Notre destinée dépend-elle du caractère ?

« Introduction.

Selon R.

LE SENNE (La destinée personnelle, p.

75), « c'est dans le caractère que nous trouvons les premières explications de la destinée, puisque même les données de la situation extrinsèque, comme le climat et la famille, ne peuvent agir sur l'individu qu'en traversant le caractère et, par suite, en se faisant réfracter par lui.

» En un mot, le caractère est « la matrice de la destinée ». I.

Caractère et fatalité. L'affirmation est d'autant plus grave que, selon le même philosophe, le caractère est héréditaire, congénital et résiste au changement.

Nous sommes donc nés dans le déterminisme : « HEINE était biologiquement doué pour écrire des poèmes mélancoliques, NAPOLÉON pour commander, CHOPIN pour rêver au piano.

» Il semble donc que notre destinée doive être fatale comme un destin caractériel. II.

Caractère et liberté. Il n'en est rien cependant.

Car, du sein même du caractère, surgissent des contradictions (Ouv.

cité, p.

115 et suiv.) : contradictions intimes, comme par exemple chez les sentimentaux, entre le besoin d'agir et l'impuissance à le faire : « ROUSSEAU se portait vers la société aristocratique et littéraire, mais fuyait les hommes en les déclarant corrompus par la société; MAINE DE BIRAN se livrait à la vie politique, puis en revenait mécontent pour y retourner le lendemain »; contradictions intellectuelles, par exemple «le conflit, chez PASCAL, entre cette exigence d'infinité qui est incluse dans une très forte émotion, et le besoin rationnel de démonstration qui s'est manifesté chez lui par ses recherches scientifiques »; contradictions sociales ou interpersonnelles; contradictions enfin entre le réel et l'idéal.

« C'est de ces contradictions caractérielles que jaillit la liberté du sujet » : car c'est de là que surgit la possibilité d'un choix, et « le premier choix de notre destinée consiste dans la réaction spontanée et globale du moi au caractère » (LE SENNE, ibid., p.

121). Conclusion.

Notre destinée dépend, dans une certaine mesure, de notre caractère congénital.

Mais celui-ci ne la détermine pas de façon nécessaire et fatale : notre choix reste libre.. »