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Nietzsche

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A tout prendre, les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n'importe quel autre de ses résultats; car c'est sur l'intelligence de la méthode que repose l'esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si lesdites méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l'absurdité reprenant le dessus. Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu'ils veulent des résultats de la science, on n'en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l'esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n'ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l'âme de tout homme de science à la suite d'un long exercice. Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s'imaginant qu'ainsi tout est dit. Avoir une opinion, c'est bel et bien pour eux s'en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à coeur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s'échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences. Nietzsche

« A tout prendre, les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n'importe quel autre de ses résultats; car c'est sur l'intelligence de la méthode que repose l'esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si lesdites méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l'absurdité reprenant le dessus.

Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu'ils veulent des résultats de la science, on n'en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l'esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n'ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l'âme de tout homme de science à la suite d'un long exercice.

Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s'imaginant qu'ainsi tout est dit.

Avoir une opinion, c'est bel et bien pour eux s'en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à coeur en guise de conviction.

Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s'échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences. QUESTIONNAIRE INDICATIF • Pourquoi, selon Nietzsche, « les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n'importe quel autre de ses résultats »? — N'est-il pas paradoxal de dire que les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche ? — Cela n'éclaire-t-il pas quelque peu la suite du texte ? • Caractéristique(s) de « l'esprit scientifique » selon Nietzsche ? — Différence(s) entre « opinion » et « conviction »? • Pourquoi, selon Nietzsche, tout le monde devrait aujourd'hui connaître à fond au moins une science ? • Est-ce que cette conclusion situe l'enjeu du texte ? — Est-ce que en cela consiste l'intérêt philosophique du texte ? • Importance de la notation « extrême circonspection »? • Dégager, à partir de là, l'intérêt philosophique de ce texte. Introduction Bien avant les textes de Bachelard sur Le Nouvel Esprit scientifique, Nietzsche nous propose une définition peu orthodoxe et très aristocratique de ce qu'est le véritable chercheur et montre a contrario en quoi consiste le manque d'esprit scientifique : ceux qui s'enflamment sans discernement pour des « fantaisies » risquent fort de susciter des catastrophes - particulièrement, nous dit Nietzsche, en politique. Après avoir examiné la conception nietzschéenne de l'esprit scientifique en montrant en quoi elle s'écarte de la « méthode » cartésienne, nous discuterons cette allusion finale au domaine politique. Étude ordonnée et intérêt philosophique Nietzsche cartésien ? Les premières lignes du texte peuvent sembler surprenantes et presque décevantes de la part d'un auteur iconoclaste et singulier de réputation comme Nietzsche : affirmer qu'en science les résultats ne sont rien sans la méthode qui a permis de les trouver et de les articuler entre eux est, depuis Descartes et son Discours de la méthode, ce qu'on peut dire de plus banal- à propos de la connaissance.

Descartes montre en effet avec une clarté exemplaire comment une méthode inspirée de la géométrie permet d'avancer avec assurance aussi bien en métaphysique qu'en physique et dans les « sciences particulières » que sont la médecine, la mécanique et la morale. Nietzsche se contente-t-il ici d'emboîter le pas à Descartes ? On pourrait le penser au vu des premières lignes. Pourtant l'auteur suggère que la méthode est un « aboutissement » de la science, un de ses « résultats », alors que pour Descartes c'est plutôt la science qui est le fruit de la méthode bien appliquée.

Cette nuance indique peut-être que les méthodes dont parle Nietzsche sont moins un instrument, un ensemble déterminé de procédures, qu'un état d'esprit dont la suite du texte montre qu'il ne se réduit pas à la simple intelligence. Apprendre et penser.

Ce qu'est l'esprit scientifique, Nietzsche va l'évoquer a contrario en brossant un portrait mordant de ceux qui en sont dépourvus.

Pour éviter les malentendus, il prend soin de préciser que ces gens ne sont pas forcément idiots : on peut être intelligent et néanmoins dépourvu d'esprit scientifique.

On peut formuler cette distinction en d'autres termes selon Nietzsche il faut distinguer capacité d'apprentissage et esprit de recherche.

Pour bien apprendre il faut savoir mémoriser intelligemment des idées, des données.

Mais l'esprit scientifique est moins soucieux d'apprendre que de questionner, d'interroger, de soupçonner.

Alors que Descartes insistait sur l'assurance donnée par sa méthode, Nietzsche souligne la capacité de « méfiance » qui est le propre de l'esprit scientifique.. »

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