MALEBRANCHE: sens, imagination, esprit et connaissance
Extrait du document
«
MALEBRANCHE : LES SENS NOUS TROMPENT
Nous connaissons le monde grâce à nos sens.
Mais peut-on se fier à leur témoignage ? Non
répondent Malebranche et la tradition idéaliste et rationaliste, car les sens nous trompent,
doublement.
« Nos sens ne nous trompent pas seulement à l'égard de leurs objets, comme de la lumière,
des couleurs, et des autres qualités sensibles, ils nous séduisent même touchant les objets
qui ne sont point de leur ressort, en nous empêchant de les considérer avec assez
d'attention pour en porter un jugement solide.
[...] Pour bien concevoir cette vérité, il est
absolument nécessaire de savoir que les trois manières dont l'âme aperçoit, savoir par les
sens, par l'imagination et par l'esprit, ne la touchent pas toutes également, et que par
conséquent elle n'apporte pas une pareille attention à tout ce qu'elle aperçoit par leur moyen
; car elle s'applique beaucoup à ce qui la touche beaucoup, et elle est peu attentive à ce qui la touche peu.
Or ce
qu'elle aperçoit par les sens la touche et l'applique extrêmement, ce qu'elle connaît par l'imagination la touche
beaucoup moins ; mais ce que l'entendement lui représente, je veux dire ce qu'elle aperçoit par elle-même,
indépendamment des sens et de l'imagination, ne la réveille presque pas.
Personne ne peut douter que la plus petite
douleur des sens ne soit plus présente à l'esprit et ne le rendre plus attentif que la méditation d'une chose de
beaucoup plus grande conséquence.
La raison de ceci est que les sens représentent les objets comme présents, et
que l'imagination ne les représente que comme absents [...] Les sens appliquent donc extrêmement l'âme à ce qu'ils lui
représentent.
Or, comme elle est limitée et qu'elle ne peut nettement concevoir beaucoup de choses à la fois, elle ne
peut apercevoir nettement ce que l'entendement lui représente dans le même temps.
» MALEBRANCHE
ordre des idée
1) Thèse générale : nos sens nous trompent doublement
a) par les informations qu'ils nous donnent sur le monde (« à l'égard de leurs objets ») ;
b) par leur influence sur l'âme en l'empêchant de former des jugements corrects.
2) Explication de ce second fait
a) Un constat : l'âme s'applique plus aux données des sens qu'à celles de l'entendement car les objets des sens lui
sont donnés comme présents (ils ont pour elle une existence plus réelle que les images de l'imagination ou les idées de
l'entendement).
b) Or l'âme ne peut s'appliquer à beaucoup objets à la fois.
c) C'est pourquoi elle ne saisit pas ceux que la raison lui donne en même temps, et fait donc de mauvais jugements.
Introduction :
Cet extrait de La Recherche de la Vérité, chapitre XVIII, de Malebranche traite de la question de la sensation
ou plus exactement du rapport de fausseté des sens dans la recherche de la vérité.
Cependant, le point essentiel que
soulève Malebranche n’est pas tant que les sens soient en eux-mêmes sources de fausseté mais bien qu’ils entravent
encore la recherche de la vérité même sur les objets ou idées qui ne les concernent pas directement.
Ainsi les sens
sont une source de distraction pour l’aperception de l’idée et de la vérité de l’esprit.
Malebranche propose alors d’en
étudier et d’en saisir les raisons et les causes.
C’est ainsi, une fois n’est pas coutume, que le texte semble s’articuler
logiquement en quatre moments argumentatifs : les sens comme porteurs d’erreurs (1 ère partie : du début du texte à
« en nous empêchant de les considérer avec assez d'attention pour en porter un jugement solide », la tripartition de
l’aperception (2nd partie de « Pour bien concevoir cette vérité » à « et elle est peu attentive à ce qui la touche peu »,
la puissance de la sensation (3ème partie : de « Or ce qu'elle aperçoit par les sens la touche et l'applique
extrêmement » à « et ne le rendre plus attentif que la méditation d'une chose de beaucoup plus grande
conséquence ») ; enfin, la raison de cette puissance et sa relation à la finitude humaine (4ème partie : de « La raison
de ceci est que les sens représentent les objets comme présents » à la fin du texte).
C’est suivant ces quatre
moments que nous entendons rendre compte du texte.
I – Les sens porteurs d’erreur.
»
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