Malebranche: La raison est-elle universelle ?
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Le plus souvent, avoir raison, c'est s'imaginer que l'on dispose d'une opinion certaine ou que l'on peut l'imposer par la
persuasion ou la force : " avoir le dernier mot ".
Mais une telle conviction apparaît vite comme peu solide et nous
conduit au relativisme : chacun a raison s'il croit avoir raison.
D'où la tentation de chercher dans la sensation un
critère plus fiable de la vérité.
Hélas la sensibilité ne nous permet pas davantage d'échapper au relativisme.
En tout
ceci, la raison risque de prendre l'apparence d'une opinion parmi d'autres.
Toutefois, comme en science, l'idée de
prouver ou de démontrer peut nous sauver de l'incertitude, bien que là encore le vrai puisse souvent devenir faux.
On peut penser que la raison laisse échapper tout un domaine de la vie humaine : celui de la conscience esthétique, et
plus généralement la vie affective et les sentiments.
D'autre part la raison est conditionnée par divers éléments
culturels et éducatifs qu'elle ne sait plus interroger.
Mais peut-elle faire l'économie de l'acceptation, de la confiance a
priori, de l'acte de foi, et tout remettre en question ? La raison peut toutefois s'efforcer de mettre sous son pouvoir,
sous sa juridiction, les autres facettes du psychisme.
La question reste de savoir si une maîtrise rationnelle constitue
pour l'homme un asservissement ou une libération.
Une telle prétention est-elle bien raisonnable ?
La raison apparaît comme une exigence, qui, comme telle, implique des obligations.
Ce qui n'autorise pas à assimiler à la
raison toutes les contraintes.
Ainsi, certaines règles morales ou sociales ne sont pas forcément rationnelles, bien
qu'elles prétendent à l'universalité, de manière plus ou moins justifiée.
La démonstration et l'argumentation restent les
meilleures garanties d'une validité de la raison.
Reste à savoir si l'on peut postuler une raison universelle ou pas.
Parallèlement, les données sensibles s'imposent souvent à nous sans nous laisser plus de choix.
Par ailleurs, elles ne
nous prémunissent pas contre l'erreur, de sorte qu'elles ne peuvent, seules, nous satisfaire.
En ce sens, la distinction
entre raison et sensible permet une mise à l'épreuve permanente et mutuelle des deux facultés.
Qu'il soit question d'un exemple ou d'une idée, il s'agit de raisonner, d'approfondir pour COMPRENDRE / EXPLIQUER et
justifier nos pensées.
Toutefois la raison ne semble pas nous mettre à l'abri des contradictions.
Celles-ci proviennentelles des choses, ou serait-ce la raison elle-même qui les introduit en elles ? La raison contredit-elle les données de la
sensation ou se contredit-elle elle-même ? Le cas par cas du sensible doit-il primer sur l'universalité de la raison ? Si la
raison semble fiable en géométrie, est-elle valable dans tous les domaines ? Sur ces dilemmes repose le conflit entre
pratique et théorie.
Mais même si c'était la pensée seule qui était contradictoire, faudrait-il pour autant renoncer à
raisonner ?
La fonction de la raison ne se limite pas à son pouvoir de connaissance, elle a aussi un usage pratique, c'est-à-dire
qu'elle énonce également des règles de conduite, valables pour l'action.
On l'oppose à la sensibilité, mais cette dernière
nous fournit aussi des éléments utilisables pour régir nos comportements.
Des jugements sont portés, fondés sur des
rapports établis par la raison ou l'expérience, qui déterminent entre autres le bien et le mal, le vrai et le faux.
La raison
intervient également dans le domaine esthétique : elle se combine avec la sensation pour constituer notre expérience
de la beauté.
Mais si la raison est présente dans le monde, si elle en est la cohérence, mieux vaut se méfier de son
apparente toute-puissance.
Pour cela il s'agit de mieux la connaître et de la mettre en oeuvre.
alebranche: Il n'y a personne qui ne convienne que tous les hommes sont capables de connaître la vérité ; et
les philosophes même les moins éclairés, demeurent d'accord que l'homme participe à une certaine Raison qu'ils ne
déterminent pas.
C'est pourquoi ils le définissent animal RATIONIS particeps : car il n'y a personne qui ne sache du
moins confusément, que la différence essentielle de l'homme consiste dans l'union nécessaire qu'il a avec la Raison
universelle, quoiqu'on ne sache pas ordinairement quel est celui qui renferme cette Raison, et qu'on se mette fort peu
en peine de le découvrir.
Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis
certain qu'il n'y a point d'homme qui ne le puisse voir aussi bien que moi.
Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit
des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien.
Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle
qui m'éclaire et tout ce qu'il y a d'intelligences.
Car si la raison que je consulte n'était pas la même que celle qui répond
aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes
vérités que je vois.
Ainsi la Raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une Raison
universelle.
Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme
passionné.
Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des
raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur.
Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas
raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la Raison universelle que tous les
hommes consultent.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Que veut montrer Malebranche à travers l'exemple des Chinois ?
2 Le mot « raison » a-t-il le même sens lorsque l'on parle d'être raisonnable ou d'avoir ses raisons ?
3 Qu'est-ce qui permet de différencier formellement la raison et les passions ?.
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