Nietzsche
Extrait du document
«
Hommes supérieurs, apprenez de moi ceci : sur la place publique personne ne croit à
l'homme supérieur.
Et si vous voulez parler sur la place publique, à votre guise ! Mais
la populace cligne de l'oeil : « Nous sommes tous égaux.
»
« Hommes supérieurs, – ainsi cligne de l'oeil la populace, – il n'y a pas d'hommes
supérieurs, nous sommes tous égaux, un homme vaut un homme, devant Dieu – nous
sommes tous égaux ! »
Devant Dieu ! – Mais maintenant ce Dieu est mort.
Devant la populace, cependant,
nous ne voulons pas être égaux.
Hommes supérieurs, éloignez-vous de la place
publique !
Devant Dieu ! – Mais maintenant ce Dieu est mort ! Hommes supérieurs, ce Dieu a été
votre plus grand danger.
Vous n'êtes ressuscités que depuis qu'il gît dans la tombe.
C'est maintenant seulement
que revient le grand Midi, maintenant l'homme supérieur devient – maître !
Avez-vous compris cette parole, ô mes frères ? Vous êtes effrayés : votre coeur est-il
pris de vertige ? L'abîme s'ouvre-t-il ici pour vous ? Le chien de l'enfer aboie-t-il
contre vous ?
Eh bien ! Allons ! Hommes supérieurs ! Maintenant seulement la montagne de l'avenir humain va enfanter.
Dieu
est mort : maintenant nous voulons – que le surhomme vive.
Qu'est-ce que le Surhomme ?
Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en lui la totalité des instincts, et précisément
ceux-là mêmes que la Culture christianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté de puissance, « ce
qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct de domination, sexualité.
Mais il convient ici de souligner un point
important.
L'homme est de toute façon un être de culture.
Il n'est donc en aucun cas possible de retourner au
moment où les Barbares étaient encore indemnes des effets de la volonté de puissance de leurs esclaves, moment
fondateur de la culture.
Les instincts doivent être libérés pour être spiritualisés : « L'homme supérieur serait celui qui
aurait la plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on peut les tolérer.
En effet, où la plante humaine se
montre vigoureuse, on trouve les instincts puissamment en lutte les uns contre les autres...
mais dominés.
» Ce
surhomme parvient à la connaissance véridique de l'humanité, qui est la connaissance « tragique » qui a été décrite
précédemment.
Il se réalise dans les seules issues que Nietzsche a réservées : celle de l'art, qui est une fiction
connue comme telle, ou celle de la connaissance intellectuelle.
Il réalise ainsi le sens de l'humanité même, car il est
celui qui adhère à la doctrine de l'Éternel Retour et qui donc est le sommet de la volonté de puissance.
Tout autant que « l'opium du peuple » de Marx, le « Dieu est mort » de Nietzsche est une expression qui est restée
célèbre.
Le philosophe allemand cherche à tirer du constat de la mort de Dieu les conséquences qui s'imposent quant
au destin de l'humanité : l'homme n'est-il pas appelé à prendre la place de Dieu ?
Ce texte est une prédication de Zarathoustra, personnage fictif qui ne partage guère que son nom avec le fondateur
du zoroastrisme dans la Perse antique.
A la manière du Bouddha ou du Christ, mais dans un sens bien différent,
Zarathoustra prêche un nouveau message pour l'humanité.
Nietzsche avait déjà annoncé la mort de Dieu dans Le Gai Savoir (1882), et notamment dans son aphorisme n° 125.
Affirmer que Dieu est mort peut sembler paradoxal, si l'on considère que l'immortalité est l'un des attributs de Dieu.
N'est-ce pas plutôt la croyance des hommes en Dieu qui a disparu, étant donné que Dieu n'existerait que par notre foi
? Mais Nietzsche ne se contente pas du constat sociologique de cette désaffection des hommes envers la religion : il
rend ceux-ci déicides, c'est-à-dire acteurs responsables de leur nouvelle condition.
Pourtant les hommes ne réalisent pas immédiatement les conséquences de leur acte fondamental, puis ils sont
partagés entre un sentiment de liberté et une immense inquiétude.
C'est ici qu'intervient Zarathoustra : la crainte des
hommes risque de déboucher sur la résurgence de Dieu à travers un nouvel avatar (la science, le progrès, la
démocratie, la vérité), ou pour le moins de conduire l'humanité au nihilisme (le refus de toute valeur, y compris des
valeurs supérieures).
C'est donc le soulagement qui doit l'emporter sur l'inquiétude, et avec lui la libération des
ressources insoupçonnées de l'homme : ses aptitudes à la joie et à la plénitude.
Tandis que les vertus chrétiennes ne servaient qu'à la survie des faibles et des malades, les nouvelles valeurs à
naître (« par-delà le bien et le mal ») doivent être celles du Surhomme : l'affirmation de soi (et non plus le
renoncement ascétique ou l'abandon), l'autodépassement de l'homme qui surmonte sa propre humanité et ses
aspirations et désirs « trop humains ».
Les hommes sont appelés à devenir des maîtres, non au sens politique de «
dominateurs » (le surhomme n'est pas Superman) mais au sens moral d'« hommes supérieurs », riches de leurs
potentialités créatrices.
La valeur suprême de cette nouvelle morale est la volonté de puissance, force de création et d'innovation que
l'homme découvre en lui-même et qui le dépasse.
L'heure est désormais au « grand Midi » : ce temps de clarté où la
conscience est enfin devenue consciente d'elle-même et reconnaît sa propre volonté de puissance.
Et, comme le dit
Heidegger, le règne sur la terre passe « aux mains d'un nouveau vouloir de l'homme déterminé par la volonté de
puissance »..
»
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