Nos sens sont-ils trompeurs ?
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«
Si les informations fournies par la perception sont indispensables pour la vie, sans organes perceptifs comment
s'orienter dans le monde ? L'expérience des nombreuses illusions ou erreurs des sens semble montrer qu'on ne
peut pas toujours se fier à la perception.
Les philosophes sceptiques de l'Antiquité avaient dressé une liste de
ces illusions (la tour carrée qui de loin paraît ronde ou le bâton qui paraît brisé lorsqu'on le plonge dans l'eau
etc.), exemples canoniques repris par toute la tradition de la philosophie classique.
La valeur des
connaissances formées à partir des données de la perception est donc fonction de la confiance que l'on a ou
non dans les sens.
Sont-ils en eux-mêmes trompeurs ou doit-on plutôt incriminer le jugement que
l'entendement forme à partir des données des sens ? Pour Lucrèce, et plus généralement pour l'école d'Epicure,
il faudrait faire confiance à la perception.
La véracité des connaissances fondée sur la perception tiendrait à
leur infaillibilité et à l'impossibilité de prouver qu'ils nous trompent.
Si les sens étaient trompeurs, la raison qui,
selon Lucrèce, est « tout entière issue de la sensation » serait tout aussi mensongère et illusoire.
1) Les sens ne nous trompent pas car s'ils nous trompaient nous ne pourrions rien connaître.
Tout ce que je sais du monde, je le sais à partir d'une expérience sensible sans laquelle rien ne pourrait être
appréhendé.
Les sens désignant les organes intermédiaires entre moi et l'univers, ils paraissent, initialement,
entièrement dignes de confiance, car ils paraissent fonder mon vécu, qui s'origine en eux.
Dignes de confiance, d'abord, en ce qui concerne ce vécu à proprement parler.
Après tout, le concept, la notion,
l'idée semblent multiples et surtout construits.
Or mes sens semblent m'apporter une vérité immédiate et initiale.
L'immédiateté n'est-elle pas insoupçonnable ? Il y a, en première approche, une dimension privilégiée de l'expérience
obtenue par les sens, par l'odorat, la vue ou l'ouïe.
Il y a, dans mes sens, dans ces couleurs qui me sont apportées,
des traits qui paraissent immédiats et clairs et, par conséquent, je ne vois pas pourquoi je les mettrais en doute.
Les sens m'apportent des impressions ou qualités immédiates indubitables.
Cette tâche rouge que je vois sur le tapis
n'est-elle pas un irréductible ? Les sens véhiculent le monde vécu de manière directe et je dois leur accorder crédit.
Mais le vécu n'est pas seul concerné par ces analyses.
Non seulement je puis légitimement accorder ma confiance
aux sens au niveau de l'immédiat, mais il semble aussi que je doive leur faire crédit en ce qui concerne l'acquisition
d'une vérité scientifique élaborée.
Dois-je et puis-je accorder à mes sens crédit dans le champ de la constitution de
la vérité même ? Sens et sensation ne sont-ils pas la base de toute connaissance ? Toute vérité n'est-elle pas issue
des sens ? Hume et les empirisme semblent l'attester.
L'empirisme affirme qu'il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait été
auparavant dans les sens, cad que l'expérience est la source de toutes nos
connaissances.
Toutes nos idées ne sont jamais, comme dit Hume, que
des « copies de nos impressions sensibles ».
Non seulement l'expérience est
la source de nos idées mais encore elle explique l'association de ces idées
entre elles, cad le fonctionnement de notre esprit.
Qu'il s'agisse
d'association par ressemblance (deux idées s'appellent l'une l'autre quand
leurs objets ont été donnés de nombreuses fois soit l'un à côté de l'autre,
soit l'un après l'autre).
C'est toujours dans des expériences antérieures et
répétées que se trouve la raison de ces associations.
Une autre solution consiste à affirmer que toutes les connaissances de
l'homme, y compris les principes de la raison dérivent de l'expérience.
C'est ainsi que pour Locke, il n'existe ni connaissance ni principe inné.
Dans
« Essai sur l'entendement humain », critiquant l'innéisme de Descartes,
Locke avance la thèse de la « table rase » : l'esprit de l'être humain, avant
toute expérience et éducation (celui du nouveau-né par exemple), est
comme une tablette de cire, vierge de toute écriture.
Nos idées simples
viennent de la sensation et de la réflexion.
Les idées complexes et en
particulier les catégories de substance, de mode et de relation sont le
produit de la combinaison des idées simples.
Pour Hume aussi les principes
de la raison ne sont pas innés mais acquis par l'expérience.
Comme philosophie générale, l'empirisme affirme avec Locke que nos idées ne sont pas, comme le pensait
Descartes, innées, mais qu'elles proviennent de l'expérience.
On peut décomposer la philosophie empiriste de la
connaissance en trois moments.
1.
L'origine des idées.
L'esprit, dit Locke, est d'abord une page blanche, une « table rase » (tabula
rasa).
« Comment vient-il à recevoir des idées ? Par quels moyens en acquiert-il cette prodigieuse quantité
que l'imagination de l'homme, toujours agissante et sans borne, lui présente avec une variété presque
infinie ? D'où puise-t-il tous ces matériaux qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes
ses connaissances ? A cela je réponds d'un mot : de l'expérience.
C'est le fondement de toutes nos
connaissances, c'est de là qu'elles tirent leur première origine.
» (« Essais sur l'entendement humain »).
L'expérience est donc d'abord pour l'empirisme une réponse à la question de l'origine des idées.
Ainsi, un
certain nombre d'idées naissent dans l'âme des « observations que nous faisons sur les objets extérieurs et
sensibles » (idem).
C'est le cas d'idées comme « dur », « mou », « blanc », « jaune »...
Locke les appelle des
« idées de sensations » : nous nous les représentons que parce que nous avons eu l'expérience sensible du
mou, du blanc, du jaune....
Pour un empiriste, un aveugle de naissance ne saurait avoir aucune idée des
couleurs.
Les autres idées viennent non de l'expérience externe, mais de l'expérience interne ; cad des.
»
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