercle vicieux.
Il est trop clair que la thèse sociologiste ne
parvient à faire de la société la source de l'obligation qu'à condition d'idéaliser, de valoriser la société elle-même.
DURKHEIM reconnaît que la société réelle est « pleine de tares et d'imperfections », qu'elle a « ses petitesses » en
même temps que ses grandeurs.
Ce n'est donc pas cette société-là qui nous oblige, mais une société idéale qui
constitue, par rapport à la réalité, une sorte de sphère supérieure qui n'est autre que le monde des valeurs.
L'autorité morale de la.
société vient donc, en dernière analyse, de ces valeurs même dont elle est censée être la
dépositaire et la gardienne.
Il est donc permis de penser que le caractère obligatoire du devoir s'explique par la
transcendance de ces valeurs, non seulement par rapport à nous, mais par rapport à la société réelle elle-même.
Conclusion.
Loin de se confondre avec les règles sociales, l'obligation morale les dépasse; et ces règles sociales
doivent, à leur tour, être jugées en fonction de l'idéal moral que la société n'incarne jamais qu'imparfaitement..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'autorité sociale suffit-elle à fonder l'obligation morale ?
- L'autorité sociale suffit-elle à fonder l'obligation morale ?
- L'obligation morale peut-elle se réduire à l'obligation sociale ?
- Nietzsche: L'impératif de la vie contre l'obligation morale
- La littérature doit elle, selon vous, se charger de L'éducation morale et sociale des lecteurs ?