Nietzsche: La volonté de puissance comme essence de la vie
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La règle de conduite commune aux individus est la réciprocité, à la condition qu'ils
appartiennent au même corps social, avec les mêmes valeurs et les mêmes critères.
Chacun considère ainsi la volonté d'autrui comme égale à la sienne, s'abstient par
conséquent de commettre des actes de violence, d'offenser ou de voler, afin qu'il ne
lui soit pas fait de même.
Nous vivons d'ordinaire sous l'impératif de la moralité
évangélique : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse."
Cependant, il faut considérer que ce principe établi au fondement de la vie sociale est
une négation de la vie, un principe de décadence et de dissolution : "Vivre, c'est
essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l'étranger, l'opprimer, lui
imposer durement ses formes propres, l'assimiler, ou tout au moins, l'exploiter."
L'essence de la vie est la volonté de puissance, absolue et démesurée : elle vise la
conquête, le déploiement de la force jusqu'à ses limites extrêmes, et ne souffre ni
pondération, ni mesure, ni limitations d'aucune sorte.
Si dans une société vivante les
individus s'abstiennent de faire le mal entre eux, c'est cette société elle-même qui
exploitera ou tyrannisera une autre société plus faible.
Si la moralité des moeurs est
un principe de civilisation qui dompte la volonté vitale en ses tendances barbares ou
violentes, la vie reprend nécessairement le dessus, motivée par une volonté de puissance par laquelle les forts
dominent les faibles, et par laquelle le destin de toute force est d'aller jusqu'au bout d'elle-même.
L'impératif de la vie contre l'obligation morale
Nietzsche, dans Aurore, décèle sous l'obligation kantienne du devoir l'expression d'une cruauté ascétique.
Le
devoir va à l'encontre de nos habitudes, il s'oppose à notre nature sensible, il se définit par la pureté de
l'intention.
Pour conserver toute sa valeur, il doit se montrer importun, pénible, voire douloureux.
Ne peut-on
observer, sous le commandement du devoir, un goût coupable et douteux pour la souffrance physique, une
soumission servile et craintive à l'impératif de la loi ? L'obéissance au devoir s'oppose à la vie et à ses forces
puissantes, qui commandent l'égoïsme, la préservation de nous-mêmes et plus encore l'affirmation et la réalisation
de nos buts.
L'obéissance au devoir est une mortification.
Il n'apporte d'autre satisfaction que celle de
l'obéissance à une loi qui n'est pas nôtre.
L'individu se sacrifie sur l'autel de l'idée et de la raison, sans trouver
d'intérêt pour lui ni pour les autres : "Une vertu est nuisible quand elle ne tient qu'à un sentiment de respect pour
l'idée de "vertu" comme le voulait Kant." Contre les impératifs exsangues de la raison, Nietzsche proclame les
droits de l'instinct et des puissances vitales : l'être humain vise l'affirmation de sa subjectivité et non la
soumission à une loi universelle.
Le devoir moral et l'obéissance sont les signes infaillibles d'un déclin et d'une
décadence.
La nature commande à chacun de cultiver sa propre force et ses vertus en vue de la conservation de
soi-même, tandis que le devoir commande des actions impersonnelles et abstraites.
Toute action saine et vitale
ne peut avoir que le plaisir pour preuve.
Le bonheur est la seule caution que l'action est bonne.
Se dresser contre
la nature et le plaisir, c'est se détruire : "Qu'est-ce qui vous brise plus vite que de travailler, penser, sentir sans
nécessité intérieure, sans option profondément personnelle, sans "plaisir", en automates du devoir ? C'est tout
juste là la recette de la décadence, et même de l'idiotie.".
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