Mathématiques et Vérité ?
Extrait du document
«
Le rapport mathématiques/vérité est complexe: il peut avoir plusieurs sens.
Les mathématiques peuvent être
considérées, par exemple comme un modèle de méthode pour la connaissance (les enchaînements) ou comme
donnant un modèle d'évidence (l'intuition), et donc comme la reine des sciences...
1) les mathématiques sont un modèle de cohérence...
En un sens, on peut dire que les mathématiques sont en effet le royaume de la vérité!
Mais que veut dire "vérité" ici?
Les mathématiques sont d'abord "toujours vraies" au sens où il n'y a pas de place pour le faux.
Lorsqu'un
mathématicien découvre une erreur dans ses démonstrations, c'est qu'il s'est trompé lui, en tant que homme, qu'il
n'a pas su suivre jusqu'où bout les règles de la déduction mathématique.
Les mathématiques en elles-mêmes sont
toujours vraies.
C'est peut-être pour cela que Spinoza a pu y voir un modèle d'évidence: "une autre norme de
vérité".
C'est qu'elles n'ont pas par exemple à retrouver quelque chose qui leur
préexiste: une définition est génétique, elle engendre une réalité (voir plus
haut, citations de Kant).
Dans les autres domaines que les mathématiques, le
faux tient à ce que "ce qui est dit" ne colle pas tout à fait avec "ce dont on
parle".
En mathématiques, ce n'est jamais possible: le discours semble être
toujours adéquat avec le réel, vu qu'il engendre ce réel.
Par ailleurs, les mathématiques sont un modèle de rigueur: rien n'est avancé
qui n'ait été rigoureusement prouvé.
La découverte de nouveaux théorèmes
ne fait que transmettre, tout au long de la déduction, l'évidence qui est celle
des définitions.
Voir la méthode de Descartes qui ne fait qu'appliquer ce
modèle mathématique.
Tout au long, la raison contrôle le raisonnement: rien
n'est avancé qui n'a été démontré.
2) ...
mais on ne peut pas parler de vérité au sens d'adéquation!
En fait, il y a deux sens possibles de "vérité".
Pour que ce qu'on dit soit vrai, il
faut que ce soit cohérent, qu'il n'y ait pas de contradiction.
Et les
mathématiques sont absolument vraies en ce sens.
Mais ce n'est qu'une
condition négative.
Il faut en plus que ce que je dis corresponde à l'état actuel des choses, qu'il y ait adéquation.
Et c'est là le plus
difficile!
Pour illustrer cette distinction: si je dis "il fait beau", pour que ce que je dis soit cohérent, il suffit que la grammaire
soit respectée dans la phrase.
Mais pour être réellement vraie, il faut en plus qu'à ce moment-là, il fasse
effectivement beau!
La vérité, telle qu'on l'entend au sens courant, c'est cela, l'adéquation du discours à la chose.
Or en mathématique, il ne peut jamais y avoir adéquation, pour la simple raison que le discours et la chose ne se
distinguent pas.
La seule vérité possible, en mathématiques, c'est la cohérence, la rigueur du raisonnement qui n'a
jamais besoin de se confronter à une réalité extérieure pour vérifier sa véracité.
Voir encore une fois l'exemple de la
définition plus haut: elle est d'avance vraie.
C'est pour cela que la formule de Spinoza est paradoxale: il propose comme modèle de l'adéquation, ce qui est une
simple cohérence!
Conclusion: les mathématiques sont donc bien le royaume de la vérité, une "autre norme de vérité", mais d'une part,
elles ont beau jeu à l'être (elles n'ont qu'à être cohérentes pour être vraies), et ce modèle de rigueur est
inapplicable tel quel dans le réel (où on veut plus que la simple cohérence: l'adéquation).
Enoncer une vérité
mathématique revient un peu à une tautologie, comme dans la phrase "je dis la vérité".
Cette phrase n'est ni vraie ni
fausse, elle manque simplement d'un référent pour être susceptible de vérité ou d'erreur.
3) que faire des mathématiques?
Est-ce que cela veut dire que les mathématiques sont inutiles, qu'elles ne sont pas le modèle de science qu'on
croit?
On pourrait dire qu'elles restent un modèle: c'est bien le royaume de la vérité, et elles proposent bien une "autre
norme de vérité", mais ce modèle reste un simple modèle idéal, il est inapplicable dans le monde réel.
La simple
cohérence n'est pas la vérité qu'il faut pour la connaissance de la nature, c'est une vérité vide qui demande encore
à être appliquée (en physique par exemple).
Pour la physique, la connaissance de la nature qui nous entoure, elles restent un auxiliaire irremplaçable.
La.
»
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