Mon corps fait-il obstacle à ma liberté ?
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Notre corps est désir, jouissance, et donc aussi passion, c’est-à-dire, en un sens, souffrance. Comment concilier ces aléas du corps avec la liberté ? C’est-à-dire cette posture par laquelle je ne subis pas mais j’agis sans être limité par rien. En d’autres termes, le corps n’est-il qu’un obstacle à ma liberté ?
Le corps est désir, faim, jouissance et vacille continuellement entre ses contraires, parce qu’il ne les maîtrise pas. Le corps altère nécessairement ma liberté. Si le corps est entrave à ma liberté, n’est-ce pas que la liberté est de nature non matérielle mais spirituelle ? Que pour être libre il faut tâcher de se dégager des influences du corps ?
Mais est-ce une posture tout simplement viable ? D’ailleurs si mon corps peut affecter le cours de mes pensées ; n’est-ce pas qu’il y a interaction essentielle, et non accidentelle, entre le corps et l’âme ? Que plus mon corps agit plus mon âme en fait ainsi et vice et versa ?
Dés lors n’est-ce pas que l’esprit se fait à travers le corps ? Que la seule liberté est celle de mouvement ?
Le corps comme prison de l’âme
Je suis autant mon âme que mon corps
Je n’ai de liberté que celle que me permets mon corps
«
Notre corps est désir, jouissance, et donc aussi passion, c'est-à-dire, en un sens, souffrance.
Comment concilier ces aléas du corps avec la liberté ? C 'està-dire cette posture par laquelle je ne subis pas mais j'agis sans être limité par rien.
En d'autres termes, le corps n'est-il qu'un obstacle à ma liberté ?
Le corps est désir, faim, jouissance et vacille continuellement entre ses contraires, parce qu'il ne les maîtrise pas.
Le corps altère nécessairement ma
liberté.
Si le corps est entrave à ma liberté, n'est-ce pas que la liberté est de nature non matérielle mais spirituelle ? Que pour être libre il faut tâcher de se
dégager des influences du corps ?
Mais est-ce une posture tout simplement viable ? D'ailleurs si mon corps peut affecter le cours de mes pensées ; n'est-ce pas qu'il y a interaction
essentielle, et non accidentelle, entre le corps et l'âme ? Que plus mon corps agit plus mon âme en fait ainsi et vice et versa ?
Dés lors n'est-ce pas que l'esprit se fait à travers le corps ? Que la seule liberté est celle de mouvement ?
Le corps comme prison de l'âme
Le corps emprisonne l'âme, elle, qui est éprise de réflexion éthérée, se voit détournée de cette passion pour la vérité à mesure que le corps lui se fait le
support de maintes sollicitations.
Le corps subi, il souffre, a faim, désire, bref il est en continuel dépendance de l'extérieur.
L'âme, elle, agit en pensant, telle
est sa liberté.
N'est-ce donc pas que le corps est la prison de l'âme ? Que mon corps est un obstacle à ma liberté ?
Philosopher c'est justement apprendre à se détacher des intérêts du corps, afin que l'âme ne prenne intérêt qu'a l'être véritable, lieu de la pensée.
A insi
écrit Platon : « Celui qui tournerait vers chaque chose, avec autant que possible la pensée seule, ne faisant point entrer la vue, ni aucune autre sensation
dans sa réflexion, et ne retenant rien que la force du raisonnement? Usant de la pensée elle-même et sans mélange, lorsqu'il entreprend de pourchasser
chacun de ces êtres en soi et sans mélange, ayant rejeté autant qu'il est possible les yeux, les oreilles et, pour ainsi dire, le corps tout entier, puisque c'est
lui trouble l'âme et lui interdit de s'approprier la vérité et la sagesse, à chaque fois qu'elle a commerce avec lui », Phédon, 68.
Le corps est obstacle, prison de l'âme, il empêche notre liberté.
La libération ne saurait être gagnée qu'à mesure que nous nous détachons du corps.
A insi,
confirme Platon : 79d « Quand au contraire, c'est l'âme elle-même, et seulement par elle-même, qui conduit son examen, elle s'élance là-bas, vers ce qui
est pur et qui est toujours semblable à soi? Et comme elle est apparentée à cette manière d'être, elle reste toujours en sa compagnie, chaque fois
précisément que, se concentrent elle-même en elle-même cela lui devient possible.
C'en est fini de son errance: dans la proximité de ces êtres, elle reste
toujours semblablement même qu'elle même, puisqu'elle est à leur contact.
Cet état de l'âme, c'est bien ce qu'on appelle pensée? ».
L'âme, en pensant, est liberté.
Je suis autant mon âme que mon corps
Mais suis-je capable d'exister sans corps ? Ne suis-je pas autant mon corps que mon esprit ? Ma liberté n'est-elle pas autant celle de l'âme que celle du
corps.
Ainsi écrit Spinoza :
« Je me suis efforcé de démontrer que la substance étant de sa nature infinie, chacune des parties appartient à la substance corporelle, et ne peut, sans
elle, ni être, ni être conçue.
Ensuite, je pose que l'esprit humain est cette même puissance: non en tant qu'elle est infinie et qu'elle perçoit la nature entière,
mais en tant qu'elle est finie et qu'elle ne perçoit que le corps humain.
C 'est pourquoi, ainsi, je pose, que l'esprit humain est une partie de l'entendement
infini.
», Lettre 32, à Henri Oldenburg, Œuvre complète, édition Pléiade, page1178-1179.
C'est ce que semble concéder Spinoza dans la Proposition 11, de la Troisième partie de l'Ethique: « De ce qui augmente ou diminue, aide ou contrarie la
puissance d'agir de notre corps, l'idée augmente ou diminue, aide ou contrarie la puissance de penser de l'esprit ».
Il y a correspondance entre une âme qui
agit et une âme qui en fait de même.
La libération ne consiste pas, ici, à se détacher du corps, mais à libérer autant le corps que l'âme, elle s'identifie
complètement à la recherche de ce que nous savons être nécessaire à la conservation et à l'affirmation de notre puissance.
La libération résulte d'une
connaissance et non d'un refoulement du désir, essence de l'homme.
« Etre cause adéquate de soi » pour Spinoza c'est parvenir à la pleine maîtrise de soi
qui ne peut se réaliser sans la connaissance de soi.
Il n'y a donc pas lieu pour Spinoza de rejeter le désir, il faut plutôt connaître les causes qui nous
conduisent à désirer et s'en rendre maître.
A insi la joie désigne le passage d'une perfection moindre à une perfection plus grande.
Tandis que la tristesse est le passage d'une plus grande perfection à
une moindre perfection.
Les désirs qui produisent en l'occurrence la tristesse sont ceux qui comme l'avarice ou l'ignorance admettent des causes
extérieures et produisent inconstance et impuissance en l'homme au contraire de la fermeté qui est un « Désir par lequel un individu s'efforce de se
conserver en vertu du seul commandement de la Raison » (Ethique, livre 4, proposition 59, scolie) engendre la joie.
Ce à quoi nous enjoint Spinoza de faire
est de réaliser notre nature, de l'accomplir au plus haut sens du terme.
Mais cela ne peut s'effectuer que si nous persévérons dans notre être et que nous
accomplissons le désir de puissance comme expression de la vie même.
Spinoza parvient ainsi sans préconiser l'intempérance à concilier : désir et vertu.
Tous les désirs ne sont pas pour autant signe de notre puissance d'agir.
Seuls les désirs dont nous sommes causes adéquates mènent à la vertu et donc au
bonheur, et donc aussi à la liberté.
Je n'ai de liberté que celle que me permets mon corps
Je ne me signifie que par mon corps, je n'ai pas à me libérer de mon corps, mais je ne peux expérimenter ma liberté qu'à travers mon corps, qui est tout
simplement la condition de possibilité de mon existence, de ma présence au monde.
Merleau-P onty (dans La structure du comportement, page 224-227),
écrit à ce titre : «L'esprit n'utilise pas le corps, mais se fait à travers lui tout en le transférant hors de l'espace physique.
Quand nous décrivons les
structures du comportement, c'était bien pour montrer qu'elles sont irréductibles à la dialectique du stimulus physique et de la contraction musculaire, et
qu'en ce sens le comportement, loin d'être une chose qui existe en soi, est un ensemble significatif pour une conscience qui la considère: mais c'est du
même coup et réciproquement pour faire voir dans la conduite de l'expression le spectacle d'une conscience sous nos yeux, celui d'un esprit qui vient au
monde.
On comprend sans doute pourquoi nous ne pouvons même pas admettre sans réserves entre l'âme et le corps un rapport d'expression comparable à
celui du concept et du mot, ni définir l'âme comme le sens du corps, le corps comme manifestation de l'âme.
(...) Les deux termes ne peuvent jamais se
distinguer absolument sans cesser d'être leur connexion empirique est fondée sur l'opération originaire, qu'installe un sens dans un fragment de matière, l'y
fait habiter, apparaître, être.
En revenant à cette structure comme à la réalité fondamentale, nous rendons compréhensible à la fois la distinction de l'âme et
du corps.
Merleau-Ponty tente de neutraliser l'opposition de l'idéalisme et du réalisme.
Il pense assurément que le dualisme est impossible, au sens il est récusé par
l'expérience que nous avons de notre ouverture au monde.
Dans La structure du comportement, si toute réalité concevable s'annonce comme « sens à la
conscience, alors l'expérience d'une chose réelle ne peut être expliquée par l'action de cette chose sur mon esprit », La structure du comportement, quadrige,
page 215, et nous disons que nous n'avons jamais affaire à un corps en soi mais à un corps pour une conscience et que le corps devient l'un des objets qui
se constituent devant la conscience, c'est-à-dire une idéalité.
Le corps n'est ni un corps en soi, ni idées mais structure.
Merleau-Ponty précise en outre que
la notion de corps n'est pas univoque: le corps présente un sens originel dans l'ordre physique, dans l'ordre vital et dans l'ordre humain; matière, vie, esprit
ne sont pas « comme trois ordres de réalité ou trois sortes d'êtres, mais comme trois plans de signification ou trois formes d'unité ».
La liberté se fait dans et par le corps.
Conclusion
-Le corps est obstacle à ma liberté parce qu'il est vu comme réceptacle, comme le lieu quasi aliénant de maintes sollicitations venues de l'extérieur.
-Mais en réalité il n'est obstacle que pour autant il est un corps qui subi, il peut agir au moyen de l'âme.
La liberté est alors accroissance de puissance dans
et par le corps.
-L'esprit se fait donc au travers du corps, la liberté est celle du mouvement..
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