Nietzsche
Extrait du document
«
Pour Nietzsche, le christianisme est le dernier symptôme de
valeurs.
la décadence, contre lequel il faut opérer un renversement des
Nietzsche forme une attaque virulente contre la religion, et principalement le christianisme, dont saint Paul est, pour lui, le
véritable fondateur.
Mais la religion chrétienne n’est que l’aboutissement extrême de l’idéalisme, du moralisme, qui se font jour
dès « le cas Socrate ».
comprendre les attaques de Nietzsche, c’est comprendre ce qu’il entend par le renversement des valeurs
et l’annonce du surhomme.
En un sens, Nietzsche reprend les critiques que Spinoza adressait aux religions : elles sont des erreurs intellectuelles dues en
grande partie à une impuissance du croyant.
En particulier, elles ignorent la nature et la compréhension des phénomènes
naturels.
Nietzsche affirme qu’il n’y a dans la religion chrétienne que des « causes imaginaires […] des effets imaginaires […] des
êtres imaginaires […] une science imaginaire de la nature […] une psychologie imaginaire […] une théologie imaginaire ».
L e s principaux concepts théologiques (péché, remords, châtiment, tentation, etc.) sont passés au crible d’une critique
impitoyable.
Le principe en est que la religion développe des « arrières-mondes », des mondes imaginaires grâce auxquels elle
évalue la réalité, l’interprète.
Mais ce qu’il y a de nouveau chez Nietzsche, réside dans le fait qu’il comprend tout cela comme un signe de décadence et cherche quels sont les motifs de
celui qui a besoin de croire.
« Une fois que l’on eut inventé le concept de « nature » pour l’opposer en tant que tel à celui de « Dieu », « naturel » ne put que devenir l’équivalent de
« condamnable ».
Si la religion est pire que le rêve, qui est lui aussi une fiction, c’est que le rêve n’est qu’une déformation de la réalité, alors que la religion nie la nature.
Si
l’on relit sait Paul et les « Epîtres aux Ephésiens », on voit à l’œuvre cette opposition massive de la nature d’une part et de Dieu de l’autre.
Tout ce qui est
bon au regard de la nature devient insignifiant aux yeux de Dieu passe pour fou aux yeux du monde.
De ce point de vue précis, Nietzsche a parfaitement
raison : le christianisme oppose en bloc Dieu et le monde, et affirme que Dieu frappe d’inanité tout ce qui est naturel.
A insi « naturel » devient synonyme
de « condamnable ».
L’invention de la théologie chrétienne sert à dévaluer la vie, à la fausser, à la nier.
« Toute coutume naturelle, toute institution naturelle (Etat, organisation judiciaire, mariage, assistance aux malades et aux pauvres), toute exigence
inspirée par l’inntinct de vie, bref tout ce qui a valeur en soi, est, par principe, rendu sans valeur, ou de valeur négative par le parasitisme du prêtre.
»
Mais pourquoi condamner ce qui est naturel et se réfugier dans le mensonge de la fiction ?
« C e monde de fiction a tout entier sa racine dans la haine de la nature, il est l’expression d’un profond malaise causé par la réalité […] Le seul qui ait
besoin de mentir pour s’évader de la réalité, qui est-il ? C elui qui en souffre.
Mais souffrir de la réalité signifie être soi-même une réalité manquée.
»
Le croyant est un décadent, un malade, une réalité manquée, quelqu’un qui souffre de la réalité, cad qui manque de force, d’instincts vitaux, de puissance.
C ette régression physiologique engendre « la divinité de la décadence […] le dieu des faibles.
Ils ne se nomment pas eux-mêmes les faibles, ils se
nomment les « bons » ».
La religion est une défense contre la réalité dont on souffre, et qu’on dévalue et renie pour se réfugier dans un monde imaginaire où l’on pourra se qualifier
de « bon », et une façon de dénigrer les forts, les puissants, en les faisant passer pour « mauvais », injustes, etc.
La religion est essentiellement une réaction, celle de ceux qui sont incapables d’agir.
Deleuze a commenté remarquablement Nietzsche en faisant valoir
que si la morale aristocratique (dont Nietzsche se réclame) s’énonce « je suis bon donc tu es méchant », la morale des esclaves et des décadents se
délivre par « tu es méchannt donc je suis bon ».
La première formule débute par une pleine affirmation de soi, une auto-exaltation, dont le « tu es méchant » n’est que la conséquence.
Les esclaves, les
faibles se reconnaissent à ce qu’ils ré-agissent, sont des hommes du ressentiment et de la vengeance.
Pour parvenir à se supporter eux-mêmes, ils ont
besoin de s’opposer à d’autres.
A insi, ils commencent par poser l’autre comme « méchant », et c’est parce qu’ils ne supporter pas l’autre qu’ils se nomment « bons ».
Le caractère de
« bon » n’est pas ici une affirmation de soi, mais une réaction, la marque du ressentiment, de la vengeance, devant autrui.
On comprend le mot de Nietzsche, la religion « a fait de toute valeur une non valeur », en elle il n’y a « que des fins mauvaises : la contamination, le
dénigrement, la négation de la vie, le mépris du corps et l’auto-avilissement de l’homme par l’idée de péché.
» C e qui engendre une inversion des valeurs.
L e s valeurs affirmatives d’actions, de conquêtes, d’extériorisation… sont dévaluées (méchanceté, brutalité, vanité…) et remplacées par les valeurs
nihilistes de passivité, d’adaptation, d’intériorisation… Le prêtre est le grand artiste du ressentiment qui, par la mystification d’un Dieu et d’un monde
suprasensibles, déprécie la vie et assurer le triomphe de l’existence réactive.
En fait, la religion chrétienne porte à son comble un mouvement déjà présent chez Socrate : l’idée que la vie doit être justifiée, jugée, évaluée par une idée.
Tout « idéalisme » est un symptôme de manque de force.
Or, c’est face à ces symptômes qu’il faut comprendre le projet de Nietzsche..
Il n’agit pas que d’une critique des « arrières-mondes » et de la religion.
Il
s’agit aussi de « transmuer les valeurs », d’effacer le mouvement chrétien qui fait de toute valeur une non valeur, de favoriser les forces actives, la
puissance, l’expansion de la vie.
En ce sens le « surhomme » ‘est pas la caricature qu’on en a fait, mais ce qui doit dépasser l’homme moderne, fatigué et
décadent, créer d’autres valeurs, non pas « négatrices » de la vie ou dévalorisantes, mais servant l’acceptation de l’existence.
Il paraît nécessaire de rapprocher un passage de « L’Antéchrist » d’un extrait d’ « Ecce homo » (1888).
« La vie est à mes yeux instinct de croissance, de durée, d’accumulation de force, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin.
C e
que j’affirme, c’est que cette volonté de puissance fait défaut à toutes les valeurs supérieures de l’humanité –c’est que, sous les noms les plus saints,
règnent sans partage des valeurs de décadence, des valeurs nihilistes ».
« Je fus le premier à voir la véritable opposition qui existe entre, d’une part l’instinct en voie de dégénérescence qui se dresse contre la vie dans une
rancune souterraine […] et d’autre part, une formule d’acquiescement supérieur, née de la plénitude et de la surabondance, un oui sans réserve à la vie, et
même à la douleur, et même à la faute, à tout ce qu’il y a de déroutant et de problématique dans la vie… ».
»
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