N'est-on moral que par intérêt?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
-
Le sujet ne demande pas s'il arrive qu'on soit moral par intérêt, mais si l'intérêt n'est pas justement
l'unique raison d'être de la morale.
-
La formulation du sujet est quelque peu provocatrice, car intuitivement, on a tendance à opposer la
morale à l'intérêt, comme on opposerait l'altruisme à l'égoïsme.
Il est courant de considérer que ce qui est
moral est désintéressé, et que ce qui est intéressé est immoral.
-
Aussi, si l'on n'était moral que par intérêt, ce serait alors comme si la morale n'existait pas.
-
On constate pourtant des actes moraux désintéressés.
Pour en rendre compte par l'intérêt, il serait
nécessaire d'effectuer un détour par lequel on débusquerait des intérêts cachés : cela semble une
complication inutile.
-
A contrario¸ si l'on n'était pas moral par intérêt, il faudrait cependant rendre compte de cette morale :
comment expliquer qu'un agent rationnel sacrifie son bonheur à la morale ?
-
Il faudrait alors également rendre compte du fait que tous les hommes n'ont pas la même morale : s'ils
n'ont pas la même, n'est-ce pas parce que tous n'y trouvent pas leur compte de la même façon, c'est-à-dire
justement parce que c'est l'intérêt individuel qui en décide ?
Problématisation :
La question posée par le sujet est source d'interrogations, car il existe comme une opposition de nature entre la
morale et l'intérêt.
Répondre par l'affirmative consisterait à nier la valeur de la morale, dont la prégnance est
pourtant toujours sensible.
Décider qu'il faille en conséquence donner une réponse négative, c'est cependant
soulever de nouveaux problèmes, car l'intérêt a l'avantage de rendre compte des comportements humains selon des
schémas qui font l'économie de nombreux postulats problématiques.
Ne faudrait-il pas alors affiner notre
représentation de l'intérêt pour ne pas tomber dans une négation absurde de l'évidence morale ?
Proposition de plan :
1.
L'hypothèse de l'égoïsme universel.
-
D'après Hobbes, la morale en tant que telle n'existe pas, et seul prévaut partout l'intérêt.
-
La morale n'est que le résultat des lois naturelles.
Dans
le chapitre XIV du Léviathan il écrit que « Une LOI DE
NATURE est un précepte ou une règle générale trouvée par
la raison selon laquelle chacun a l'interdiction de faire ce qui
détruit sa vie, ou qui le prive des moyens de la préserver, et
de négliger de faire ce par quoi il pense qu'elle serait le
mieux préservée.
»
-
Les lois naturelles constituent ainsi les conclusions que
la raison élabore concernant ce qui mène à la conservation
de soi.
Elles élaborent les préceptes de la raison qui
instruisent les hommes au sujet de ce qu'il faut qu'ils
fassent pour éviter les périls et assurer au mieux leur
conservation.
Il résume ces lois en une seule dans le
chapitre XV du Léviathan : « ne fais pas à un autre ce que
tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même.
»
-
Dans l'état de nature, « l'homme est un loup pour
l'homme » ainsi qu'Hobbes l'écrit dans la dédicace du De
cive.
Dans de telles conditions, l'individu n'a pas intérêt à
respecter les lois de nature car il n'est pas sûr que les autres les respecteront également.
Ainsi les
lois de nature sont alors inefficaces.
-
Les lois de nature qui fondent la moralité nous invitent ainsi à chercher l'état civil, dans lequel
seul il peut y avoir la paix, condition sine qua non pour que soient efficaces ces lois.
C'est la loi
civile qui pourra ensuite les imposer, car, ainsi qu'il l'écrit dans le chapitre XXVI du Léviathan :
« déclarer ce qu'est l'équité, ce qu'est la justice et la vertu morale, et faire en sorte que [les
personnes privées] leur soient soumises, cela requiert les ordonnances de la puissance souveraine,
et que les châtiments soient ordonnés pour celles qui les enfreindraient.
».
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