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Mon bonheur dépend-il d'autrui ?

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De ce point de vue, le bonheur trouve un ancrage politique, c?est-à-dire dans la Cité. Il n?est plus un état que j?atteins dans l?isolement, mais une activité qui se développe au contact des autres hommes. III ? Bonheur et politique Cependant, il semble que nous ayons répondu uniquement en négatif à notre question. Nous avons découvert que le bonheur se construit dans une activité au sein de la Cité. Mais est-ce à dire que les autres peuvent faire mon bonheur ? En fait, il faut que nous précisions encore ce que l?on entend par bonheur, au-delà de la distinction entre un état et une activité. En effet, l?expression « faire le bonheur de quelqu?un » est une expression courante. On fait le bonheur de quelqu?un en lui offrant, par exemple, un cadeau. De ce point de vue, autrui peut bien faire mon bonheur, mais il faut qu?il sache alors ce que je veux, il faut qu?il me connaisse et anticipe mes attentes. Cependant, cette conception du bonheur est très restrictive, puisque la réflexion traditionnelle sur le bonheur l?envisage sous l?angle de la durée : le bonheur n?est pas quelque chose susceptible de se périmer (comme le cadeau que j?oublierai ou égarerai un jour), mais de durer.

« Notre sujet nous interroge sur la nature du bonheur dans son rapport avec autrui ; autrement dit, le bonheur est-il fait par les autres ou bien se réduit-il à une entreprise individuelle ? D'emblée, c'est notre conception du bonheur qu'il faut mettre à l'épreuve : comment pouvons-nous définir le bonheur et qu'est-ce que cela implique par rapport aux autres ? En d'autres termes, le bonheur est-il un état que l'on atteint dans l'isolement ou une activité qui se développe au contact des autres ? C'est, de ce point de vue, la nature politique du bonheur qu'il faut envisager : celui-ci éclôt-il dans l'enceinte de la Cité (polis, en grec) ou bien dépend-il d'autre chose ? Dès lors, si les autres peuvent faire mon bonheur, est-ce en m'aidant à atteindre un état de béatitude, en m'offrant quelque chose (sens courant de l'expression : « faire le bonheur de quelqu'un) ou bien en disposant les conditions d'une vie politique comme souhait d'une vie heureuse ? I – Épicure et l'usage réglé des désirs La conception antique du bonheur, telle qu'on la trouve chez Épicure, repose sur l'idée de vertu.

Celle-ci se dit arétè en grec et renvoie à la qualité propre d'une chose. On parle ainsi de la vertu d'une plante médicinale.

De ce point de vue, le bonheur consiste, pour l'homme, à développer sa vertu, c'est-à-dire sa nature propre.

Or, quelle est cette nature ? L'homme, pour Épicure, est un être rationnel, qui se doit d'agir conformément à la raison.

L'accomplissement de cette nature propre passe notamment par l'usage réglé des désirs, qui permet à l'homme d'atteindre l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles dans son âme ou, en d'autres termes, le bonheur.

En effet, selon Épicure, le bonheur s'atteint dès que l'âme quitte l'état d'anxiété naturelle dans lequel elle se trouve.

Il s'agit alors d'éloigner les troubles qui lui sont liés en distinguant, par exemple, les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels non nécessaires et les désirs ni naturels ni nécessaires.

En se pliant aux premiers (comme boire de l'eau) et en refusant les derniers (comme chercher la richesse ou la gloire), l'homme accomplit alors ce qui est vraiment en son pouvoir.

Il poursuit des buts raisonnables, et ce faisant il exprime sa vertu, ce qui lui permet d'accéder au bonheur compris comme quiétude, absence de troubles, ataraxie. De ce point de vue, la conception que l'on se fait du bonheur comme entretien d'une qualité propre ou développement d'une vertu, c'est-à-dire comme recherche, pour l'homme, d'une vie réglée et sans troubles, commande la position qu'autrui adopte vis-à-vis de nous.

En effet, autrui ne peut pas faire mon bonheur, puisque celui-ci dépend de l'idée que mon âme se fait des choses (dois-je rechercher la gloire ou non ?).

Au pire, autrui peut même être celui qui me distrait, me détourne de mon but qu'est la paix de l'âme. II – Aristote et les genres de vie Nous venons de voir que la conception que l'on forme du bonheur influe directement sur le rôle qu'autrui peut jouer vis-à-vis de celui-ci.

Or, il nous faut remarquer qu'Épicure envisage le bonheur de manière statique : le bonheur est un état, c'est l'absence de troubles dans l'âme, autrement dit l'ataraxie.

Contre cette idée, Aristote montre, dans l'Éthique à Nicomaque, que le bonheur réside dans une activité que l'on pratique pour elle-même.

Aristote en dénombre trois, qui sont autant de genres de vie : en effet, je peux 1° dédier ma vie aux plaisirs corporels (que je recherche pour eux-mêmes), 2° consacrer ma vie aux actions vertueuses ou 3° me livrer à la recherche de la vérité. Cependant, Aristote montre qu'aucun de ces genres de vie ne se suffit à lui-même ; il s'agit donc de les fondre en un seul genre de vie, qui intègrera, en les modifiant, leurs caractéristiques propres.

Aristote définit alors un nouveau genre de vie où le plaisir n'est plus lié au corps, mais aux actions belles et justes que nous accomplissons ; où les actions vertueuses ne sont plus uniquement le moyen de trouver la gloire, mais indique une excellence de caractère ; où la recherche de la vérité n'est plus une simple quête intellectuelle, mais un discernement quant aux actions justes à accomplir. Ainsi, le bonheur se trouve défini comme une activité qui dépend des autres, puisque je trouve le bonheur dans le plaisir que je prends à agir avec vertu, dans l'excellence de caractère que je dois cultiver, dans le discernement dont je fais preuve à agir bien.

De ce point de vue, le bonheur trouve un ancrage politique, c'est-àdire dans la Cité.

Il n'est plus un état que j'atteins dans l'isolement, mais une activité qui se développe au contact des autres hommes. III – Bonheur et politique Cependant, il semble que nous ayons répondu uniquement en négatif à notre question.

Nous avons découvert que le bonheur se construit dans une activité au sein de la Cité.

Mais est-ce à dire que les autres peuvent faire mon bonheur ? En fait, il faut que nous précisions encore ce que l'on entend par bonheur, au-delà de la distinction entre un état et une activité. En effet, l'expression « faire le bonheur de quelqu'un » est une expression courante.

On fait le bonheur de quelqu'un en lui offrant, par exemple, un cadeau.

De ce point de vue, autrui peut bien faire mon bonheur, mais il faut qu'il sache alors ce que je veux, il faut qu'il me connaisse et anticipe mes attentes.

Cependant, cette conception du bonheur est très restrictive, puisque la réflexion traditionnelle sur le bonheur l'envisage sous l'angle de la durée : le bonheur n'est pas quelque chose susceptible de se périmer (comme le cadeau que j'oublierai ou égarerai un jour), mais de durer.

Or, les biens matériels ne sont pas fait pour durer dans le temps. La réflexion sur le bonheur doit alors envisager « les autres », en eux-mêmes, comme ce qui peut (ou non) faire mon bonheur.

Il faut alors considérer autrui comme autrui (dans son altérité) et non comme l'ami qui peut m'offrir quelque chose.

De ce point de vue, nos remarques précédentes nous ont permis de montrer ce rapport privilégié avec autrui, notamment dans la sphère politique, c'est-à-dire au sein de la Cité. En d'autres termes, autrui n'est pas directement celui qui fait mon bonheur, au sens où il me donnerait quelque chose, mais il contribue à la « fabrication » de ce bonheur, en tant qu'il est l'autre qui vit avec moi, le concitoyen, qui m'incline à choisir un genre de vie tourné vers l'action juste.

Mais, dira-t-on, autrui peut venir à mourir, de même que les objets se disloquent. Certes, mais autrui ne doit pas être compris uniquement comme l'ami ou le proche, mais comme l'ensemble des protagonistes de la vie politique.

En somme, si les citoyens meurent, la Cité demeure et avec elle l'idéal de bonheur qui n'est rien d'autre que le souhait d'une vie bonne, dans une Cité juste.

Même si je perds mes amis, malgré la douleur, je ne perds pas l'idéal de bonheur que représente cette vie.

En cela, le bonheur peut s'avérer durable. Conclusion : Ainsi, le bonheur peut se concevoir comme un état que l'âme doit s'efforcer d'atteindre.

En ce sens, autrui n'a rien à faire avec mon bonheur et peut même l'empêcher. Cependant, le bonheur se conçoit aussi comme activité, c'est-à-dire qu'il prend en ce sens une tournure politique, axé sur la vie dans la Cité, parmi les autres hommes. De ce point de vue, le bonheur dépend des autres.

Mais dans quelle mesure en dépend-il ? Nous avons vu que les autres ne font pas directement mon bonheur, au sens courant de ce qu'il m'offre quelque chose, mais il participe à son élaboration en disposant les conditions d'une vie partagée, autour du souhait d'une vie bonne dans une Cité juste.. »

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