N'y a-t-il de vérité qu'objective ?
Extrait du document
«
Il s'agit ici de s'interroger sur la nature de la vérité, mais aussi sur le rapport que nous entretenons avec elle.
La
vérité est-elle objective ? Au demeurant, nous avons le sentiment que oui.
On dira même que celui qui fait preuve
de subjectivité, qui donne son sentiment, son opinion ou son avis, ne peut que trahir la vérité.
Bref, la vérité est
objective ou elle n'est pas...
Pourtant, peut-on atteindre une objectivité intégrale ? Le sujet qui part à la
découverte de la vérité ne met-il pas nécessairement un peut de lui dans sa recherche ? Même la science qui
apparaît comme le temple de l'objectivité n'est pas épurée de subjectivité que cela.
Mais il ne s'agit pas pour autant
de dire que la vérité est subjective.
Elle est simplement ce que nous pouvons atteindre compte tenu de la
conformation et des limites de notre entendement.
De ce point de vue, on peut noter avec Kant (cf.
la Critique de
la raison pure) que notre connaissance est une sorte de mélange de ce que nous " offre " le monde et de ce que
notre pouvoir de connaître établit à partir de lui, le monde étant toujours et déjà structuré par mon entendement...
1) L'homme est mesure de la vérité - la vérité est subjectivité pure.
« L'homme est la mesure de toute choses » formule qu'Anatole France
interprétait ainsi : « L'homme ne connaîtra de l'univers que ce qui
s'humanisera pour entrer en lui, il ne connaîtra jamais que l'humanité des
choses.
» Toute affirmation sur l'univers est relative à celui qui affirme.
Socrate résume la thèse de Protagoras : « N'arrive-t-il pas parfois qu'au
souffle du même vent l'un de nous frissonne et non l'autre ? Or que dironsnous alors de ce souffle de vent envisagé tout seul et par rapport à luimême ? Qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid ? Ou bien en croirons-nous
Protagoras : qu'il est froid pour qui frisonne et ne l'est pas pour qui ne
frisonne pas ? » (« Théétète », 152b).
L'affirmation sur un même objet diffère
non seulement d'un individu à un autre mais chez le même individu selon les
moments (le monde ne m'apparaît pas de la même façon quand je suis gai ou
triste) et même selon les perspectives d'observation (une tour vue carrée de
près paraît ronde de loin).
Pour les sceptiques il n'y a pas de vérités
objectives mais seulement des opinions subjectives toutes différentes.
Le sophiste Protagoras, écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur
toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette
méthode ».
Selon Protagoras, « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant
qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on
comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain
universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sens individuel
du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même »
(Aristote, « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses
en chaque cas, telles elles existent pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour
toi elles existent » (Platon, « Théétète », 152,a).
Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité
des opinions individuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à
poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » (Aristote).
C'est donc
contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction.,
selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en
même temps, au même sujet et sous le même rapport ».
Or, un tel principe en ce qu'il est
premier est inconditionné et donc non démontrable.
En effet, d'une part, s'il était
démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un tel principe supposerait implicitement
le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il était sensé
démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part, réclamer la
démonstration de toute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une
« grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y
aurait pas démonstration ».
C'est dire qu' « il est absolument impossible de tout
démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de
contradiction, une démonstration qui le fonderait, au sens fort du terme.
Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation
l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, pourvu que l'adversaire dise seulement
quelque chose ».
Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une
signification déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.
Or, précisément,
affirmer l'identique vérité de propositions contradictoires, c'est renoncer au langage.
Si dire
« ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.
Le négateur du
principe de contradiction semble parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait
ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».
En.
»
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