Nietzsche
Extrait du document
«
L'activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de
foncièrement différent de l'activité de l'inventeur en mécanique, du
savant astronome ou historien, du maître en tactique.
Toutes ces
activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la pensée
est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière
première, qui ne cessent d'observer diligemment leur vie intérieure et
celle d'autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens.
Le génie
ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir,
que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y
mettre la forme.
Toute activité de l'homme est compliquée à miracle, non
pas seulement celle du génie, mais aucune n'est un « miracle ».
D'où
vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste, l'orateur
et le philosophe ? Qu'eux seuls ont une « intuition » ? [...] Les hommes ne
parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande
intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d'autre
part éprouver d'envie.
Nommer quelqu'un « divin », c'est dire : « ici nous
n'avons pas à rivaliser ».
En outre, tout ce qui est fini, parfait, excite
l'étonnement, tout ce qui est en train de se faire est déprécié.
Or
personne ne veut voir dans l'oeuvre de l'artiste comme elle s'est faite;
c'est son avantage, car partout où l'on peut assister à la formation, on est
un peu refroidi.
Questions
1) Dégager la thèse du texte.
2) Expliquer les passages suivants du texte :
a) « Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des
matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme.
» ;
b) « mais aucune n'est un " miracle " » ;
c) « Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus
agréables et où ils ne veulent pas d'autre part éprouver d'envie.
»
3) l'activité du génie diffère-t-elle de toutes les autres comme on le pense généralement ?
1) Dégager la thèse du texte
Le génie, montre Nietzsche, n'est pas le fruit de l'inspiration — comme le voulait Platon, qui pensait que le poète crée
par l'effet d'un don divin — ni une disposition innée, ne résultant d'aucun apprentissage — comme le voulait Kant, pour
qui le créateur ne décrit pas comment il crée, et ce dans la mesure où, à travers le génie, la nature prescrit ses règles
à l'art —; il est, au contraire, le produit d'un long travail, proche de l'activité artisanale.
Nul miracle dans le génie, mais
du labeur et des efforts.
Cette thèse est originale.
L'artiste travaille : les manuscrits raturés et remaniés (cf.
Proust) témoignent de ce labeur
acharné.
2) Expliquer les passages suivants du texte
a.
« Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des
matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme.
»
Le génie, ce dur labeur, « apprend à » : ce verbe est, ici, significatif, car « apprendre à » c'est devenir capable de
faire quelque chose par le travail de l'esprit et de l'expérience.
Mais de quelle manière ? Il s'agit de « poser des pierres
», des matières minérales qui serviront à la construction, c'est-à-dire de mettre côte à côte des éléments qui
s'assemblent de façon convenable entre eux.
Le génie apprend ensuite à « bâtir », à édifier sur le sol à l'aide de ces
matériaux assemblés, à mettre en forme, à organiser une structure.
Mais tout ceci est formulé à l'aide d'images.
Que veut dire exactement Nietzsche ? Il faut poser des pierres : par
exemple, l'écrivain, tel Proust, s'efforce d'accumuler les matériaux en fréquentant le « grand monde », comme les
Guermantes, personnages de A la recherche du temps perdu.
Il utilisera l'apport fourni par sa connaissance du « monde
», en extrayant du snobisme et du « monde » une matière de portée humaine, qu'il mettra en forme pour réaliser le
chef-d'oeuvre.
Donc il s'agit de structurer des matériaux résultant de l'expérience.
Que fait Proust, dans toute cette
tâche ? Il étudie le salon bourgeois (celui de Mme Verdurin), qui prendra progressivement le pouvoir par rapport au
salon de l'aristocratie (celui de la « maison Guermantes »).
Il aborde de façon pertinente le rôle de l'aristocratie et de
la bourgeoisie et amasse les pierres, qu'il assemble.
Oriane de Guermantes est la figure dominante d'une aristocratie à
son zénith.
Ensuite, Mme Verdurin, la nouvelle princesse, signe une séquence mondaine inédite.
Proust pose des pierres
et les organise : il oeuvre (« travaille à ») et organise la forme de l'oeuvre résultant des matériaux..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Nietzsche et la religion
- « monde conscient » Nietzsche
- [ L'oeuvre échappe à son auteur] Nietzsche
- Le nihilisme de Nietzsche
- Tu dois devenir qui tu es Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900)