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Matière et mémoire - l'âme et le corps chez Bergson

Extrait du document

a) L'explication matérialiste de la mémoire, par des « traces » gravées dans le cerveau ( à la manière de Ribot), suppose, elle aussi, une confusion de la durée spirituelle avec l'espace matériel. Ce qu'on peut expliquer par le cerveau, c'est seulement la mémoire motrice, autrement dit l'habitude. Par exemple, je récite correctement un poème parce que des lectures répétées ont solidement lié entre eux les mots articulés qui correspondent à des mouvements neuro-musculaires. Mais, si je me souviens que j'ai lu pour la première fois ce poème au fond d'un jardin, sur un vieux banc vermoulu, voilà un souvenir image qui ne doit rien aux répétitions, qui n'a rien à voir avec le cerveau.

« LA PHILOSOPHIE DE BERGSON Vie et oeuvres. Né à Paris le 18 octobre 1859, Bergson fut au Lycée Condorcet un élève remarquable, en sciences comme en lettres, couronné au concours général pour le français et pour les mathématiques.

A cette époque déjà, comme à la nôtre, on poussait systématiquement les meilleurs élèves vers les sciences.

Mais Bergson refusa de préparer Polytechnique et se tourna vers Normale Supérieure Lettres où il entra en 1878 (il eut pour camarades de promotion Jaurès et Maurice Blondel). Agrégé de philosophie en 1881, il enseigne au Lycée d'Angers (1881-1883), puis de Clermont-Ferrand (1883-1888) où il prononce en 1885 un discours de distribution des prix sur la politesse.

En 1889 il soutient sa thèse les Données immédiates de la conscience, assez nouvelle pour surprendre ses juges qui ne lui donnent que la mention honorable. Il est encore professeur de Lycée, à Paris, lorsqu'il publie en 1897 Matière et Mémoire.

C'est à partir de ce moment qu'il accède aux honneurs et bientôt à la plus grande célébrité.

Nommé maître de conférences à l'École Normale Supérieure, puis en 1900 professeur au Collège de France (il y attire des auditoires mondains), il sera en 1901 à l'Académie des Sciences Morales, en 1918 à l'Académie française, en 1928 prix Nobel de Littérature.

Il a publié en 1900 Le Rire, en 19197 l'Évolution Créatrice, en 1922 des études sur les théories d'Einstein Durée et Simultanéité ; en 1932 Les Deux Sources de la Morale et de la Religion.

D'autre part, il réunit en volumes des articles et conférences dispersés, sous le titre l'Énergie Spirituelle (1919) et La Pensée et le Mouvant (1934). Conduit par l'évolution de sa pensée (en méditant sur les oeuvres des grands mystiques) au seuil du catholicisme, il refuse pourtant de se convertir, afin de manifester sa solidarité avec la communauté juive que les hitlériens commencent à persécuter.

Bergson meurt le 4 janvier 1941 en pleine occupation allemande.

Sa femme et sa fille, Paul Valéry représentant l'Académie Française et Édouard Le Roy, son successeur au Collège de France, se trouvaient presque seuls pour suivre sa dépouille. L'intuition fondamentale de Bergson. a) Bergson a dit lui-même dans son célèbre article sur l'intuition philosophique (qui se trouve dans la Pensée et le Mouvant) que tout vrai philosophe passe sa vie et son oeuvre à tenter d'exprimer une intuition fondamentale et unique qui est « quelque chose de simple, d'infiniment simple, de si extraordinairement simple qu'il ne parvient jamais à l'exposer adéquatement ! Cette intuition se manifesterait d'abord ( à l'instar du démon de Sôcrate) comma.

une critique de toutes les pensées qu'il refuse (Bergson parle d'une « puissance intuitive de négation »), mais elle a plus de peine à se formuler positivement (« le philosophe pourra varier dans ce qu'il affirme, il ne variera pas dans ce qu'il nie »). b) Quelle est donc l'intuition fondamentale qui nous donne la clef du bergsonisme ? C'est entre 1881 et 1883 que le jeune Henri Bergson, professeur de philosophie au Lycée d'Angers, devient bergsonien.

A cette époque, séduit par l'évolutionnisme mécaniste de Spencer, il songe à rédiger une thèse de philosophie des sciences et il médite sur les notions fondamentales de la science moderne.

Influencé par un évolutionniste, il est normal qu'il réfléchisse tout d'abord sur la notion de temps ! Et c'est alors qu'il fait une découverte capitale.

Ce que la science appelle le temps, n'est pas réellement le temps, n'est pas la durée concrète et vivante.

Au fond, on pourrait imaginer que le cours du temps s'accélère, que toutes les choses et tous les êtres vieillissent plus vite sans que la science ait à modifier aucune de ses lois.

La science nie la durée sans s'en apercevoir ! Quand le savant prétend mesurer le temps, en réalité c'est l'espace qu'il mesure, l'espace parcouru par un mobile en mouvement supposé uniforme.

Ainsi, quand je dis qu'il y a six fois dix minutes dans une heure, je parle de divisions dans l'espace, des portions de cercle parcourues par les aiguilles de la montre.

Ce temps homogène du physicien, calqué sur l'espace, n'est pas la durée psychologique telle que ma conscience l'éprouve.

Une heure d'horloge me paraît une durée interminable si j'écoute une conférence ennuyeuse, me semble passer comme l'éclair si je lis un roman passionnant.

Ma durée intérieure, bondissant au rythme de ma joie, alanguie au tempo de l'ennui, n'est pas homogène, n'est pas mesurable, n'est pas accessible aux prises de la science. c) L'intuition fondamentale de Bergson c'est la distinction radicale de l'espace et de la durée.

Les sciences de la matière sont les sciences de l'espace, et l'intelligence excelle à connaître l'espace.

En revanche l'intelligence se « caractérise par une incompréhension radicale de la vie », c'est-à-dire de la durée.

Pourquoi ce vice originel de l'intelligence ? Parce que l'intelligence s'est d'abord et très longtemps exercée sur le monde extérieur, sur la nature, sur l'espace.

L'homme pressé par les exigences de l'action fut d'abord pur « technicien » de la matière, homo faber. L'intelligence a pris, de ce long commerce avec la matière, des habitudes bien enracinées : l'habitude d'expliquer en divisant, en analysant, en mesurant.

La mesure liée à l'analyse de l'espace, (puisque mesurer c'est reporter une unité de longueur sur une longueur donnée), est l'acte essentiel des sciences de la matière.

Bergson critiquera violemment le scientisme, — c'est-à-dire l'illusion qui consiste à parler de la durée comme elle se réduisait à de l'espace — mais il ne critique pas la science.

Il pense même que la science, dans son domaine (qui est exclusivement l'espace) atteint la vérité absolue: «la science est la vraie métaphysique de la matière ». Seulement l'intelligence qui connaît l'absolu de l'espace ignore tout de la durée, de la vie.

L'intelligence, façonnée par l'action sur le monde extérieur, ne peut comprendre avec ses habitudes d'analyse, « le mouvant » indivisible, de toute vie, notamment de la vie intérieure, réalité concrète, fluide et continue.

Pour connaître le « mouvant », la vie, la durée, Bergson invoque l'intuition — terme qu'il prend toujours à partir de 1903 dans ce sens « bergsonien » : « une sorte de sympathie par laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec lui, en ce qu'il a d'unique et d'inexprimable ».

Tandis que l'intelligence peut connaître l'absolu de l'espace, l'intuition découvre l'absolu de la durée. d) D'où la distinction entre la science (intelligente) et la philosophie (intuitive) qui étudient l'une l'espace, l'autre la. »

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