Marx: Production et idéologie
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«
Thème 476
Marx: Production et idéologie
1.
L'existence sociale de l'homme
L'homme, selon Marx (Contribution à la critique de l'économie politique), se distingue des
autres animaux par la production de ses propres moyens de subsistance.
À la base de
l'existence concrète de l'homme, il y a donc la production.
C'est pourquoi l'homme en
général, séparé, isolé, n'existe pas.
Il n'existe que socialement, c'est-à-dire dans une
société donnée, à un moment de l'histoire, et entretenant avec les autres hommes des
rapports qui sont le résultat de la place qu'il occupe dans la production.
2.
Contre le ciel des idées
C'est dire du même coup que sa conscience, c'est-à-dire ses idées, les représentations
qu'il se fait du monde et de lui-même, ne sont pas indépendantes de cette place qu'il occupe.
Elles sont, à leur tour, le
produit des conditions d'existence de l'homme.
Ce que Marx appelle idéologie (Idéologie allemande) désigne alors la
relation des idées et de la situation concrète de l'homme.
Ce qui apparaît comme l'oeuvre libre de l'esprit, des systèmes
philosophiques et religieux aux institutions politiques et juridiques, est en fait déterminé par l'organisation sociale.
Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer
(Marx).
En 1845, Marx écrit les « Thèses sur Feuerbach ».
La onzième précise que « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter
diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer ».
Contrairement à ce que prétend une interprétation
courante, il ne s’agit pas pour Marx de répudier la philosophie et le travail de réflexion, mais de le redéfinir, et de lui
donner une nouvelle place, une nouvelle tâche.
Marx ne récuse pas la pensée, mais sa transformation en idéologie, son
éloignement de la pratique.
La onzième thèse clôt la série de note rédigées par Marx en 1845 qui constitueront le point de départ de la rédaction,
avec la collaboration d’Engels, de l’ « Idéologie allemande » (1846).
Ces thèses, qui ne sont pas initialement destinées
à la publication, paraîtront après la mort de Marx à l’initiative de Engels, qui les présente comme un document d’une
valeur inappréciable puisque s’y trouve « déposé le germe génial de la nouvelle conception du mode ».
Etape décisive dans la maturation de la pensée de Marx, cet ensemble d’aphorismes, en dépit de son apparente
limpidité, ne peut être compris indépendamment de ce qui précède et de ce qui suit le moment de sa rédaction.
Nul
texte, en ce sens, ne se prête davantage au commentaire, alors même, paradoxalement, que cette onzième thèse
semble dénier toute légitimité à l’activité d’interpréter.
Formé à l’école de la philosophie allemande, lecteur de Hegel avant de devenir émule de Feuerbach (qui est un «
matérialiste » au sens des Lumières), Marx construit sa propre compréhension du monde en « réglant ses comptes
avec sa conception philosophique antérieure ».
Le terme de « philosophie » désigne ici la représentation théorique dominante à son époque, qui fait de la
transformation des idées la condition nécessaire et suffisante de la transformation du monde.
(Ce qui constitue une
vision « idéaliste » de l’histoire et des rapports de la théorie à la pratique.)
Brocardant ceux qui possèdent « la croyance en la domination des idées », Marx leur oppose l’affirmation que « les
représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent […] comme l’émanation directe de leur
comportement matériel ».
Là gît le fond du désaccord avec Feuerbach : si celui-ci affirme bien la nécessité de faire commencer la philosophie
avec et dans la « non-philosophie », dans la vie réelle, il réduit celle-ci à l’existence individuelle d’un homme pensé de
manière abstraite, coupé des rapports sociaux (et par suite restreint à sa dimension sensible).
L’opération critique effectuée ici par Marx consiste à redéfinir la réalité humaine.
Il s’agit de rejeter la thèse de
l’existence d’une nature humaine et de lui substituer l’analyse d’une réalité sociale complexe et structurée, où les
hommes édifient historiquement leur individualité en « produisant leurs conditions d’existence ».
Il s’agit donc de récuser une vue abstraite et éloignée du réel pour s’attacher à ce que sont les hommes concrets et
leur évolution historique.
La sixième thèse énonce que « L’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu pris à part, dans sa
réalité, c’est l’ensemble des rapports sociaux.
» Il ne s’agit aucunement, contrairement à ce que maintes lectures
hâtives ou prévenues affirment, de réduire l’individu aux rapports sociaux, mais d’affirmer que l’essence humaine n’a pas
la forme du sujet pensé par la psychologie.
Autrement dit, que la clé de la compréhension de la personnalité concrète ne se trouve pas dans la conscience
individuelle.
Mais, à l’inverse, celle-ci ne se détermine singulièrement que dans le cadre de rapports sociaux qui lui
préexistent et qui constituent de ce fait ses « présuppositions réelles », base de sa formation effective et point de
départ de son intelligence véritable.
On ne peut donc pas comprendre l’individu en l’isolant de la société dans laquelle il s’insère, travaille, etc.
Il faut au
contraire, pour saisir l’individu dans sa singularité, ne pas prendre pour base les illusions qu’il peut se faire sur lui-même,
en ce sens qu’il est victime des préjugés de son temps et que « les idées dominantes sont les idées de la classe.
»
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