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Nietzsce et Freud: l'illusion vitale

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« Nietzsche : l'illusion, besoin de la vie a) Un renversement du problème de la métaphysique • Si Kant a montré qu'un certain usage de la raison produit des illusions, on peut aller plus loin et se demander si la raison ne produit pas toujours des illusions, si la raison elle-même n'est pas une illusion répondant à un besoin fondamental de l'homme.

C'est ce qu'a fait Nietzsche. • Ainsi que l'a souligné J.

Granier (cf.

Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche), Nietzsche opère en effet un renversement radical du problème de l'illusion métaphysique en demandant non plus avec Kant « Comment la métaphysique est-elle possible ? » mais « Qu'est-ce qui constitue Y essence de la pensée métaphysique ?» En critiquant la métaphysique, Kant se place du point de vue de cette dernière en ne remettant pas en cause son principe fondamental, qui est celui du dualisme du vrai et du faux, du réel et de l'apparent, du noumène et du phénomène, etc. «C'est pourquoi l'exigence de renverser la Métaphysique impliquera, aux yeux de Nietzsche, l'obligation impérieuse pour la pensée de se situer résolument par-delà le vrai et le faux, ces termes ne signifiant pas la proclamation d'un scepticisme universel, mais ayant pour seule fonction de démembrer le cadre dogmatique dans lequel la tradition métaphysique prétendait enfermer la réflexion sur l'Être» (J.

Granier).

La métaphysique comme œuvre de la raison est pour Nietzsche une illusion non pas parce qu'elle prétend, comme l'affirmait Kant, connaître le monde vrai du noumène alors qu'elle ne peut l'atteindre, mais par le fait même qu'elle pose cet être.

En renversant toute métaphysique, Nietzsche peut s'exclamer « Nous avons aboli le monde vrai : quel monde restait-il ? Peut-être celui de l'apparence ?...

Mais non ! En même temps que le monde vrai, nous avons aussi aboli le monde des apparences ! » b) La vérité ? une sorte d'erreur • Selon Nietzsche, en effet, « la vérité est une sorte d'erreur, faute de laquelle une certaine espèce d'être vivants ne pourraient vivre.

Ce qui décide en dernier ressort, c'est sa valeur pour la vie » (La Volonté de Puissance, t.

I, 1.

II, § 308).

La vérité, est une erreur dans la mesure où elle ne dévoile pas la Vérité originaire, la Vérité propre de l'Être, qui est «le flux éternel de toutes choses».

Cette Vérité originaire n'est pas à proprement parler puisqu'elle est devenir, elle est l'Abîme où s'abîment toutes choses, elle est donc incompatible avec la vie : « on ne peut pas vivre avec la Vérité» (id., t.

II, 1.

III, § 557); «il serait possible que la véritable nature des choses fut tellement nuisible, tellement hostile aux conditions mêmes de la vie, que l'apparence fût nécessaire pour pouvoir vivre» (id., I, 212). La vie, expression de la Volonté de Puissance, a donc besoin, pour être, de voiler cette Vérité.

Elle a besoin d'organiser le devenir, d'affirmer l'être contre le devenir, elle a besoin de Y illusion.

C'est cette illusion nécessaire qu'elle se donne pour «vérité».

Une telle vérité est ainsi une création de la vie. • Dans ces conditions il n'y a pas de vérité impersonnelle, et ce qui fonde la vérité d'une chose c'est sa conformité avec les exigences vitales de chaque être.

C'est la Volonté de Puissance qui est à l'œuvre dans les jugements de vérité : « A l'origine, le jugement ne signifie pas seulement «ceci et cela est vrai», mais bien davantage: «je veux que ceci soit vrai de telle ou telle manière» (Œuvres posthumes, § 302).

Toute connaissance, même la connaissance «objective», scientifique, sera ainsi l'expression d'un instinct de domination puisqu'elle ne tend pas à découvrir le réel, à le dévoiler, à le laisser se montrer tel qu'il est dans sa Vérité originaire, mais à l'organiser, à le contraindre à se plier aux valeurs, aux normes définies par la Volonté de Puissance du sujet, à ses options vitales.

Connaître, c'est mettre autoritairement en forme le réel, c'est instituer des « vérités » qui n'ont qu'une valeur utilitaire, celle de répondre au désir de conservation et à l'augmentation de la puissance d'une espèce ou d'un être vivant : « Comment se prouve la vérité ? Par le sentiment d'une puissance accrue, par son utilité, par sa nécessité, bref par ses avantages » ( Vol.

de Puis., t.

I, 1.

I, § 190). Quelques formes d'illusion selon Nietzsche Cette illusion nécessaire à la vie prend de multiples formes. a) L'illusion du savoir Comme nous l'avons vu, aucun savoir n'est jamais « objectif», neutre, impersonnel.

Il reflète toujours les exigences vitales de ses auteurs.

À travers ce savoir s'expriment des dispositions physiologiques, une certaine relation du corps et de la volonté à la réalité.

Ainsi, le projet philosophique (ou scientifique) tout entier, qui est projet de privilégier la connaissance, d'affirmer la supériorité du savoir sur le non-savoir, sur l'illusion, etc., constitue un point de vue, une évaluation qui sont rendus nécessaires par l'état de ceux qui le forment (l'état de leur Volonté de Puissance).

Nietzsche nomme idiosyncrasie cette disposition des êtres qui entraîne leurs réactions propres. b) L'illusion du langage « L'importance du langage dans le développement de la civilisation, observe Nietzsche, réside en ce que l'homme y a situé, à côté de l'autre, un monde à lui, un lieu qu'il estimait assez solide pour, s'y appuyant, sortir le reste du monde de ses gonds et s'en rendre maître. Dans la mesure même où l'homme a cru aux concepts et aux noms des choses comme à autant de vérités éternelles, il a vraiment fait sien cet orgueil avec lequel il s'élevait au-dessus de l'animal : il s'imaginait réellement tenir dans le langage la connaissance du monde. L'artiste du verbe n'était pas assez modeste pour croire qu'il ne faisait qu'attribuer des dénominations aux choses, il se figurait au contraire exprimer dans ses mots le suprême savoir des choses; le langage est en fait la première étape dans la quête de la science.

» ( Humain, trop humain, I, 11.) Le langage est ainsi, comme l'art ou la science, une illusion qui cache la véritable nature des choses. c) L'illusion de l'art Les illusions de l'art peuvent jouer un rôle comparable à celui des illusions du «savoir» : «celui-ci est captivé par le plaisir socratique de la connaissance et l'illusion de pouvoir guérir par ce moyen l'éternelle blessure de l'existence, celui-là s'embarrasse dans les plis séduisants du voile de la beauté.

» {Naissance de la Tragédie, coll.

Médiations p.

116).

L'art, en ce sens, est voile d'illusion ; il nous donne quiétude ou euphorie parce qu'il nous divertit de l'abîme, le rend, parfois, invisible.

Ici, l'art est un narcotique au même titre que le « savoir».. »

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