N'accepte rien sans preuve. Qu'en pensez-vous ?
Extrait du document
«
THÈMES DE RÉFLEXION
• Qu'est-ce que la preuve ? Selon E.
Goblot, Traité de logique, p.
21, c'est « un fait purement intellectuel, ou un
ensemble de faits purement intellectuels, qui est la condition suffisante d'un autre fait intellectuel ».
Autrement dit,
une preuve est une raison logique d'adhérer à une proposition.
— D'où « N'accepte rien sans preuve » ne signifierait-il pas que toute acceptation doit être passée sous le joug de
l'intelligible logique, et entre autres ne renverrait-il pas à une certaine conception du vrai ?
Cf.
Goblot : « La vérité est indépendante du caractère, de la volonté, du sentiment, des passions : toutes les
conditions de l'idée vraie se trouvent dans les seules idées.
»
• Peut-on tout prouver ?
— La preuve par déduction (par exemple en mathématique) suppose des principes premiers indémontrables (cf.
par
exemple les axiomes).
— La preuve par induction suppose — en aval comme en amont — des données empiriques qui sont objet de
constatation mais non de preuve.
— Peut-on parler de preuve en morale ?
Les jugements de valeur sont certes susceptibles d'une certaine justification, mais sont-ils justifiables de la preuve
au sens rigoureux du terme ?
• Que peut signifier exactement l'exigence de la preuve ? (Cf.
la problématique nietzschéenne à ce sujet.)
— Tenter de démontrer les principes mêmes de la démonstration ne serait-ce pas tomber dans la grave faute
(précisément logique!) de « la pétition de principe » (puisque l'on devrait mettre en œuvre dans la démonstration ce
qui est précisément à démontrer) ?
— Volonté de puissance, tome I, 1.
I, § 114 : « Est vrai, ce qui peut être démontré »...
« C'est une définition
arbitraire du mot « vrai », elle ne peut pas se démontrer.
C'est comme si on disait simplement : « Cela doit passer
pour vrai, cela doit s'appeler le vrai...
L'arrière-pensée, c'est que cette appréciation du concept du « vrai » est
utile; car le démontrable fait appel à ce qu'il y a de plus commun dans les cerveaux, à la logique.
Aussi n'est-ce
naturellement rien de plus qu'une norme utilitaire dans l'intérêt du plus grand nombre.
»
— « Si le principe de contradiction est, selon Aristote, le plus sûr de tous les principes, s'il est le dernier et le plus
fondamental, celui où se ramènent toutes les démonstrations, s'il porte en lui le principe de tous les autres axiomes,
on devrait tenir un compte d'autant plus rigoureux de ce qu'il présuppose déjà d'affirmations, au fond.
Ou bien il
consiste à affirmer une chose au sujet de ce qu'est véritable, de l'être, comme si l'on en avait d'autre part une
connaissance préalable — je veux dire comme si Ton savait qu'on ne peut pas prêter à l'être des attributs
contradictoires ou bien ce principe signifie qu'on ne doit pas lui prêter des attributs contradictoires.
La logique, en
ce cas, serait un impératif, destiné non à nous mener à la connaissance du vrai, mais à définir, à combiner un
univers que nous avons le devoir de tenir pour vrai.
»
Extrait de : La Volonté de puissance, tome I, 1.
I, § 115.
• Consulter La Généalogie de la morale de Nietzsche.
Les deux branches essentielles de la philosophie sont la connaissance et l'action.
On a, de façon très juste,
comparé le philosophe au capitaine d'un navire qui régulièrement faisait, à l'aide de ses instruments de mesure, le
point et déterminait sa position dans l'océan.
Ainsi, cette tâche étant accomplie, il pouvait décider en connaissance
de cause du chemin à prendre : soit en maintenant une ancienne -direction, soit estimant plus sage de « changer
de cap ».
De même, le philosophe se donne pour but de déterminer l'étendue du savoir humain, et plus
particulièrement du sien propre, pour décider de la façon conséquente dont il conduira ses actes, donc pour engager
son action.
Cette définition nous fait prendre conscience de l'importance qu'il faut accorder à la connaissance pour se diriger
avec plus de certitude.
Pour y parvenir de façon convenable un impératif prôné par de nombreux philosophes semble
particulièrement important : « N'accepte rien sans preuve.
» Quelle est la portée de cette affirmation? Pour la
préciser nous dégagerons le rôle qu'elle tient dans les doctrines de différents philosophes.
Ceci nous permettra de
dégager les concepts sur lesquels nous entraîne à réfléchir ce précepte.
Nous pourrons alors voir dans quelle mesure
il est nécessaire de nuancer cette ligne de conduite selon les différentes significations données aux idées directrices
de ce problème.
Si une expérience philosophique est capitale pour bien poser et comprendre cette incitation au doute, c'est celle de
Descartes.
Celui-ci a retracé dans son fameux Discours de la méthode l'itinéraire spirituel exceptionnel et
fondamental qui l'a conduit à l'établissement de sa philosophie.
Or, nous savons que les théories de Descartes sont
pour une large part à l'origine de la philosophie moderne occidentale.
Qu'est-ce qui est à l'origine de cette démarche
révolutionnaire (par rapport aux théories qui le précédaient) ?
Descartes déclare dès le début de ce livre célèbre que c'est avant tout le désir de conduire sa vie de façon plus
assurée qui l'a conduit à soumettre toutes ses connaissances au doute radical et méthodique.
C'est donc sur
l'absence de preuves satisfaisantes par rapport à ses ambitions qu'il a basé sa décision.
Nous remarquerons à
nouveau que son but était de «marcher avec assurance en ce monde »; ce qui nous montre le rapport direct qui
unit la connaissance et l'action dans cette recherche de preuves nouvelles et plus solides.
Il semble donc évident
d'insister sur le but très important que représente la valeur des preuves pour la conduite de l'existence de chaque
individu..
»
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