Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ?
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NOTIONS EN JEU
Le désir; la morale.
DOMAINE DE RÉFLEXION
La philosophie morale.
REMARQUES ET DIFFICULTÉS
Le sujet oppose implicitement ce qui est bon «en soi» à ce que nous estimons bon: il ne s'agit donc pas de se
demander si nous ne désirons que les choses bonnes, car il va de soi qu'il nous arrive de désirer des choses que
nous croyons bonnes et qui ne le sont pas.
Le sujet porte sur la valeur de l'objet du désir.
S'il nous est possible de désirer des choses que nous n'estimons
pas «bonnes», pourquoi les désirer? Il faudra chercher des exemples précis de choses que nous estimons mauvaises
et désirons pourtant, s'interroger sur le désir du mal en particulier et l'objet véritable du désir.
Il faudra prendre garde que l'objet du désir est double – d'où la contradiction qui est au fondement de tout désir.
D'un côté, le désir vise l'objet; de l'autre, il vise l'affirmation de soi par le moyen de l'objet et la liberté.
PRÉSUPPOSÉ
Il nous serait possible de désirer des choses que nous estimons «mauvaises».
DÉFINITIONS
Le désir: la recherche d'un objet que l'on sait être source de satisfaction.
Estimer: attribuer une valeur à une chose.
PROBLÈME
Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ou bien pouvons-nous désirer une chose que nous
savons sciemment mauvaise Y a-t-il une conscience du Mal?
[Introduction]
Désirer, c'est chercher une satisfaction qui puisse combler ce que je ressens comme un « manque ».
De ce point de
vue élémentaire, le désir apparaît comme signalant un déséquilibre chez celui qui le connaît, et la satisfaction
marquerait son retour à un équilibre, même si ce dernier n'est que momentané.
Il semble alors normal que la
satisfaction soit bénéfique, et qu'elle soit obtenue parce que ce qui était désiré était en principe « bon » pour le
sujet.
Mais c'est bien le sujet lui-même qui définit ce qu'il cherche, et du même coup sa qualité.
On suppose en
général que cette qualité ne peut être que positive, mais son estimation peut sembler fragile ou mal fondée dans la
mesure où elle est subjective.
Si nous ne désirons que les choses que nous estimons bonnes, il faut tenter de
comprendre ce qui fonde l'estimation, et si la qualité qu'elle affirme a quelque chance de durer.
[I.
Le désir ne vise que le bien]
C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nul n'est méchant
volontairement ».
Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliée aux deux autres : « Commettre l'injustice
est pire que la subir » ; « Quand on est coupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ».
L'injustice est un
vice, une maladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir être malade), et la
punition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui la subit.
L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glaucon au livre 2 de la
« République ».
Les hommes souhaiteraient être tout-puissants et pouvoir commettre n'importe quelle injustice
pour satisfaire leurs désirs.
Il vaut donc mieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir.
Cependant, comme
subir l'injustice cause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accord pour faire des
lois en vue de leur commune conservation.
Nous ne sommes donc justes, en vérité, que par peur du châtiment.
Si
nous pouvions être injustes en toute impunité, comme Gygès qui possède un anneau le rendant invisible, nous
agirions comme lui : nous ne reculerions devant aucune infamie pour nous emparer du pouvoir, devenir tyran.
Bref,
nous serions injustes pour satisfaire nos désirs.
Platon réfute inlassablement cette thèse, cette hypocrisie qui consiste à ne vouloir que l'apparence de la justice,
l'impunité, pour pouvoir accomplir n'importe quelle injustice.
Le nerf de l'argument consiste à montrer que, en réalité, « Commettre l'injustice est pire que la subir ».
C'est par
une ignorance du bien réel que les hommes souhaitent pouvoir être injustes.
Parce que nous confondons le bien.
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