Montaigne "Je ne peins pas l'être" corrigé HLP
Publié le 29/05/2023
Extrait du document
«
« Je ne peins pas l’être, je peins le passage » Montaigne
Pour HLP
Dans le chapitre 2 « Du repentir » au livre III des Essais, Montaigne écrit
« Je ne peins pas l’être, je peins le passage ».
Que signifie exactement
cette phrase, qui, à elle seule, pourrait être l’exergue du maître ouvrage
de ce penseur de la Renaissance ?
Le projet de Montaigne, qu’il présente dans son adresse au lecteur dès la
première page de son livre est de se peindre lui-même, de se présenter
tel qu’il est et finalement de se définir.
C’est là un exercice d’introspection, et d’examen de soi comme
l’entreprennent de nombreuses autobiographies et journaux intimes.
C’est
aussi ce que nous sommes souvent amenés à faire lorsque nous faisons le
point sur nous-mêmes.
Or , ce que les Essais vont, entre autres choses montrer, c’est que le
« soi », ce qu’est Montaigne pour lui-même et plus universellement, ce
que nous sommes pour chacun d’entre nous, est ,en définitive,
insaisissable.
( Ce qui ne signifie pas que la recherche en soit vaine ou
purement narcissique)
Comment, définir, c’est-à-dire fixer une fois pour toute ce qu’est une
chose, si celle-ci ne cesse de changer, muer, se transformer ? ( Le monde
n’est qu’une branloire pérenne) Comment en saisir l’essence ou la nature (
ce qu’elle est fondamentalement ), si elle est composite, diverse,
fluctuante voire contradictoire ? Le « moi » est de cet ordre, changeant
perpétuellement, composé de divers traits qui se juxtaposent mais ne
s’accordent pas nécessairement, qui disparaissent pour laisser la place à
de nouvelles émotions, de nouveaux sentiments, de nouveaux
comportements.
Saisi dans son devenir temporel, le monde, tout ce qui nous entoure,
change et se modifie, apparaît puis disparaît, surgit puis s’érode.
Il n’est
pas, au sens strict d’une stabilité maintenue, il devient et se transforme.
Mais combien plus fluctue, nous dit Montaigne, notre « moi », ou « ce
que nous sommes ».
(Certains philosophes, plus tard, parlerons à propos
du « moi » de sujet empirique : ce que je découvre sur moi dans
l’existence que je mène et au fil de mes expériences,)
On comprend alors que Montaigne puisse écrire, « Je ne puis assurer
mon objet.
Il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle ».
Cet objet, qui n’est autre que lui-même qu’il essaye de saisir, et de
comprendre lui échappe sans cesse.
D’heure en heure, nous pensons à diverses choses, nous nous occupons
de diverses manières, nous changeons de lieu, d’époque, d’avis, de goûts,
de caractère, au fil des évènements de notre vie ; nous ne « sommes »
jamais tels une fois pour toute.
Mouvement continu de discontinuités.
Inintelligibilité de qui nous sommes.
L’être est unité stable.
Le moi est
changement incessant.
Et changer c’est n’être plus ce....
»
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