Nietzsche: La volonté de puissance
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La volonté de puissance et le surhomme dans la philosophie de Nietzsche
De quoi la création des valeurs est-elle la manifestation ? Nietzsche répond : de la volonté de puissance.
Il ne faut pas comprendre cette
notion au sens de « volonté de dominer les autres ».
La volonté de puissance est, chez Nietzsche, un principe ontologique : tous les êtres
sont animés d'une volonté de puissance.
Elle peut s'exprimer à travers des forces actives, affirmatives ou à travers des forces réactives,
négatives.
Les morales juive ou chrétienne sont l'expression de forces réactives, d'une volonté de puissance qui se retourne contre ellemême, parce qu'elles dévaluent la vie, le corps, et font au contraire du renoncement, de l'ascétisme, les valeurs suprêmes.
On pourrait
en dire autant de la philosophie quand, avec Socrate et Platon, elle déprécie le monde sensible au profit du monde intelligible, posé
comme seul véritablement réel.
La généalogie de la morale met ainsi au jour une « morale des maîtres » et une « morale d'esclaves ».
La « morale des maîtres » est une
morale de l'affirmation de la vie.
Morale aristocratique, propre à des hommes supérieurs, elle se fonde sur le sentiment de la distance, de
la hauteur, que les maîtres ont à l'égard de ce qui n'est pas eux : est bon ce qu'ils affirment l'être — y compris la guerre et la cruauté —
et, par antithèse, mauvais ce qui est « bas ».
La « morale d'esclaves » est au contraire une morale incapable d'affirmation ni d'élévation, qui témoigne d'un instinct de vie dégénéré :
morale du nivellement, de l'égalité, de la culpabilité, elle est pour Nietzsche le propre à la fois des morales juive et chrétienne, et de la
morale démocratique.
Seule la morale des maîtres est véritablement créatrice de valeurs.
L'autre ne crée rien ; elle est réactive et
consiste à renverser les valeurs créées par les « maîtres ».
C'est la morale de notre civilisation qui, pour Nietzsche, est le résultat d'une
longue dégénérescence de l'instinct vital de l'humanité, et dont les valeurs ne sont que de la « fausse monnaie ».
Il faut ainsi comprendre
l'antithèse « maîtres »/« esclaves » comme indiquant des types d'hommes (« affirmatifs »/« négatifs » ; « actifs »/« réactifs ») et non des
positions de pouvoir puisque, aujourd'hui, dit Nietzsche, ce sont les « esclaves » qui dominent.
À l'homme faible — socratique ou chrétien —, Nietzsche oppose l'homme de l'âge tragique grec, qui assumait tout le tragique de la vie et
affirmait joyeusement la valeur de cette vie dans les fêtes dionysiaques.
C'est à cet homme d'avant Socrate que devra ressembler le
surhomme annoncé par Zarathoustra (Ainsi parlait Zarathoustra).
Le surhomme est celui qui, face à la vie, est animé de forces positives,
créatrices.
La doctrine du surhomme est liée à celle de l'éternel retour.
Le faible, le réactif est homme du ressentiment et de la culpabilité
: il a un rapport négatif au passé, qu'il n'accepte pas.
L'homme du ressentiment refuse le devenir, le temps.
À l'inverse, le surhomme est
celui qui accepte le devenir jusqu'à vouloir qu'il revienne éternellement : « Si, dans tout ce que tu veux faire, tu commences par te
demander : est-il sûr que je veuille le faire un nombre infini de fois, ce sera pour toi le centre de gravité le plus solide ».
Le discours nazi a pu s'inspirer du thème du surhomme et de cette typologie quasi « raciale » des valeurs, articulée à une problématique
de la dégénérescence de l'humanité, à une critique radicale de l'héritage judéo-chrétien et à une opposition violente à l'idéal
démocratique.
Nietzsche s'est défendu à l'avance contre de telles utilisations de sa philosophie mais, à cet égard, certains de ses textes
restent ambigus.
« Les trois métamorphoses »
C'est le titre d'un texte du Zarathoustra (1883-1885) dans lequel Nietzsche annonce la transmutation des valeurs opérée par le
surhomme, le renversement du renversement des valeurs effectué par l'homme « réactif ».
Zarathoustra déclare en effet, au tout début
de ses discours: «Je vais vous dire trois métamorphoses de l'esprit : comment l'esprit devient chameau, comment le chameau devient
lion, et comment enfin le lion devient enfant.
»
La première métamorphose est celle du chameau qui symbolise la morale du « Tu dois », laquelle subit les valeurs transmises et déprécie
la vie : c'est le premier moment du renversement des valeurs, accompli par le judaïsme et le christianisme, et par la philosophie depuis
Socrate.
Lors de la deuxième métamorphose, le chameau se transforme en lion, lequel détruit toutes les valeurs établies, tous les «Tu dois ».
Lors de la troisième métamorphose, le lion se transforme en enfant, le « non » de la destruction en « oui », en affirmation totale de la vie
: c'est le moment du surhomme : au « Tu dois » s'est substitué le « Je veux ».
Le point commun le plus fort entre la Volonté schopenhauérienne et la volonté de puissance nietzschéenne tient à leur caractère
d'universalité qui outrepasse largement la seule sphère humaine.
La volonté de puissance est, aux yeux de Nietzsche, la nature même
des choses depuis la plus misérable forme de vie jusqu'à la plus haute.
À cet égard, la volonté de puissance humaine n'est qu'un cas
particulier dans ce qui constitue une véritable loi cosmique.
Mais surtout la volonté de puissance est là où on l'attend le moins, dans les
idéaux les plus purs, les croyances les plus éthérées.
Nietzsche, qui a beaucoup lu et apprécié les moralistes français comme La
Rochefoucauld, sait que le désir de n'être pas
loué équivaut à celui d'être loué deux fois et qu'une action désintéressée trouve son intérêt le plus puissant dans le fait même de se nier
comme intéressée.
La science et la philosophie n'échappent évidemment pas à ce soupçon fatal.
La raison aime le pouvoir, aussi se cache-t-elle volontiers
derrière la bannière de la vérité.
Dans tes discussions, le raisonnement est un moyen d'écraser l'autre, de le réduire au silence et
Nietzsche y voit un masque de la volonté de puissance, masque idéal puisque personne ne soupçonne qu'il puisse y avoir un visage
derrière.
Le christianisme a fait de l'immense désir de suicide qui régnait au temps de sa naissance le levier même de sa puissance: tandis qu'il
interdisait de façon terrible toutes les autres formes de suicide, il n'en laissa subsister que deux qu'il revêtit de la suprême dignité et qu'il
enveloppa de suprêmes espoirs: le martyre et la lente mise à mort par soi-même de l'ascète.
— Nietzsche.
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