L'unanimité est-elle un critère de vérité ?
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«
L'homme est en quête de vérité.
Mais comment savoir si la vérité est bien au rendez-vous ? Le fait que tout le monde soit d'accord garantit-il la vérité d'une
proposition ? Et, à l'inverse, si un seul individu pense quelque chose (exemple de Galilée), cela signifie-t-il nécessairement qu'il a tort ? Doit-on admettre le
relativisme de la vérité : "à chacun sa vérité" ? Il faut trouver un critère de vérité.
On a avancé celui de l'évidence.
Mais il y a de fausses évidences, et
l'esprit particulier et subjectif que je suis peut s'y laisser prendre.
Ne faudrait-il pas alors prendre pour critère de vérité l'unanimité des esprits, qui
garantirait davantage de l'erreur que la simple évidence de l'esprit individuel ? Est-ce que la conformité de toutes les opinions entre elles suffit à dire que
celles-ci sont conformes avec le réel (puisque l'on peut définir la vérité comme adéquation de mon jugement avec ce qui est, avec le réel) ? L'unanimité, si
elle est un critère nécessaire, n'est peut-être pas un critère suffisant : peut-elle fonder la vérité ? N'est-il pas dangereux de fonder la vérité sur l'unanimité
?
L'homme est en quête de vérité.
Mais comment savoir si la vérité est bien au rendez-vous ? Le fait que tout le monde soit d'accord garantit-il la vérité d'une
proposition ? Et, à l'inverse, si un seul individu pense quelque chose (exemple de Galilée), cela signifie-t-il nécessairement qu'il a tort ? Doit-on admettre le
relativisme de la vérité : "à chacun sa vérité" ? Il faut trouver un critère de vérité.
On a avancé celui de l'évidence.
Mais il y a de fausses évidences, et
l'esprit particulier et subjectif que je suis peut s'y laisser prendre.
Ne faudrait-il pas alors prendre pour critère de vérité l'unanimité des esprits, qui
garantirait davantage de l'erreur que la simple évidence de l'esprit individuel ? Est-ce que la conformité de toutes les opinions entre elles suffit à dire que
celles-ci sont conformes avec le réel (puisque l'on peut définir la vérité comme adéquation de mon jugement avec ce qui est, avec le réel) ? L'unanimité, si
elle est un critère nécessaire, n'est peut-être pas un critère suffisant : peut-elle fonder la vérité ? N'est-il pas dangereux de fonder la vérité sur l'unanimité
?
[Seul l'accord entre tous les esprits permet à l'homme de distinguer avec certitude le vrai du faux.]
L'unanimité fonde l'idée même de vérité
Il suffit que j'identifie tel objet comme étant Un «chien», alors qu'autrui certifie qu'il ne voit aucun objet, ou bien encore que l'objet qu'il voit est un
lapin, pour que ma raison se mette à vaciller.
La seule garantie que j'aie de porter un jugement vrai sur la réalité m'est fournie par autrui.
Si les autres
s'accordent tous à dire que l'eau bout à 100 degrés ou que le ciel est bleu, je peux être assuré de la véracité de ma perception.
Celle-ci n'est pas
trompeuse puisqu'elle est corroborée par tous.
En effet, que serait une vérité que je serais le seul à partager ? Si la vérité est en droit universelle, elle
se doit d'être en fait partagée de tous.
Les dangers du relativisme
« L'homme est la mesure de toute choses » formule qu'Anatole France interprétait ainsi : « L'homme ne connaîtra de l'univers que ce qui s'humanisera
pour entrer en lui, il ne connaîtra jamais que l'humanité des choses.
» Toute affirmation sur l'univers est relative à celui qui affirme.
Socrate résume la
thèse de Protagoras : « N'arrive-t-il pas parfois qu'au souffle du même vent l'un de nous frissonne et non l'autre ? Or que dirons-nous alors de ce
souffle de vent envisagé tout seul et par rapport à lui-même ? Qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid ? Ou bien en croirons-nous Protagoras : qu'il est
froid pour qui frisonne et ne l'est pas pour qui ne frisonne pas ? » (« Théétète », 152b).
L'affirmation sur un même objet diffère non seulement d'un
individu à un autre mais chez le même individu selon les moments (le monde ne m'apparaît pas de la même façon quand je suis gai ou triste) et même
selon les perspectives d'observation (une tour vue carrée de près paraît ronde de loin).
Pour les sceptiques il n'y a pas de vérités objectives mais
seulement des opinions subjectives toutes différentes.
Que faut-il penser du scepticisme ? A l'exemple de ceux qui « prouvaient le mouvement en marchant » nous pourrions alléguer le fait que la science
moderne a réfuté le scepticisme en affirmant des « vérités » qui font aujourd'hui l'accord de tous les esprits compétents.
Mais plus fondamentalement
on peut remarquer que le scepticisme se contredit en s'énonçant : car il se donne pour la vraie théorie de la connaissance.
Poser comme vérité que la
vérité est inaccessible, c'est au moins reconnaître une vérité et par là démentir sa propre thèse.
Toute pensée qui s'énonce vise une vérité, se
reconnaît faite pour la Vérité, et tend à poser implicitement sa propre valeur.
Le sophiste Protagoras, écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement
contraires, et il usa de cette méthode ».
Selon Protagoras, « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne
sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain universel, semblable en un
sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sens individuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité
même » (Aristote, « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent pour moi ;
telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon, « Théétète », 152,a).
Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? A ffirmer l'égale vérité des opinions individuelles portant sur un même objet
et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » (Aristote).
C'est donc contredire le
fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et
n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport ».
Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné et donc
non démontrable.
En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un tel principe supposerait implicitement le
rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il était sensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ;
et d'autre part, réclamer la démonstration de toute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance »,
puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».
C'est dire qu' « il est absolument impossible de
tout démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de contradiction, une démonstration qui le fonderait, au
sens fort du terme.
Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas,
pourvu que l'adversaire dise seulement quelque chose ».
Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une signification
déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.
Or, précisément, affirmer l'identique vérité de propositions contradictoires, c'est
renoncer au langage.
Si dire « ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.
Le négateur du principe de contradiction semble
parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».
En
niant ce principe, il nie corrélativement sa propre négation ; il rend identiques non pas seulement les opposés, mais toutes choses, et les sons
qu'il émet, n'ayant plus de sens définis, ne sont que des bruits.
« Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à un végétal."
Si la négation du principe de contradiction ruine la possibilité de toute communication par le langage, elle détruit aussi corrélativement la
stabilité des choses, des êtres singuliers.
Si le blanc est aussi non-blanc, l'homme non-homme, alors il n'existe plus aucune différence entre les
êtres ; toutes choses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».
A ucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une
nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » (Platon).
La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras, nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis
par l'idée de vérité.
Celle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une nature définie ; et c'est cette stabilité ontologique qui fonde en
définitive le principe de contradiction dans la sphère de la pensée.
C'est donc l'être qui est mesure et condition du vrai, et non l'opinion
singulière.
« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en
disant que tu l'es nous disons la vérité » (Aristote).
Puisque, s'il est vrai que tout est vrai, le contraire de cette affirmation ne saurait être faux, le relativisme trouve sa vérité dans le scepticisme.
Dire que tout est vrai, c'est dire tout aussi bien que tout est incertain et que rien ne peut être dit vrai.
Il apparaît que le scepticisme comme le relativisme est une position intenable.
Dès qu'il se dit il se contredit..
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