Machine et organisme
Publié le 15/03/2023
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«
1
Suite de « Machine et organisme » – I.
MACHINE ET ORGANISME
I.
IDENTITÉ DE LA MACHINE ET DE L’ORGANISME.
A.
L’ORGANISME EST
INTÉGRALEMENT MACHINIQUE, CÀD, MÉCANIQUE
1) Mécanisme ≠finalisme
a) Définition du mécanisme :
b) Définition du finalisme :
2) Mécanique ≠ psychique
3) Mécanique veut dire agi, mais pas actif
B.
THÉORIE DU CORPS MACHINE
1) Contre la distinction de l’animé et de l’inanimé
a) La distinction de la matière animée et de la matière inanimée est un principe
fondamental de la philosophie aristotélicienne :
Certes, les objets inanimés et les êtres vivants sont constitués par les mêmes éléments naturels (la
même matière).
Cependant, il faut bien admettre que les êtres vivants et les êtres inanimés sont fondamentalement
distincts : les seconds ne sont pas mus par eux-mêmes.
Leur mouvement dépend d’un moteur
externe.
Au contraire, les êtres vivants possèdent en eux-mêmes le principe de leur mouvement,
lequel principe est leur âme :
« Nous posons donc, comme point de départ de notre enquête, que l’animé diffère de
l’inanimé par la vie.
Or le terme « vie » reçoit plusieurs acceptations, et il suffit qu’une
seule d’entre elles se trouve réalisée dans un sujet pour que nous disions qu’il vit : que ce
soit, par exemple, l’intellect, la sensation, le mouvement et le repos selon le lieu, ou
encore le mouvement de nutrition, le décroissement et l’accroissement.
C’est aussi
pourquoi tous les végétaux semblent bien avoir la vie, car il apparaît, en fait, qu’ils ont en
eux-mêmes une faculté et un principe tel que, grâce à lui, ils reçoivent accroissement et
décroissement selon des directions locales contraires.
En effet, ce n’est pas seulement vers le
bas qu’ils s’accroissent, à l’exclusion du haut, mais c’est pareillement dans ces deux
directions ; ils se développent ainsi progressivement de tous côtés et continuent à vivre aussi
longtemps qu’ils sont capables d’absorber la nourriture.
Cette faculté peut être séparée des
autres, bien que les autres ne puissent l’être d’elle, chez les êtres mortels du moins.
Le fait est
manifeste dans les végétaux, car aucune des autres facultés de l’âme ne leur appartient (…)
2
Suite de « Machine et organisme » – I.
Pour l’instant, contentons-nous de dire que l’âme est le principe des fonctions que nous
avons indiquées1 et qu’elle est définie par elles, savoir par les facultés motrice, sensitive,
dianoétique2, et par le mouvement ».Aristote, De l’âme, II, 2.
Ed Vrin, p.73- 76
« Or, si cela3 c’est l’âme, ou une partie de l’âme, ou, au moins, ce qui n’existe pas sans âme,
(l’âme disparue il n’y a plus d’animal et aucune des parties ne demeure la même4, sinon seulement
par la configuration extérieure, comme ceux qui, dans la légende ont été changés en pierres), s’il
en est ainsi, il appartiendra au naturaliste de parler de l’âme et d’en avoir la science , et sinon
de toute âme , du moins de ce qui fait l’animal ce qu’il est ; le naturaliste doit connaître ce qu’est
l’âme ou cette partie spéciale de l’âme et tout ce qui accompagne son essence, d’autant plus que
la nature se dit en deux sens : la matière et la substance.
C’est cette dernière qui joue le rôle de
moteur5 et de fin.
C’est cela qu’est l’âme de l’animal, ou toute entière ou une partie d’elle-même.
Ainsi il faut dans l’étude de la nature, insister davantage sur l’âme que sur la matière, dans la
mesure précisément selon laquelle c’est plutôt par l’âme que la matière est nature6, que l’inverse.
»
Aristote, Partie des animaux, I, Ch1, p.43
b) L’idée que le corps est une machine repose sur l’idée qu’il n’y a qu’une seule et même
matière (res extensa ≠ res cogitans ) entièrement soumise partout et toujours aux mêmes
lois universelles du mécanisme.
Pour les aristotéliciens, la matière animée diffère de l’inanimée par la vie.
Pour les cartésiens, cette croyance est fausse : la matière est une.
La matière est une
substance étendue en longueur, largeur et profondeur.
Les propriétés de la matière
peuvent être connus distinctement par la raison :
Descartes, Principes de la philosophie, II-22 +
« Il n’y a donc qu’une seule matière en tout l’univers, et nous la connaissons par cela seule
qu’elle est étendue ; pource que toutes les propriétés que nous apercevons distinctement en
elle se rapportent à ce qu’elle peut être divisée et mue selon ses parties, et qu’elle peut
recevoir toutes les diverses dispositions que nous remarquons pouvoir arriver par le
mouvement de ses parties.
» Descartes, Principes de la philosophie, II-23
c) L’idée que le corps est une machine repose sur l’affirmation que les mouvements des
corps animés s’expliquent entièrement par les mêmes causes mécaniques que celles qui
expliquent ceux des êtres inanimés et des artefacts et plus du tout à partir de l’idée d’âme
(qui ne possède plus aucune fonction biologique.
L’âme est pensée = sensation, sentiment,
volonté, abstraction …).
Donc, la biologie se résume à la physique (mécanique) :
1
L’âme est donc principe des fonctions vitales.
Sans elle, le corps est voué à l’inertie et à la mort (le corps n’est donc pas
autonome mais subordonné à un principe d’animation dont le retrait équivaut à la mort.)
2
L’homme se distingue des animaux car il est pourvu de l’intellect et dispose d’une faculté dianoétique.
L’intellect par
lequel l’âme humaine pense n’est pas mêlé au corps.
3
Cela, c’est – à dire ce qu’est l’animal, la forme de l’animal (qui est irréductible à la configuration extérieure)
4
L’homme mort peut avoir la configuration de l’homme vivant, mais il n’est plus un homme car lui manque l’exercice des
fonctions du vivant
5
L’âme est moteur et fin, tous deux intérieurs à l’animal.
Moteur, principe intérieur du mouvement; fin, en tant qu’il s’agit
de la forme parfaite, adulte et pleinement épanouie vers laquelle tend la croissance
6
L’âme est nature, immanence et spontanéité de la vie.
Sa connaissance doit être la préoccupation souveraine du naturaliste,
faute de quoi il ne connaît que des machines
3
Suite de « Machine et organisme » – I.
« Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une statue ou machine de terre, que Dieu
forme tout exprès pour la rendre la plus semblable à nous qu’il est possible : en sorte que, non
seulement, il lui donne au dehors la couleur et la figure de tous nos membres, mais aussi qu’il
met au-dedans toutes les pièces qui sont requises pour faire qu’elle marche, qu’elle
mange, qu’elle respire, et enfin qu’elle imite toutes celles de nos fonctions qui peuvent être
imaginées procéder de la matière , et ne dépendre que de la disposition des organes.
Nous
voyons des horloges, des fontaines artificielles, des moulins, et autres semblables
machines, qui n’étant faites que par des hommes, ne laissent pas d’avoir la force de se
mouvoir d’elles-mêmes en plusieurs diverses façons ; et il me semble que je ne saurais
imaginer tant de sortes de mouvements en celles-ci , que je suppose être faite des mains de
Dieu, ni lui attribuer tant d’artifice , que vous n’ayez sujet de penser, qu’il y en put avoir
encore davantage.
» Descartes, L’homme, XI
►Descartes est tributaire des formes de la technique à son époque : horloges, montres,
moulins à eau, fontaines ..
Pour Descartes, le vivant n’est donc qu’un automate mécanique.
Étymologiquement, un
automate est ce qui a en soi le principe de son mouvement (ses propres lois de
transformation :
une
autonomie).
Descartes
« désanime» donc
l’automate
et
le
« physicalise ».
Les parties de l’automate fonctionnent selon les seules lois de la mécanique,
ce qui rend le vivant absolument comparable à une machine.
Ainsi, l’être vivant est-il une
sorte de machine mécanique, comparable à une montre ou une horloge : tout ce qui est
naturel fonctionne comme un artefact.
Les âmes sensitive et végétative de la biologie aristotélicienne disparaissent donc et sont
remplacées par le seul jeu mécanique de la matière.
C’est ainsi que se conclut le Traité de
l’homme :
« je désire, dis-je, que vous considériez que ces fonctions suivent toutes naturellement, en
cette machine, de la seule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les
mouvements d’une horloge, ou autre automate, de celles de ses contrepoids et de ses
roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre âme
végétative, ni sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie, que son sang et ses
esprits, agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son cœur, et qui n’est pas
d’une autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés .
»
2) Le corps-machine est une machine naturelle qui ne se distingue des machines
artificielles que par la subtilité de ses mécanismes
a) Tout ce qui est naturel est artificiel et réciproquement
Descartes, Principes de la philosophie, Partie IV, §203 :
« Car je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps
que la....
»
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