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Mon bonheur passe t-il obligatoirement par celui d'autrui ?

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Penser le rapport au bonheur d?autrui comme passage (en vue du mien) le réduit et le rend dérivé. Ce passage n?est pas obligatoire, n?est pas une cause constitutive de mon bonheur : le bonheur d?autrui n?est pas la contrainte ou la condition de mon bonheur. Peut-être n?est-il même plus passage sur le chemin de mon bonheur, mais plutôt simple parallèle indépendante de la voie qu?emprunte ma quête. II. L?égoïsme du bonheur et l?(apparente) indifférence envers autrui Ainsi en est-il du bonheur du sage stoïcien. De cet homme en retrait dont l?excellence consiste en l?équilibre interne de ses forces en tension (raison / passions). Il devient à lui-même le propre centre de son bonheur. Et son bonheur est autarcique, autonome. Cette autonomie est indifférence, détachement envers le monde, et partant envers le bonheur d?autrui. Mais la signification du bonheur n?est-elle pas dès lors biaisée ?

« Depuis l'inflexion éthique que prend la philosophie avec Socrate, la pensée examinant sa vie se confronte à la question du bonheur.

Il s'agit de bien vivre pour être à la hauteur de l'humanité en l'homme.

Et le bien vivre est ce qui seul conduit au bonheur. Le bonheur est dès lors pensé comme fin de la vie humaine (l'eudémonisme d'Aristote).

Par définition, le bonheur est ce qui universellement est partagé par les hommes comme fin de leurs vies.

Ainsi est-il pertinent de s'interroger sur le passage qu'emprunte le chemin du bien vivre, c'est-à-dire sur les moyens à mettre en œuvre dans la pratique de la vertu afin d'atteindre ce terme de la vie humaine qu'est le bonheur.

Et comme le bonheur en question est celui de l'homme, s'impose alors un réflexion sur le rapport à autrui (lui-même poursuivant également son bonheur puisque étant homme). Posé dans l'énoncé en des termes distincts (mon bonheur et celui d'autrui), le bonheur est pensé comme pouvant être pluriel, relatif, divergeant et propre à chaque individu.

Il s'agit alors d'interroger la possible conjugaison des bonheurs – le problème étant la modalité de leur rapport : qu'implique de penser le rapport au bonheur d'autrui comme moyen (“ passage ”) en vue de mon bonheur ? Si le bonheur est fin, puis-je être heureux sans le bonheur d'autrui ? Peut-on penser du bonheur (d'autrui) qu'il soit une condition nécessaire (le “ passage obligatoire ”) dans la poursuite du bonheur personnel ? I.

Le bonheur propre comme fin : autrui comme passage La vertu chez Aristote (Ethique à Nicomaque) est la disposition de l'homme juste qui agit en visant le bien.

Bien agir permet d'accéder au bonheur.

Et lorsque l'homme, guidé dans ses choix par la vertu, poursuit le bien, ses actes s'imprègnent de la justesse gouvernant son esprit.

Ses actes visant le bien suprême sont en eux-mêmes bons.

Et le bien de ses actes se répercute sur le bonheur de ses congénères. En conséquence peut se comprendre en quoi le chemin du bonheur propre passe par le bonheur d'autrui.

Mais s'il passe par le bonheur d'autrui, il ne saurait ici s'agir d'une condition nécessaire.

Le bonheur propre (mon bonheur) passe par celui d'autrui en tant que ce dernier jouit indirectement de la mise en œuvre de mon agir juste.

Autrui est atteint comme accidentellement ou collatéralement par les effets de ma quête personnelle de bonheur. Penser le rapport au bonheur d'autrui comme passage (en vue du mien) le réduit et le rend dérivé.

Ce passage n'est pas obligatoire, n'est pas une cause constitutive de mon bonheur : le bonheur d'autrui n'est pas la contrainte ou la condition de mon bonheur.

Peut-être n'est-il même plus passage sur le chemin de mon bonheur, mais plutôt simple parallèle indépendante de la voie qu'emprunte ma quête. II.

L'égoïsme du bonheur et l'(apparente) indifférence envers autrui Ainsi en est-il du bonheur du sage stoïcien.

De cet homme en retrait dont l'excellence consiste en l'équilibre interne de ses forces en tension (raison / passions).

Il devient à lui-même le propre centre de son bonheur.

Et son bonheur est autarcique, autonome.

Cette autonomie est indifférence, détachement envers le monde, et partant envers le bonheur d'autrui. Mais la signification du bonheur n'est-elle pas dès lors biaisée ? Le bonheur comme fin humaine universelle ne peut être le bien particulier, auquel cas il serait moyen.

Lorsque le sage ne semble plus concevoir le bonheur d'autrui comme un passage obligatoire à sa propre réalisation, celle-ci conserve pour fin l'intégration harmonieuse dans le tout harmonieux de l'ordre des choses.

Pour rester humain, le bonheur ne peut être qu'individuel. Mon bonheur passe obligatoirement par celui d'autrui parce que mon bonheur est celui d'un homme – autrui, comme humain, participe de mon projet.

Si le bonheur est fin, je ne puis être heureux sans le bonheur de l'autre.

Mais celui-ci estil encore passage ? III.

Le bonheur comme fin humaine : la présence obligatoire d'autrui Quand bien même le bonheur serait conçu comme aspiration personnelle, différenciée et indépendante de celle d'autrui, seule la question des moyens de sa réalisation pourraient entraîner des divergences.

Car le bonheur comme fin commune aux hommes est ce lieu du partage où la question de relativité des aspirations ne se pose plus.

Fin humaine, le bonheur est un.

Le bonheur d'autrui est celui de mon alter ego en lequel je me reconnais. Si mon bonheur est le bonheur d'un homme, alors il ne passe pas par celui d'autrui, mais se réalise en celui-ci comme en but (le règne des fins de Kant) : le bonheur d'autrui est voulu pour lui-même.

Lorsque le bonheur est poursuivit comme fin, on ne peut faire d'un autre bonheur (celui d'autrui) le moyen de son obtention.

Le bonheur ne peut être fin et moyen.

Si le bonheur est fin, son objectif seul (et non plus son moyen) peut être obligatoire. Ainsi se retrouve la dimension de contrainte (“ obligatoire ”), mais cette contrainte n'est plus une condition de l'obtention de mon bonheur, mais son terme.

Elle n'est plus une contrainte, extérieure ou ajoutée, sur le chemin de mon bonheur, mais bien sa condition de possibilité. Conclusion Poser la question du statut du bonheur d'autrui relativement au mien en termes de passage conduit à le rendre secondaire, comme dérivé accidentel et non obligatoire.

Le bonheur d'autrui est alors pensé comme moyen.

Si le bonheur d'autrui est secondaire en rapport au mien, je peux m'affranchir de sa préoccupation.

Et vouloir mon bonheur égoïste dans le retrait. Mais mon bonheur doit rester celui d'un homme.

Et s'il est humain, il est identique à celui d'autrui : la fin est commune (bien que les moyens puissent différer).

Le bonheur est fin ; la fin ne peut-être également moyen si elle est commune, partagée, fin humaine. Le problème général consistait en le statut du bonheur.

La difficulté de l'énoncé a consisté dans l'ambiguïté sémantique relative à l'emploi du terme de bonheur (le bonheur comme fin ou comme moyen).

Cette difficulté dévoile une inconséquence logique : la fin peut-elle être en même temps moyen (c'est-à-dire, quelle serait le fin du bonheur compris comme moyen, ou encore que serait le bonheur dont le bonheur est moyen) ? La formulation “ des problèmes de la philosophie repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue ” [Wittgenstein, Tractatus].

Fondée sur ce sophisme impliqué par le notion de “ passage ”, la question doit être retournée en se demandant quelle doit être la place du bonheur d'autrui dans mon bonheur.. »

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