Montaigne, Que savons-nous de l'intelligence des animaux?
Extrait du document
«
Indications générales
Montaigne (1533-1592), après s'être retiré des affaires publiques, a rédigé,
pendant les vingt dernières années de sa vie, les trois livres des Essais: des
réflexions libres et pleines d'anecdotes sur tous les sujets qui lui plaisaient.
Le
contraire d'un «système» de philosophie.
Influencé par le scepticisme [voir
Sextus Empiricus], il dénonce à maintes reprises les prétentions du rationalisme.
Cela l'amène notamment à poser de manière originale la question de l'intelligence
des animaux.
Citation
«C'est par la vanité de cette même imagination qu'il [l'homme] s'égale à Dieu,
qu'il s'attribue les conditions divines, qu'il se trie soi-même et sépare de la
presse des autres créatures, taille les parts aux animaux, ses confrères et
compagnons, et leur distribue telle portion de faculté et de force que bon lui
semble.
Comment connaît-il par l'effort de son intelligence les branles internes et
secrets des animaux ? Par quelle comparaison d'eux à nous conclut-il la bêtise
qu'il leur attribue?» (Essais, 1580, livre II, chap.
12.)
Explication
Toute la tradition aristotélicienne [voir Aristote], et le christianisme à sa suite, attribuait à l'homme seul une âme
rationnelle qui faisait de l'homme le supérieur de tous les animaux.
Montaigne montre ce qu'il y a d'irrationnel dans
cette certitude.
Comment saurait-on en effet ce qui se passe dans l'esprit des animaux? C'est sa vanité et son
imagination qui rendent l'homme si présomptueux, et il appelle même la présomption «notre maladie originelle».
Exemple d'utilisation
Le texte de Montaigne est très utile pour questionner toute la tradition philosophique qui écarte radicalement les
animaux de l'homme – y compris après Montaigne, par exemple dans la théorie de Descartes des «animaux-machines »
[voir « le vivant»].
Il permet de remettre en cause un certain anthropocentrisme.
SUJET TYPE: Que peut apporter à la philosophie une réflexion sur l'animalité ?
Contresens à ne pas commettre
Il ne faut pas toutefois s'abriter derrière ce texte de Montaigne pour tomber dans un autre écueil qui surgit lorsque l'on
parle des animaux: l'anthropomorphisme, qui consiste à affirmer, avec tout autant de «présomption », que les animaux
sont aussi intelligents que les hommes.
D'autant moins qu'il y a des différences objectivement constatables entre
l'homme et les autres espèces, en particulier le langage articulé [voir «le langage »].
Le texte de Montaigne pose une
question, il attire l'attention sur un problème.
Il ne dit certainement pas qu'il n'y a pas de différences entre les animaux
et les hommes.
Il faudrait d'ailleurs savoir de quels animaux l'on parle, car sous ce terme général sont regroupées des
espèces extrêmement distantes les unes des autres.
Le texte de Montaigne permet donc de commencer à réfléchir au
problème, certainement pas de clore la discussion..
»
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