N'agissons-nous que par intérêt ?
Extrait du document
«
Agir seulement par intérêt, c'est donner à toute son existence la même finalité en l'orientant essentiellement
en fonction de ce qui nous apparaît directement utile ou profitable.
Sur le plan moral, n'agir que par intérêt
remet en question l'idée de devoir, l'amitié aussi, le respect également et pourquoi pas, l'amour.
Demandezvous ce que cela produit par rapport à l'essence humaine.
N'y a-t-il pas que l'animal pour agir seulement par
intérêt, c'est-à- dire, en fonction de ses besoins ? L'homme n'est-il pas cet être, unique dans la nature,
capable d'aller jusqu'à renoncer à son propre intérêt par altruisme par exemple ? Mais en même temps, on peut
s'interroger sur la valeur des actes que nous estimons désintéressés.
Peut-être que l'on se ment à soi-même
lorsqu'on prétend agir par pur devoir.
Peut-être est-ce toujours, de manière plus ou moins consciente, la quête
d'un intérêt qui nous anime (reconnaissance, louanges, statut social...).
Que supposerait une action
désintéressée ? L'homme en est-il capable ? N'agir que par intérêt fait-il nécessairement de nous des êtres
immoraux et condamnables ? Peut-on envisager un intérêt partagé ou commun par exemple ?
[Il est purement illusoire de penser que les hommes
puissent agir autrement que par intérêt.
Même lorsqu'il n'y
paraît pas, nos actions obéissent à la logique
de nos désirs et satisfont notre égoïsme.]
La passion égoïste est à l'origine de la morale
Le juste et l'injuste en soi n'existent pas; ils ne relèvent que d'une
convention.
Seuls l'instinct de survie et le désir de reconnaissance nous
font agir.
Selon Hobbes, lorsque nous cherchons des «compagnons», ce
n'est pas par «quelque instinct de nature, mais bien pour l'honneur et
l'utilité qu'ils nous apportent» (Du Citoyen).
Rien ne nous prédispose au
bien pour le bien.
La bienveillance est une hypocrisie
Ce que nous prenons pour une bonne action dissimule en réalité un
intérêt égoïste.
Il n'existe pas en l'homme de penchant naturel au bien
ou au désintéressement.
Bien au contraire, selon La Rochefoucauld,
«l'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de
personnages, même celui de désintéressé» [Maximes).
En conséquence
de quoi, le sens moral est intéressé.
L'utilité est le seul critère de la moralité
Le désintéressement n'est qu'une vaine chimère.
La société a à
composer avec ce que les hommes sont, et non avec ce que les
hommes devraient être.
La morale et l'action se réduisent à une
technique qui nous garantit les meilleures conditions du bonheur.
Pour John Stuart Mill, «le propre bonheur de
l'individu» concourt indirectement à «celui des autres» (L'Utilitarisme).
Rappelons d'abord brièvement les formes qu'à prises la Morale utilitaire au cours de l'histoire.
A.
— Déjà, dans l'antiquité, ÉPICURE, tout en posant le plaisir comme souverain bien, avait, en réalité,
dépassé l'hédonisme pur pour aboutir à un eudémonisme utilitaire, à vrai dire, assez étroit, qui ne reconnaît
guère qu'une vertu, l'amitié, laquelle a son principe dans l'intérêt.
B.
— Dans les temps modernes, ce sont surtout les philosophes anglais qui ont développé la théorie utilitaire.
C'est ainsi que BENTHAM (1748-1832), tout en posant lui aussi que le plaisir est bon en principe, veut que l'on
considère surtout les conséquences objectives de nos actes.
De ce point de vue, il y a lieu de tenir compte
de la valeur comparée des plaisirs d'après leur intensité, leur durée, leur certitude, leur proximité, leur
fécondité et leur pureté (c'est-à-dire l'absence de tout mélange de douleur) et d'établir d'après cela une «
arithmétique morale » aboutissant à une évaluation quantitative.
Dans cette évaluation, on devra considérer
aussi les conséquences sociales de nos actes; car, si, selon BENTHAM, notre intérêt particulier se confond
avec l'intérêt de la société, celui-ci l'emporte cependant sur les intérêts privés parce qu'il les enveloppe tous.
C'est de ce point de vue, notamment, que BENTHAM juge le droit et spécialement le droit pénal.
L'expiation
proprement dite est une souffrance inutile; mais le châtiment se justifie dans la mesure où il sert à empêcher
le crime ou à le rendre plus rare.
Cette doctrine a été élargie par J.
Stuart MILL (1800-1873) en un utilitarisme qui tient compte, non plus
seulement de la quantité, mais de la qualité des plaisirs.
MILL fonde cette dernière idée sur un argument
d'ordre psychologique.
En fait, selon lui, les hommes qui connaissent les plaisirs nobles du coeur, de
l'intelligence, de la conscience, leur accordent une préférence marquée par rapport aux plaisirs inférieurs
communs à l'homme et aux animaux.
Le bonheur ou l'intérêt — MILL identifie ces deux notions — consiste.
»
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