Notre pensée, pour s'exprimer, passe-t-elle nécessairement par le langage ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.
2) Tout système de signes, tout système signifiant,
toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).
Le langage désigne aussi la totalité des langues
humaines.
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par
opposition à l'animal.
Synonyme d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de
la connaissance; unir des représentations dans une conscience.
NÉCESSAIRE:
Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, ou être autrement.
S'oppose à contingent.
Sur le plan logique, est nécessaire ce qui est universellement vrai, sans remise en cause possible.
DIRECTIONS DE RECHERCHE
• Voir le commentaire du sujet : La diversité des langues s'oppose-t-elle à l'universalité de la pensée ? p.
64.
• Bien distinguer pensée « conceptuelle » et pensée « non conceptuelle ».
En ce qui concerne la pensée
conceptuelle, consulter notamment Discours sur l'origine de l'inégalité de Rousseau (première partie).
• Peut-on concevoir des « systèmes de signes distincts correspondant à des idées distinctes » indépendants des
langues ? Roland Barthes en doute : « II paraît de plus en plus difficile de concevoir un système d'images ou d'objets
dont les signifiés puissent exister en dehors du langage : percevoir ce qu'une substance signifie, c'est fatalement
recourir au découpage de la langue : il n'y a de sens que nommé, et le monde des signifiés n'est autre que celui du
langage.
» Extrait de : Degré zéro de l'écriture, p.
80.
Pourtant ne peut-on constater que les hommes sont capables de constituer des « systèmes de signes » qui ne
comportent pas nécessairement les deux articulations ni le caractère vocal spécifique des langues humaines (ces
systèmes de signes étant le produit de la fonction symbolique ou fonction sémiotique)!
• N'est-il pas aisé d'admettre qu'il existe des messages qui ne s'articulent pas en unités linguistiques : le meilleur de
la production artistique par exemple (même s'il reste à voir, ici, si l'on a affaire à « des systèmes de signes »)?
• De façon générale toute* communication peut-elle être réduite à une communication linguistique ou de « type »
linguistique ?
Toute analyse de la réalité humaine se heurte à la notion de langage, qui représente un véritable enchevêtrement
de problèmes; on a en effet souvent fait du langage une des caractéristiques de l'homme, mais en même temps on a
souligné son caractère purement culturel et social (l'être humain ne pouvant acquérir le langage que par le biais de
l'éducation, et ce langage ne lui servant - du moins apparemment - que lors de ses rapports avec d'autres
hommes).
On a donc le plus souvent abouti, en voulant le définir, à l'idée d'un langage qui soit en fait un outil
permettant à l'homme d'exprimer sa pensée, et par là de créer des rapports sociaux - mais par là même on en vient
à établir une distinction entre deux ordres de choses d'une part, la pensée (qui elle aussi a été considérée comme le
« propre de l'homme »), d'autre part, le langage qui sert à l'exprimer - d'où le problème de savoir si le langage est le
seul moyen d'expression de notre pensée (ou s'il ne représente qu'un « outil » parmi d'autres), et si donc la pensée
humaine qui ne veut pas rester « secrète » doit nécessairement passer par lui.
Mais, auparavant, il convient de
définir
précisément les termes employés (ce qui nous montre d'ailleurs combien toute réflexion, quelle qu'elle soit, doit
accorder une importance capitale au langage en ce qui concerne la « pensée », nous serons amenés à établir une
distinction (inévitable depuis l'avènement de la psychanalyse) entre pensée consciente et pensée inconsciente - qui
peuvent se rapporter de façons différentes au langage; mais surtout le sens du terme de « langage » doit être
étudié au plus près : le langage est en instance le « propre de l'homme », avons-nous dit, et cela car, au contraire
de l'animal qui s'exprime par signaux limités, immuables et liés à l'instinct de l'espèce (donc intransformables), le
langage est un outil que se forge l'homme, donc susceptible d'évolution et de variation, et dont le sens est contenu
non dans des signaux fixes mais dans la combinaison de signes arbitraires : il est donc clair que le langage ne se
ramène pas à « la parole » (les gestes, à un certain degré, par exemple, donnent un langage) pouvant être plus ou
moins précise; le langage est donc arbitraire, et en cela il impose un « détour » à l'homme dans son rapport à autrui
et aux choses; mais cependant il est partout, et nous nous rapportons sans cesse au monde à travers lui.
Cela dit,
il s'agit d'étudier d'abord en quoi la pensée, dans la mesure du possible, peut pour s'exprimer se passer du langage,
puis les critiques que l'on peut faire à cette idée - sans doute serons-nous d'ailleurs amenés à préciser ou à
reconsidérer le rapport langage-pensée.
Notre pensée peut-elle s'exprimer autrement que par le langage? Affirmer cela c'est affirmer également une
distinction radicale entre langage et pensée, et affirmer cette dernière comme antérieure au langage, et ainsi plus «
naturelle » (bien que la distinction nature/culture soit pour le moins difficile à établir).
C'est généralement le point de
vue du sens commun, mais aussi celui d'un grand nombre de philosophes (il est vrai qu'on n'a fait du « langage » en
soi un problème philosophique que depuis le XIXe siècle).
Pour un philosophe comme Platon en effet le problème ne
se pose pas : notre pensée est en nous (et se confond avec notre âme); par la dialectique elle utilise le langage
comme un instrument pour s'élever jusqu'au monde des Idées - qui est dès lors l'éclat de la pensée pure qui se.
»
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