NIETZSCHE: No future !
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Le texte de Nietzsche tiré de la seconde Considérations inactuelles, § 3, se comprend dans une critique de l’auteur de l’esprit et de la valorisation des études historiques. Ainsi, si l’histoire est au service de la vie, il est nécessaire pour Nietzsche de voir que trop d’histoire tue la vie. Dès lors il distingue trois types d’histoire : l’histoire monumentale comme activité et aspiration, l’histoire du point de vue antiquaire comme conservation et vénération et finalement critique en raison de la souffrance de l’homme et de son besoin de délivrance. Il s’agit de trois rapports à l’histoire. Ainsi notre texte s’intègre dans ce second moment et entendant étudier la seconde forme historique. Le mouvement argumentatif du texte apparaît alors clair : la définition de cette histoire du point de vue antiquaire (du début du texte à « l'historien traditionaliste se transporte dans ces objets et s'y installe un nid douillet »), la transcendance du « je » en « nous » (de « L'histoire de sa ville devient sa propre histoire » à « au-delà des espaces ténébreux et confus des siècles il salue l'âme de son peuple en qui il reconnaît sa propre âme [...]. ») et enfin le rapport de l’histoire au service de la vie (de « Comment l'histoire servirait-elle mieux la vie qu'en attachant fortement à leur pays natal et à leurs coutumes locales des populations » à « la fleur et le fruit et qu'on est de ce fait excusé, voire justifié d'être celui qu'on est, voilà ce que l'on peut appeler de nos jours le véritable sens historique »).
«
Texte :
L'histoire est en second lieu le bien de l'homme qui veut conserver et vénérer le passé, de celui qui jette un
regard fidèle et aimant vers ses origines, vers le monde où il a grandi ; par cette piété il s'acquitte en quelque sorte
de sa dette de reconnaissance envers le passé.
Entretenir d'une main pieuse, au profit de ceux qui viendront après
lui, ce qui a toujours été, les conditions dans lesquelles il est né, c'est sa façon de servir la vie.
La possession du
bric-à-brac des ancêtres change de sens dans une âme ainsi faite ; car elle en est à son tour possédée.
Tout ce
qui est menu, borné, vermoulu, acquiert une importance, du fait que l'âme conservatrice et pieuse de l'historien
traditionaliste se transporte dans ces objets et s'y installe un nid douillet.
L'histoire de sa ville devient sa propre
histoire ; la muraille, la poterne, l'ordonnance municipale, la fête populaire sont comme le mémorial illustré de sa
jeunesse ; il s'y retrouve avec sa vigueur, son ardeur au travail, son plaisir, sa sagesse, sa folie et ses excès.
On
vivait bien ici, se dit-il, et puisqu'on y vit encore bien, on y vivra bien encore plus tard ; nous sommes tenaces et
on ne nous brisera pas en une nuit.
Par ce « nous » il dépasse la vie individuelle, éphémère et fantasque, il
s'identifie au génie familier de sa maison, de sa famille, de sa ville.
Et parfois, au-delà des espaces ténébreux et
confus des siècles il salue l'âme de son peuple en qui il reconnaît sa propre âme [...].
Comment l'histoire serviraitelle mieux la vie qu'en attachant fortement à leur pays natal et à leurs coutumes locales des populations moins
favorisées que d'autres, en les fixant et en les détournant d'aller errer à l'étranger en quête du mieux qu'il leur
faudra disputer à d'autres ? Ce qui semble river l'individu à ses compagnons et à son milieu, à l'habitude d'une vie
pénible, à telle crête montagneuse dénudée, semble parfois de l'entêtement et de l'inintelligence, mais c'est
l'inintelligence la plus salutaire et la plus profitable à la communauté.
C'est ce que chacun sait pour peu qu'il ait pris
conscience des conséquences redoutables que peut entraîner ce goût de l'émigration aventureuse qui saisit parfois
des populations entières, ou s'il peut observer de près l'état d'une nation qui a perdu la piété envers son passé et
que son goût cosmopolite condamne à changer toujours et à chercher sans cesse du nouveau et toujours du
nouveau.
Le sentiment de profond bien-être que l'arbre sent monter de ses racines, le plaisir de savoir qu'on n'est
pas un être purement arbitraire et fortuit, mais qu'on est issu de tout un passé dont on est l'héritier, la fleur et le
fruit et qu'on est de ce fait excusé, voire justifié d'être celui qu'on est, voilà ce que l'on peut appeler de nos jours le
véritable sens historique.
Introduction :
Le texte de Nietzsche tiré de la seconde Considérations inactuelles,
§ 3, se comprend dans une critique de l'auteur de l'esprit et de la valorisation
des études historiques.
Ainsi, si l'histoire est au service de la vie, il est
nécessaire pour Nietzsche de voir que trop d'histoire tue la vie.
Dès lors il
distingue trois types d'histoire : l'histoire monumentale comme activité et
aspiration, l'histoire du point de vue antiquaire comme conservation et
vénération et finalement critique en raison de la souffrance de l'homme et de
son besoin de délivrance.
Il s'agit de trois rapports à l'histoire.
Ainsi notre
texte s'intègre dans ce second moment et entendant étudier la seconde
forme historique.
Le mouvement argumentatif du texte apparaît alors clair : la
définition de cette histoire du point de vue antiquaire (du début du texte à
« l'historien traditionaliste se transporte dans ces objets et s'y installe un nid
douillet »), la transcendance du « je » en « nous » (de « L'histoire de sa ville
devient sa propre histoire » à « au-delà des espaces ténébreux et confus des
siècles il salue l'âme de son peuple en qui il reconnaît sa propre âme [...].
»)
et enfin le rapport de l'histoire au service de la vie (de « Comment l'histoire
servirait-elle mieux la vie qu'en attachant fortement à leur pays natal et à
leurs coutumes locales des populations » à « la fleur et le fruit et qu'on est de
ce fait excusé, voire justifié d'être celui qu'on est, voilà ce que l'on peut
appeler de nos jours le véritable sens historique »).
I – L'histoire antiquaire
a) Comme nous l'indique la première phrase du texte, nous sommes dans le second lieu de l'argumentation générale
de Nietzsche, c'est-à-dire l'histoire comme conservation et vénération, c'est-à-dire ancrage d'un passé.
S'il parle
d'un point de vue antiquaire c'est sans doute que l'on peut parler d'un fétichisme du passé.
L'homme s'ancre ici sur
le passé.
Il investit le passé.
Il y a une vénération c'est-à-dire un rapport quasi religieux avec le passé.
Il s'agit d'un
rapport sacré.
La sacralisation du passé est essentielle.
Elle est un point de fixation.
L'homme est alors tendu vers le
passé, non vers le présent ou l'avenir.
Son présent est fait pour le passé, réinvestit par ce passé qu'il hante
entièrement.
En effet, Nietzsche parle de « piété » relevant du vocabulaire religieux.
Cette vénération du passé est
conçu comme un devoir, un hommage qu'il faut rendre, dont il faut rendre grâce et qui nous a permis de nous faire
tels que nous sommes aujourd'hui d'où l'usage du terme de « dette ».
b) Cette présence du passé se marque par cet entretien et s'explique justement comme futur de ce passé.
Plus
exactement, ce passé envié dans le présent fait que l'hommage qu'on lui accorde doit passer à la génération
suivante comme un objet sacré, une relique, comme objet du patrimoine permettant une identité, un rappel des
origines.
Le passé est pensé comme immuable.
Il s'agit effectivement de « servir la vie », comme l'on sert une.
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