Marx: L'homme est-il le seul à travailler ?
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PRESENTATION DU "CAPITAL" DE MARX
Ce livre inachevé a un destin paradoxal.
Seul le premier tome, consacré à la production, fut achevé et publié en 1867
du vivant de Marx (1818-1883), les deux autres consacrés à « la circulation » et au « procès d'ensemble » du capital,
fragmentaires, furent publiés par Engels de manière posthume.
Élaboration intellectuelle, dense et complexe, usant de
tous les styles d'écriture (ironique, polémique, théorique) et de tous les types de références, Le Capital est d'abord à
replacer dans le bouillon historique et culturel de son époque.
Il sera néanmoins, souvent pour des raisons politiques,
soit pour le défendre ou l'accabler, réduit à un ensemble de thèses faciles à saisir mais aussi à critiquer.
Dialoguant de
près avec l'économie politique classique anglaise, Marx construit ici l'ébauche d'une théorie de l'économie moderne
combinée à une théorie sociale et à une théorie des tendances historiques.
Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature.
L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle.
Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en
mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa
vie.
En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la
modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent.
Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail, où il n’a pas encore
dépouillé son mode purement instinctif.
Notre point de départ c’est le travail sous
une forme qui appartient exclusivement à l’homme.
Une araignée fait des
opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la
structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte.
Mais ce qui
distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est
qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans sa ruche.
Le
résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du
travailleur.
Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les
matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience,
qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté.
Marx.
L'idée centrale du texte est que le travail a un caractère formateur pour l'humanité.
En produisant ses conditions de
vie, l'homme se produit lui-même, il devient véritablement humain.
C'est pourquoi le travail est le propre de l'homme :
lorsqu'on le compare à l'activité animale, on s'aperçoit que le travail humain s'en distingue non par la qualité du produit
(les cellules de l'abeille sont parfaites), mais par la nature de l'activité elle-même : le travail est une transformation
consciente et volontaire de la nature ; il en résulte que le produit du travail est l'objectivation d'une intention humaine.
Marx souligne donc en ce texte deux choses : a) le travail est le propre de l'homme ; b) il permet à l'homme de réaliser
son humanité.
Le texte s'inscrit ainsi dans la perspective d'une valorisation du travail humain.
Le travail n'est pas
seulement de l'ordre de la nécessité biologique (il faut travailler pour vivre), mais une activité dans laquelle l'homme
construit son humanité.
La position de Marx s'oppose donc aux conceptions qui, dans la hiérarchisation des activités
humaines, font du travail une des moins nobles, une des plus « animales » et des moins « spirituelles » (Hannah Arendt
par exemple dans la philosophie contemporaine).
Mais Marx refuse aussi de voir dans la pénibilité du travail, qui épuise ou abrutit le travailleur, l'essence du travail
humain.
Il existe certes des formes d'organisation du travail qui empêchent l'homme de s'accomplir en travaillant plutôt
que de le permettre.
Mais sortir l'homme de l'aliénation où l'enferment certains travaux, ce n'est pas vouloir qu'il
travaille moins et qu'il augmente sa part de loisir ; c'est changer l'organisation sociale du travail de telle sorte qu'elle
corresponde à la nature véritable du travail humain.
Ce que défend ce texte:
Ce passage est extrait du livre I du Capital, dans lequel Marx étudie le développement de la société capitaliste.
Il s'agit
ici de montrer en quoi le travail est spécifiquement humain, c'est-à-dire propre à l'homme.
Marx caractérise d'abord le travail comme une action par laquelle l'homme donne forme utile à la matière.
Cette action
est une transformation par laquelle il « s'assimile » les matières naturelles, c'est-à-dire leur imprime sa marque en les
façonnant de telle sorte qu'elles répondent, sous forme d'objets, aux besoins de son corps.
À ce niveau, rien ne vient pourtant encore distinguer le travail de l'homme de celui des animaux et notamment des
insectes qui, eux aussi, comme l'araignée ou l'abeille, transforment la matière et lui impriment leur marque.
C'est pourquoi Marx doit préciser que cette définition donne simplement à l'homme le rôle d'une « puissance naturelle »,
au même titre que n'importe quel être vivant.
Cette définition est donc insuffisante et il s'agit de la dépasser si l'on
veut montrer que l'homme seul connaît la dimension authentique du travail.
La définition précédente ne ne nous livrait, en effet, qu'un « état primordial du travail » commun aux animaux et aux
hommes et convenant aussi bien aux opérations accomplies sous l'effet d'un pur instinct.
Ces dernières formes de travail sont primaires ou primordiales car elles développent une compétence purement aveugle,
liée à la « programmation » biologique des espèces.
L'insecte, en effet, ne se représente pas l'action qu'il a à accomplir
avant de l'effectuer, alors que l'homme possède la conscience du but qu'il cherche à réaliser et se représente en idée.
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