Nietzsche
Extrait du document
«
La plupart des gens, quoi qu'ils puissent penser et dire de leur "égoïsme", ne font malgré
tout, leur vie durant, rien pour leur ego et tout pour le fantôme d'ego qui s'est formé d'eux
dans l'esprit de leur entourage qui le leur a ensuite communiqué.
En conséquence, ils
vivent tous dans un brouillard d'opinions impersonnelles ou à demi personnelles et
d'appréciations de valeur arbitraires et pour ainsi dire poétiques, toujours l'un dans l'esprit
de l'autre qui, à son tour, vit dans d'autres esprits : étrange monde de fantasmes qui sait
pourtant se donner une apparence si objective ! Ce brouillard d'opinions et d'habitudes
s'accroît et vit presque indépendamment des hommes qu'il recouvre ; de lui dépend la
prodigieuse influence des jugements généraux sur "l'homme" -tous ces hommes qui ne se
connaissent pas eux-mêmes croient à cette abstraction exsangue, "l'homme'; c'est-à-dire
à une fiction ; et tout changement que les jugements d'individus puissants (tels les princes
et les philosophes) entreprennent d'apporter à cette abstraction exerce une influence
extraordinaire et d'une ampleur irrationnelle sur la grande majorité, - tout cela pour la
raison que chaque individu dans cette majorité, ne peut opposer aucun ego véritable qui lui
soit accessible et qu'il ait approfondi lui-même, à la pâle fiction générale qu'il détruirait de
ce fait.
La conscience de soi est à la fois une donnée immédiate et le résultat d'un travail intérieur.
De fait, nous sommes tous
plus ou moins conscients de nos actes, mais nous ne connaissons pas toujours leur véritable sens.
Problématique.
Pour accéder à la connaissance de soi, il faut se détacher des images que nous nous faisons de nous-mêmes.
Autrement dit, notre identité n'est pas de fait constituée, car la conscience de soi recèle des degrés.
En effet, pour
Nietzsche, les hommes sont dans des relations illusoires par rapport à eux-mêmes.
Ils sont dépendants d'autrui.
Enjeux.
L'homme ordinaire est dans le "brouillard', dans l'ignorance, car sa pensée s'appuie sur la croyance.
Il ne se sert pas de
sa raison.
Le monde dans lequel il vit est peuplé de fantômes, d'illusions, et il n'existe que par rapport aux autres.
Le
moi se confond avec autrui, empêchant ainsi la conscience de se développer.
Introduction :
Dans l’ensemble de son œuvre prolifique, Nietzsche s’emploie à combattre les opinions, les certitudes établies, et les
valeurs imposées.
Il reproche à l’homme sa faiblesse de se soumettre à des jugements qui ne lui sont pas propres, son
caractère influençable et son obéissance aux valeurs empruntées.
Dans ce texte, extrait du livre II de l’Aurore publié
en 1881, le philosophe s’en prend à l’illusion dans laquelle se trouvent les hommes, qui prétendent penser et connaître
leur propre ego, c’est-à-dire leur moi intérieur, alors qu’il ne s’agit que d’une idée reçue, une « fiction ».
Nietzsche
commence par montrer comment se forme cet ego illusoire qui confond les hommes, puis en tire les conséquences sur
leur vie pratique et psychique.
Il se range du côté de la thèse phénoméniste, en affirmant qu’il n’existe pas d’idée
générale de l’homme, mais conclut avec pessimisme à la difficulté d’extraire cette pensée trompeuse dans l’esprit des
hommes.
1ère partie : Erreur des hommes qui pensent trouver leur ego chez autrui.
Démonstration génétique de l’ego.
- Nietzsche commence par affirmer que les hommes s’illusionnent eux-mêmes en pensant connaître leur ego, alors qu’ils
ne s’en forment qu’un simulacre, un « fantôme ».
- C’est dans le domaine pratique que Nietzsche fait état de ce constat, en soulignant le paradoxe qui veut que les
hommes se perçoivent comme « égoïstes » alors qu’en réalité leur conduite n’est jamais dirigée que vers un ego qui
n’est pas le leur.
- le seul ego auquel accèdent les hommes n’est pas leur ego propre, intérieur, et inné, car il « formé », c’est-à-dire
acquis.
Ce substitut d’ego résulte donc d’une construction, qui ne vient pas de l’intériorité de l’individu lui-même, mais
au contraire de ceux qui lui sont extérieurs.
Nietzsche explique ainsi que c’est son entourage qui communique une idée
d’ego à l’homme.
En définitive, les autres lui renvoient une image de lui-même qui lui permet de construire en son esprit
un ego en conformité avec ce qu’on lui a communiqué.
L’homme est donc influencé par son entourage, et ne perçoit
pas son ego véritable, puisqu’il est pensé à travers les autres.
2ème partie : Les hommes vivent sans ego propre et constant.
Conséquences de la croyance en cet ego.
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