Ma perception est-elle une somme de sensations ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
Perception: Du latin percipere, saisir par les sens, recueillir, comprendre.
Faculté par laquelle le moi se forme, à
partir de ses sensations, une représentation unifiée des objets extérieurs à lui.
La perception désigne couramment le moyen par lequel nous avons accès aux choses du monde.
Montrez ainsi
que la perception est d'abord passive dans la mesure où elle consiste en quelque sorte à recevoir les choses d'un
monde qui est toujours déjà là.
Ainsi, par mes cinq sens, j'acquiers peu à peu des données (qui ne sont autres que
mes sensations) sur ce monde qui m'entoure.
Demandez-vous alors si on peut ainsi réduire ma perception à une
somme de sensations : ne serait-ce pas réduire les objets à une somme de qualités sensibles.
Demandez-vous alors
si la décomposition de la perception en sensations ne revient pas à quantifier la perception : y aurait-il par exemple
un sens à dire qu'un aveugle perçoit moins le réel que moi puisque sa somme de sensations est moindre ? Montrez
ainsi que la perception doit plutôt se penser comme un acte (et donc avant comme une unité et non comme une
somme), l'acte d'un sujet : c'est en ce sens qu'il faut ainsi plutôt parler de ma perception.
Demandez-vous alors
pour finir si un tel point de vue ne risque d'amener à penser que nous ne percevons pas le même réel, que le réel
n'est pas le même pour tous.
Voilà les premières indications que nous pouvons vous donner en espérant qu'elles
vous seront utiles.
1.
La perception comme passivité
La perception semble désigner d'abord le fait de recevoir passivement dans notre esprit des faits extérieurs par le
biais des sens, mais également des faits intérieurs par la conscience.
La perception est, en ce sens, synonyme de
sensation.
"Toute impression simple s'accompagne d'une idée correspondante et toute
idée simple d'une impression correspondante.
De cette conjonction constante
des perceptions semblables, je conclus immédiatement qu'il y a une grande
connexion entre nos impressions et nos idées correspondantes et que
l'existence des unes exerce une influence considérable sur l'existence des
autres.
Une telle conjonction constante, dans un nombre aussi illimité de cas,
ne peut jamais naître du hasard ; mais elle montre clairement qu'il y a une
dépendance des impressions par rapport aux idées ou des idées par rapport
aux impressions.
Pour savoir de quel côté se trouve cette dépendance,
j'envisage l'ordre de première apparition ; et je trouve, par expérience
constante, que les impressions simples précèdent toujours les idées
correspondantes et que l'ordre inverse ne se produit jamais.
Pour donner à un
enfant l'idée de l'écarlate ou de l'orange, du doux ou de l'amer, je lui présente
les objets, ou, en d'autres termes, je lui communique ces impressions ; mais
je ne procède pas assez absurdement pour tenter de produire les impressions
en éveillant les idées.
Nos idées, à leur apparition, ne produisent pas les
impressions correspondantes et nous ne percevons aucune couleur, ni ne
ressentons aucune sensation à seulement y penser.
D'autre part nous
trouverons qu'une impression, qu'elle soit de l'esprit ou du corps, est
constamment suivie d'une idée qui lui ressemble et qui en diffère seulement
par le degré de force et de vivacité.
La constante conjonction de nos
perceptions semblables est une preuve convaincante que les unes sont
causes des autres ; et la priorité des impressions est une preuve tout aussi grande que nos impressions sont les
causes de nos idées et non nos idées les causes de nos impressions." HUME
2.
La perception comme jugement
La sensation est définie comme une donnée élémentaire des sens.
La perception désigne, quant à elle, l'acte par
lequel nous organisons nos sensations en une unité.
Lorsque je me penche à ma fenêtre pour regarder le spectacle
de la rue, je dis que je vois passer des hommes.
Or, « que vois-je sinon des chapeaux et des vêtements, sous
lesquels pourraient se cacher des automates ? », écrit Descartes dans sa seconde méditation (Méditations
métaphysiques).
Nous voyons des chapeaux et jugeons cependant que ce sont des hommes, et ainsi, ce que nous
croyons voir par l'oeil, c'est par la seule faculté de juger que nous le comprenons.
Si la perception est une
construction faite à partir de données originaires, c'est parce qu'elle constitue déjà un jugement, au-delà de la
stricte sensation.
On croit naïvement que la perception est la réception passive d'une réalité extérieure, que percevoir c'est sentir.
Mais en réalité, tout est jugement dans la perception.
Par exemple, je ne sens jamais un dé cubique : « Je touche
successivement des arêtes, dit Alain, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en
un seul objet, je juge que cet objet est cubique.
» La perception de l'objet est donc « une opération de
l'entendement, dont les sens fournissent seulement la matière.
» Bref, « l'objet est pensé et non pas senti ».
Alain prolonge les analyses de Descartes (la perception est une « inspection de l'esprit ») et de Kant
(l'entendement, qui est le pouvoir de juger, relie les sensations par ses catégories ).
Par son intellectualisme (primat
du jugement sur la sensation), Descartes s'oppose à l'empirisme (toutes nos idées et nos connaissances dérivent de
la sensation).
3.
Percevoir, c'est unifier.
La perception n'est pas d'une somme de sensations.
»
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