Mourir, est-ce essentiel à l'homme ?
Extrait du document
«
Problématique:
Un trait semble caractériser de manière universelle, au moins depuis l'apparition de l'homo sapiens, l'humanité:
toutes les cultures associent un rituel particulier à la mort.
Certaines cultures enterrent les morts, d'autres les
brûlent...
En outre, seule l'humanité célèbre avec un rituel particulier la fin de la vie, puisque les animaux, au
contraire, ne semblent pas accorder d'importance particulière à ce moment.
Est-ce à dire que la mort est un
élément essentiel pour l'homme ? Dans ce cas, comprendre l'humanité, comprendre ce qui fait de l'homme un homme,
supposerait que l'on prenne en compte la particularité de son rapport à la mort.
Pourtant, c'est peut-être une
illusion malsaine que d'accorder à ce phénomène une telle importance.
Il est peut-être possible de voir dans le souci
humain de la mort le signe d'une existence authentique, proche de ce qui caractérise véritablement l'humanité.
Pour
répondre à ces questions, nous examinerons dans un premier temps la signification de la peur de la mort; ensuite,
nous montrerons comment l'épanouissement des hommes est à chercher dans la méditation de la vie et non celle de
la mort.
Néanmoins, n'y a-t-il pas là, de deux manières différentes, une même volonté de cacher le fait brut de
notre finitude.
Première partie:
La mort suscite fréquemment chez les hommes une crainte plus ou moins forte.
Cette crainte peut être
particulièrement violente: on sait que la peur de mourir peut, en temps de guerre, conduire les hommes aux pires
abominations.
Néanmoins, elle est également présente dans l'existence quotidienne, même si elle peut être plus ou
moins masquée.
Sans doute bien des angoisses et des phobies, dont les motifs semblent souvent anecdotiques ou
arbitraires, s'enracinent-elles dans une telle crainte.
La mort suscite non seulement la crainte, mais aussi une
étrange fascination.
Bien des oeuvres d'art parmi les plus importantes de l'humanité sont des tombeaux ou sont liés
à la mort: pensons aux pyramides, aux Requiem de Mozart ou Fauret.
Cette peur et cette fascination s'enracinent dans notre ignorance: nous
savons que nous cessons de vivre, mais nous ne pouvons savoir ce que cela
implique.
Disparaissons-nous véritablement ou bien quelque chose de nous
survit-il ? Et si tel est le cas, qu'advient-il à ce quelque chose ? Platon, dans
le "Phédon", dialogue consacré à l'immortalité de l'âme, fait de la mort un être
imaginaire qu'on évoque pour effrayer les enfants et les adultes.
La crainte de
la mort est donc comparée aux peurs enfantines, cad aux peurs irrationnelles
qui dominent les enfants quand ceux-ci n'ont pas encore développé
pleinement leur raison.
Autrement dit, la crainte de la mort a pour origine la
domination de la partie irrationnelle de l'âme humaine sur la partie rationnelle.
Pourtant, c'est celle-ci qui définit pleinement l'être humain: être un homme,
c'est être un être doué de raison.
En conséquence, le souci de la mort, sous
la forme de la crainte et de la fascination, n'est pas la caractéristique d'une
vie authentiquement humaine, mais au contraire le signe d'une vie affaiblie.
Au contraire, philosopher, c'est apprendre à mourir, cad à vaincre cette
crainte et cette obsession.
Le corps est le
tombeau
de
l'âme (Cratyle)
Philosopher,
c'est apprendre
à mourir au
sensible
(Phédon)
La théorie de la réminiscence
stipule que c'est en s'incarnant
dans le corps que l'âme oublie la
connaissance des idées acquise
dans un autre monde.
C'est donc
en se délivrant du corps que l'âme
retrouvera pleinement son pouvoir
de
connaissance.
Ce
mépris
classique du corps sera interprété
par Nietzsche comme un mépris de
la vie.
Plus généralement, la philosophie
est accès à l'intelligible et donc
refus du sensible.
Pourtant, si philosopher, c'est apprendre à mourir, comme le soutient Platon, n'est-ce pas encore reconnaître
l'importance de la mort ?.
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