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Mythe et poésie contiennent-ils une par de vérité ?

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« À quoi reconnaît-on un mythe ? C'est d'abord un type particulier de récit dont le modèle a été donné par les histoires des dieux de la Grèce antique.

Toutefois, bien des mythes ne sont pas des histoires de dieux, ce sont des histoires de héros mais distinguées des contes ou des légendes, ce sont des histoires d'ancêtres mais distinguées des récits historiques, des histoires d'animaux distinguées des fables.

La plupart des sociétés opèrent elles-mêmes une classification des divers types de récits, dans laquelle il est facile de reconnaître la catégorie des mythes ; ceux-ci, à la différence des contes qui ne sont que des inventions, sont reconnus pour vrais par les sociétés qui les racontent alors que, contrairement à ce qui se passe pour les récits historiques, il n'y a pourtant là, aux yeux de l'observateur étranger, pratiquement rien de vraisemblable.

Aussi, le mythe peut servir de base à la poésie, le mythe lui-même peut être sous forme de poème, on pense au mythe de l'âge d'or, à la fois source d'inspiration et fondateur du mythe lui-même.

Aussi, il s'agit de voir ce qu'il y a de commun entre le mythe et la poésie ; si ces derniers participent du même langage, de la même vision du monde. 1) Mythe, Poésie et vérité. La poésie tend à établir une équivalence entre signifiant et signifié, produite par une « retrempe alternée en le sens et la sonorité » (Mallarmé).

La signification poétique transgresse les distinctions établies par le sens commun.

Elle est foncièrement double, ambiguë, voire ambivalente : « Un poème dit une chose et en signifie une autre », écrit Michael Riffaterre.

Et c'est pourquoi la poésie est par excellence un langage figuré.

Les figures qu'elle privilégie sont celles qui associent des termes habituellement considérés comme contraires, et celles qui établissent des ressemblances entre des choses différentes.

Alliances de mots et oxymorons suspendent le principe de noncontradiction qui régit l'énoncé logique : Corneille nous apprend qu'« une obscure clarté » peut « tombe[r] des étoiles », et, Louise Labé, qu'une amoureuse peut avoir « chaud extrême en endurant froidure ».

On sait le rôle capital joué depuis toujours en poésie par les figures d'analogie (comparaison, métaphore, allégorie, etc.), qui rapprochent des « réalités » parfois très « éloignées » selon la formule de Reverdy.

Ces figures ne sont pas un simple ornement, mais l'instrument d'une configuration de l'expérience humaine.

La métaphore fait image, elle donne à voir, elle propose une vision du monde, caractérisée elle aussi par une équivalence généralisée entre le langage, l'homme et l'univers.

L'unité de ce monde est fondée sur l'analogie.

Bien des traditions mythiques ou mystiques en ont fait une loi occulte de l'univers, et en Occident même, depuis le symbolisme médiéval jusqu'aux théories romantiques des correspondances.

Mais la vision poétique du monde est avant tout structurée par le fonctionnement analogique d'un langage qui repose, sur une résonance et une équivalence généralisées.

La poésie, aussi semble reposer sur une certaine mystique si elle veut justifier son existence ; mais la poésie n'est-elle que cela, pur jeu de langage sans base subjective ? La vérité de la poésie ? Goethe dans l'ouvrage de 1833 Poésie et vérité est à la fois une autobiographie et l'histoire d'un quart de siècle montre une réflexion sur les relations entre le destin d'un individu et le devenir d'une société ; une méditation sur la construction de l'identité personnelle par le récit et sur la vérité supérieure de la fiction.

Dans Le Crépuscule des idoles, Nietzsche a rendu un vibrant hommage à cet extraordinaire accomplissement que représente chez Goethe l'unité indissociable de la vie et de l'écriture, de l'existence et de la biographie, de la poésie et de la vérité. Cette unité ne fut pas seulement esthétique, mais aussi morale : car le Goethe réel et le Goethe « héros » de l'autobiographie se confondent.

L'écrivain, ici, peut se passer du « pacte autobiographique » (formule de Philippe Lejeune inspirée par le modèle rousseauiste) : pourquoi jurerait-il de ne dire que la vérité, puisque sa personne et son personnage ne font qu'un, et puisqu'il affirme l'identité entre la durée subjective et le temps historique ? « Il se disciplina pour atteindre à l'être intégral ; il se fit lui-même.

[...] Il disait oui à tout ce qui avait sur ce point une parenté avec lui - il n'y eut dans sa vie de plus grand événement que Napoléon.

Goethe conçut un homme fort, hautement cultivé, habile à toutes les choses de la vie physique, se tenant lui-même bien en main, ayant le respect de lui-même, pouvant se risquer à jouir pleinement du naturel dans toute sa richesse et toute son étendue, assez fort pour cette liberté » (F.

Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, 1888).

Si la poésie peut atteindre une certaine vérité de l'être, il n'en reste pas moins que cette vérité reste individuelle.

Les philosophes et les scientifiques reprocheront au discours mythique et poétique d'être à l'opposé de la vérité, proposant un récit et non des expériences, en étant loin de toute vérification. 2)Mythe, philosophie et vérité. D'un côté, la raison philosophique condamne le mythe ; elle l'exclut et le chasse ; entre muthos et logos, il faut choisir ; ainsi commença de dire Platon au livre II de La République, avant d'inventer lui-même des mythes.

Il ne s'agissait pourtant encore que des mythes d'Homère, d'Hésiode et des tragiques ; mais l'hostilité de la philosophie est de principe : chercher le fondement, la raison d'être, exclut que l'on raconte des histoires ; il faudra donc tenir les mythes pour des allégories, c'est-à-dire pour un langage indirect où d'authentiques vérités physiques et morales sont dissimulées ; saisir ces vérités sous le vêtement du mythe, c'est du même coup rendre inutile l'enveloppe, une fois celle-ci percée à jour ; ainsi firent les stoïciens, sur la lancée du jeune Platon.

Le paradoxe de cette lutte est qu'elle n'en a jamais fini avec l'adversaire ; Platon lui-même écrit des mythes ; sa philosophie procède du mythe orphique et, d'une certaine façon, y retourne ; quelque chose nous dit que le mythe ne s'épuise pas dans sa fonction explicative, qu'il n'est pas seulement une manière pré- scientifique de chercher les causes et que la fonction fabulatrice elle-même a valeur prémonitoire et exploratoire à l'égard de quelque dimension de la vérité qui. »

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