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Nietzsche

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La méditation a perdu toute sa dignité extérieure ; on a tourné en ridicule le cérémonial et l'attitude solennelle de celui qui réfléchit ; on ne pourrait plus supporter un sage de la vieille école. Nous pensons trop vite, et en pleine marche, en chemin, au milieu d'affaires de toutes sortes, même quand c'est aux choses les plus graves; nous n'avons besoin que de peu de préparation, et même de peu de silence ; tout se passe comme si nous avions dans la tête une machine qui tournât incessamment et qui poursuivît son travail jusque dans les pires circonstances. Autrefois, quand quelqu'un voulait se mettre penser c'était une chose exceptionnelle ! — on s'en apercevait tout de suite ; on remarquait qu'il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : son visage se composait comme il le fait dans la prière ; l'homme s'arrêtait dans sa marche; il demeurait même immobile pendant des heures dans la rue sur une jambe ou sur les deux, quand l'idée venait. La chose valait alors cette peine. Nietzsche

« La méditation a perdu toute sa dignité extérieure ; on a tourné en ridicule le cérémonial et l'attitude solennelle de celui qui réfléchit ; on ne pourrait plus supporter un sage de la vieille école.

Nous pensons trop vite, et en pleine marche, en chemin, au milieu d'affaires de toutes sortes, même quand c'est aux choses les plus graves; nous n'avons besoin que de peu de préparation, et même de peu de silence ; tout se passe comme si nous avions dans la tête une machine qui tournât incessamment et qui poursuivît son travail jusque dans les pires circonstances.

Autrefois, quand quelqu'un voulait se mettre penser c'était une chose exceptionnelle ! — on s'en apercevait tout de suite ; on remarquait qu'il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : son visage se composait comme il le fait dans la prière ; l'homme s'arrêtait dans sa marche; il demeurait même immobile pendant des heures dans la rue sur une jambe ou sur les deux, quand l'idée venait.

La chose valait alors cette peine. Dans une société où se généralisent les conditionnements et les captations des hommes, réduits à de simples consommateurs d'autant plus dociles qu'ils sont moins maîtres de leur jugement, la liberté est gravement mise en cause.

Le déluge de bruit et d'images destiné à faire vendre par toutes les formes de sollicitation publicitaire remplit une double fonction : il impose le produit en question par la violence des impressions sensibles destinées à manipuler en jouant sur les ressorts du réflexe conditionné, et il empêche effectivement l'exercice d'une authentique pensée réfléchie.

Notre société n'évolue-t-elle pas vers l'obscurantisme généralisé, dès lors qu'elle interdit le véritable loisir (en grec scholè), celui qui permet à la pensée d'être enfin présente à elle-même dans le silence retrouvé de la méditation intérieure ? De fait, silence et méditation, conditions de la liberté du jugement, paraissent devenir chose rare, en tout cas peu prisée de nos jours.

À l'aube de l'ère industrielle, Nietzsche semblait déjà se soucier d'une telle tendance.

L'étude d'un de ses textes permettra d'approfondir la réflexion sur ce qu'il signalait sans doute à l'époque comme un danger naissant, et dont nous mesurons aujourd'hui toute l'ampleur. REMARQUES PRÉLIMINAIRES Il s'agit de présenter le texte à étudier à partir d'une question examinée pour elle-même, et posée comme objet de réflexion.

Tout travail de transposition permettant de faire saisir l'actualité d'un texte par-delà son «appartenance» à une œuvre déterminée sera utile et fécond.

Car en philosophie, le texte ne vaut qu'en temps qu'il permet d'éclairer un problème posé pour lui-même, et en quelque façon essentiel pour la pensée.

Il ne s'agit pas de dépouiller le texte étudié de sa résonance historique spécifique, mais d'en saisir la partie critique et philosophique en s'élevant à la vérité des problèmes qu'il pose.

L'introduction a pour fonction de susciter l'intérêt du lecteur en lui présentant le texte comme une «occasion» de réflexion et d'élucidation raisonnée. INTRODUCTION PROPOSÉE Dans une société où se généralisent les conditionnements et les captations des hommes, réduits à de simples consommateurs d'autant plus dociles qu'ils sont moins maîtres de leur jugement, la liberté est gravement mise en cause.

Le déluge de bruit et d'images destiné à faire vendre par toutes les formes de sollicitation publicitaire remplit une double fonction : il impose le produit en question par la violence des impressions sensibles destinées à manipuler en jouant sur les ressorts du réflexe conditionné, et il empêche effectivement l'exercice d'une authentique pensée réfléchie.

Notre société n'évolue-t-elle pas vers l'obscurantisme généralisé, dès lors qu'elle interdit le véritable loisir (en grec : scholè), celui qui permet à la pensée d'être enfin présente à elle-même dans le silence retrouvé de la méditation intérieure ? De fait, silence et méditation, conditions de la liberté du jugement, paraissent devenir chose rare, en tout cas peu prisée de nos jours.

A l'aube de l'ère industrielle, Nietzsche semblait déjà se soucier d'une telle tendance.

L'étude d'un de ses textes permettra d'approfondir la réflexion sur ce qu'il signalait sans doute à l'époque comme un danger naissant, et dont nous mesurons aujourd'hui toute l'ampleur. I.

La figure traditionnelle du penseur — Ce pourrait être celui qu'a sculpté Rodin : assis à l'écart, refermé sur lui-même, la tête appuyée sur le poing dans une attitude de méditation (ou prendre l'exemple du Philosophe gravé par Rembrandt : même isolement). — Plus généralement, il est frappant que pratiquement tous les bustes et portraits des philosophes anciens ou classiques prêtent à leurs visages une physionomie où se devinent aussi bien le manque de précipitation qu'un certain recul par rapport au cours du monde agité qui les entoure.

L'image traditionnelle du «sage» souligne sa lenteur et, par là-même, la difficulté de la vraie pensée qui en effet prend du temps et prend son temps (bien entendu, cette image peut s'inverser en caricature: à force d'isolement et de recul, Socrate se retrouve dans les nuées, et l'astronome tombe dans le puits). — Insistance de Nietzsche sur l'importance des signes physiologiques de la pensée: union de l'esprit et du corps, l'esprit ne peut trouver le calme nécessaire à la réflexion dans un corps agité ou troublé (cf.

dans les pratiques Zen, la mise au point de techniques corporelles qui favorisent la venue de l'illumination).

Chez Nietzsche il s'agit, non pas. »

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