Nature cours
Publié le 20/05/2024
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Notion 16 : la nature Cours complémentaire de l’étude de l’œuvre pour l’oral
TG
INTRODUCTION : USAGES ET SENS DU MOT NATURE
On peut envisager la notion de nature selon les trois perspectives du programme :
I/ La nature, c’est d’abord l’ensemble de ce qui existe et que l’on connaît (grâce à la
philosophie et aux « sciences de la nature » - est-ce à dire que les sciences humaines
viseraient, quant à elles, à connaître et étudier une supposée « nature humaine » ?).
Tel est
le sens « cosmologique » de nature que l’on dégage de notre connaissance de la nature.
Mais connaître la nature peut aussi vouloir dire connaître la nature de telle ou telle chose,
son essence, principe, genèse, fondement, constituant, etc.
On peut qualifier ce sens de
nature d’« ontologique ».
Il est complémentaire du premier puisque la nature dans son
ensemble inclut toutes les choses qui ont chacune une nature particulière (voir les repères
notionnels : universel/particulier/singulier, genre/individu/espèce et essentiel/accidentel).
C’est ce sens cosmologique de nature qui se déploie dans le célèbre poème philosophique
atomiste de Lucrèce intitulé De la nature mais également dans l’Éthique de Spinoza,
notamment dans la première partie intitulé « De Deo » (= De Dieu traduit aussi par de la
nature de Dieu ou de la nature des choses puisque Spinoza va assez rapidement établir
l’équation : Dieu = substance unique = Nature).
II/ La nature, c’est ensuite l’ensemble de ce qui existerait préalablement à et
indépendamment de l’activité humaine, tout ce qui s’opposerait donc au monde qu’il
façonne, produit, transforme, invente.
Tel est le sens « anthropologique » de nature en tant
qu’elle se définit par opposition à la culture.
Le monde naturel inclut la matière, le vivant,
tout ce qui se produit naturellement, a son principe de production en soi-même, tandis que
le monde culturel inclurait l’ensemble des productions humaines (techniques, arts, langages,
religions, sociétés, etc.).
Cette opposition apparaît cependant de plus en plus contestable et
contestée dans la métaphysique contemporaine (notamment française) soucieuse depuis les
années 1980 de dépasser le clivage nature / culture : on le retrouve dans l’œuvre commune
de Deleuze & Guattari, L’Anti-Œdipe en 1972 et surtout Mille plateaux en 1980, de Michel
Serres qui écrit Le parasite en 1980 puis Le contrat naturel en 1990 et de l’anthropologue
Philippe Descola qui a publié en 2005 cette œuvre séminale d’anthropologie de la
métaphysique intitulée de façon claire : Par-delà nature et culture.
III/ La nature, c’est enfin l’un des fondements possibles de notre action collective et
individuelle, l’état de société ayant été conçu par les fondateurs de la philosophie politique
moderne des 17ème et 18ème siècles comme ce qui fait rupture avec « l’état de nature » sur
lequel en même temps il se fonde paradoxalement.
Mais c’est bien plus aujourd’hui
l’horizon nécessaire de toute action politique et morale du fait de la crise écologique, des
dommages croissants que l’homme fait subir à cette portion de nature qu’il habite, la Terre.
Tel est le sens « éthico-politique » de nature en tant qu’elle est envisagée cette fois sous
l’angle politique et moral des valeurs.
Il invite à interroger la valeur de la nature et la nature
comme valeur.
Au sens moral, la nature peut en effet apparaître comme la norme, le naturel
étant implicitement entendu comme le normal et ce qui est anormal comme « contrenature ».
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Nous allons détailler chacune de ces perspectives en dégageant les problèmes très différents
qu’elles font chaque fois surgir.
I/ LE SENS « COSMOLOGIQUE » DE NATURE : LA NATURE SE PRODUIT-ELLE SELON DES FINS
OU SEULEMENT SELON DES CAUSES ?
Le concept de nature au sens cosmologique est né en remplissant fondamentalement un
double rôle corrélatif : un rôle explicatif et un rôle englobant.
1/ Rôle explicatif du concept ? Petit point d’histoire de la philosophie : émergence de la
notion de « physis » (la nature) chez les Présocratiques (qui seront aussi appelés
« physiciens » ou « naturalistes ») en tant que recherche d’une explication commune et
surtout naturelle à tout ce qui est et existe sous divers aspects (contre les explications
mythologiques, religieuses, surnaturelles des phénomènes de la nature).
C’est la naissance
de la pensée scientifique.
On explique les
Transcendant/immanent (= repère notionnel, voir aussi
phénomènes en recourant à des causes
feuille distribuée) : a est transcendant à b signifie que a
immanentes à la nature et non plus est d’une autre nature que b, supérieur à b, non
transcendantes.
Ces causes unificatrices immédiatement accessible à partir de b / a est
restent
d’abord
elles-mêmes immanent à b signifie que a est de même nature et au
qualitativement
déterminées :
tout même niveau que b, accessible à partir de b
provient de l’eau (Thalès), tout provient
du feu (Héraclite), etc.
avant de devenir plus abstraites : tout provient de l’indéterminé ou
illimité [apeiron] (Anaximandre), etc.
Il s’agit chaque fois de proposer une vision unifiée et
explicative de la nature des choses.
Cette vision culmine avec les atomistes (Démocrite,
Epicure, Lucrèce) pour lesquels deux éléments suffisent à expliquer l’ensemble des
phénomènes de la nature si qualitativement variés soient-ils : les atomes (qui composent
tous les corps et sont eux-mêmes indécomposables) et le vide (sans lequel les atomes ne
pourraient se mouvoir, se rencontrer et se composer pour former des corps et des mondes).
2/ Rôle englobant du concept ? Jusqu’où s’étend le pouvoir englobant du concept de
nature ? Pourquoi est-il plus englobant que le monde ou l’univers ? Y a-t-il ou non un
concept plus englobant : réalité, tout, être, infini, Dieu ? Ce pouvoir englobant pose ainsi
deux questions fondamentales qui sont liées :
a) La nature est-elle finie ou infinie ? Cette question se décline elle-même
doublement : la nature se déploie-t-elle dans un espace limité ou illimité et selon un
temps momentané (avec un début et une fin) ou éternel (sans début ni fin) ?
Comment le prouver dans les deux cas ? Voir le texte de Lucrèce (p.
112 du manuel et
ci-dessous) dont l’un des enjeux est justement de prouver l’infinité de la nature.
La nature ne permet pas, d’ailleurs, que le monde puisse se borner lui-même ; car elle veut
que le vide soit terminé par le corps, et le corps par le vide, pour que tous deux en se
limitant sans cesse, se prolongent à l’infini.
Si les corps et le vide ne se bornaient pas tour à
tour, mais que le vide seul fût immense par sa nature, ni la terre, ni la mer, ni la voûte
brillante du ciel, ni la race des hommes, ni les corps sacrés des dieux, ne pourraient
subsister un instant ; car la matière, dont la masse ne serait plus assujettie, flotterait
éparse dans l’immensité du vide ; ou plutôt elle n’eût jamais été assez compacte pour
former les corps parce que les atomes dispersés n’auraient pu s’unir.
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On ne dira pas sans doute que les éléments se soient rangés à dessein et avec intelligence
chacun à leur place, ni qu’ils aient réglé de concert leurs mouvements réciproques.
Mais
comme, depuis tant de siècles, ces atomes innombrables se combinent de mille façons, et
sont agités par mille chocs au sein du vide immense ; après avoir essayé des mouvements
et des assemblages de toute sorte, ils sont enfin parvenus à cet arrangement qui a produit
le monde, qui a conservé la nature durant de longues années, en assujettissant les corps à
des mouvements harmonieux, et qui fait que les rivières abreuvent la mer avide de leurs
eaux abondantes, que la terre pénétrée des chaudes vapeurs du soleil renouvelle ses
fruits, que toutes les espèces vivantes refleurissent, et que les feux errants du ciel sont
alimentés : ce qui ne pourrait se faire, si les richesses inépuisables de la matière ne
fournissaient pas éternellement de quoi réparer les pertes éternelles des êtres.
Quand les
animaux sont privés de nourriture, leur nature s’épuise, leur corps se ruine : de même
toutes les substances doivent périr, aussitôt que la matière, détournée de sa route par un
accident quelconque, cesse de les alimenter.
Il ne serait pas juste de dire que des chocs
extérieurs assujettissent le grand assemblage du monde.
Les atomes peuvent bien, à force
de coups répétés, suspendre la ruine d’une partie, jusqu’à ce que d’autres accourent et
complètent la masse ; mais ils sont obligés de rejaillir eux-mêmes quand ils choquent les
principes ; et ils leur donnent ainsi le temps et la place nécessaires pour fuir, errants et
libres, loin du grand assemblage.
Il est donc indispensable que les atomes se succèdent
sans relâche : mais, pour que ces atomes mêmes suffisent à frapper tous les corps, il faut
que la matière soit infinie.
Lucrèce, De la nature (I, v.
1008-1051).
[Surlignage « idéal » des principales identifications et....
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