l'opinion est-elle un obstacle a la connaissance de soi ?
Extrait du document
«
Introduction :
L'opinion est une connaissance vague qui se distingue généralement de la science.
L'opinion porte donc une
interrogation sur le critère de vérité que l'on pourrait avoir sur soi.
En effet, nous opposons souvent la connaissance
acquise par la science et le raisonnement ayant une valeur sûre et l'opinion qui ne constitue pas une connaissance
rationnelle vérifiable.
Dès lors l'opinion serait le jouet de l'imagination, des passions.
Du point de vue de la
connaissance de soi alors l'opinion ferait place à l'orgueil etc.
L'opinion serait donc peu fiable et c'est en ce sens que
l'on pourrait la considérer comme un obstacle dans la mesure où elle serait une réticence à un regard objectif sur
soi.
Mais plus radicalement faut-il alors s'interroger sur la possibilité d'une telle connaissance.
En effet, comment
l'obtenir.
C'est à l'aune de ces interrogations que l'on traitera du sujet : « l'opinion est-elle un obstacle à la
connaissance de soi ? »
Si l'opinion peut apparaître comme un obstacle (1ère partie), faut-il s'interroger sur son statut
épistémologique (2nd partie) et chercher une solution au risque de rendre cette connaissance impossible (3ème
partie).
I – Opinion, imagination et orgueil
a) Aristote dans le De l'âme nous propose une définition de l'opinion par l'intermédiaire de l'imagination : « Reste
donc à voir si elle est l'opinion puisque l'opinion peut être vraie ou fausse.
[…] Il est clair, alors, que l'imagination ne
saurait être l'opinion jointe à la sensation, ni une combinaison d'opinion et se sensation.
» L'imagination n'est pas
l'opinion car le vrai et le faux viennent d'un jugement et ce dernier est soit vrai soit faux tandis que dans
l'imagination la frontière vrai-faux est incertaine.
La caractérisation de l'opinion est alors manifeste : elle est ou
vraie et fausse, tandis que l'imagination est dans un entre-deux.
Dès lors faut-il remarquer le lien qu'il y a entre
l'opinion et l'imagination.
b) Si l'opinion peut être essentiellement fausse lorsqu'on l'associe à la connaissance de soi c'est parce qu'elle
suppose le jeu des passions et le grossissement du moi qu'est l'orgueil comme on peut le voir chez Hume dans le
Traité de la nature humaine : « Il est évident que l'orgueil et l'humilité, quoique directement contraires, ont
pourtant le même OBJET.
Cet objet est le moi, cette succession d'idées et d'impressions reliées dont nous avons
une mémoire et une conscience intimes.
C'est sur lui que la vue se fixe toujours quand nous sommes mus par l'une
ou l'autre de ces passions.
Selon que notre idée de nous-mêmes est plus ou moins avantageuse, nous ressentons
l'une ou l'autre de ces affections opposées et nous sommes exaltés par l'orgueil ou abattus par l'humilité.
Quels que
soient les autres objets que l'esprit puisse comprendre, ils sont toujours considérés avec une vue de nous-mêmes ;
autrement, ils ne seraient jamais capables soit d'exciter ces passions, soit d'en produire le moindre accroissement ou
la moindre diminution.
Quand le moi n'entre pas en considération, il n'y a place ni pour l'orgueil, ni pour l'humilité.
Mais, bien que cette succession de perceptions en connexion, que nous appelons moi, soit toujours l'objet de ces
deux passions, il est impossible qu'elle soit leur CAUSE ou soit seule suffisante pour les exciter ».
c) Et c'est en ce que l'on peut comprendre que pour Pascal dans les Pensées, le moi soit haïssable : « Le moi est
haïssable.
Ainsi ceux qui ne l'ôtent pas, et qui se contentent seulement de le couvrir, sont toujours haïssables.
Point
du tout, direz vous ; car en agissant comme nous faisons obligeamment pour tout le monde, on n'a pas sujet de
nous haïr.
Cela est vrai, si on ne haïssait dans le moi que le déplaisir qui nous en revient.
Mais si je le hais, parce
qu'il est injuste, et qu'il se fait centre de tout, je le haïrai toujours.
En un mot le moi a deux qualités ; il est injuste
en soi, en ce qu'il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il le veut asservir ; car chaque
moi est l'ennemi, et voudrait être le tyran de tous les autres.
Vous en ôtez l'incommodité, mais non pas l'injustice ;
et ainsi vous ne le rendez pas aimable à ceux qui en haïssent l'injustice : vous ne le rendez aimable qu'aux injustes,
qui n'y trouvent plus leur ennemi ; et ainsi vous demeurez injuste, et ne pouvez plaire qu'aux injustes ».
La
connaissance de soi est le fruit de l'imagination ; de reine de l'illusion et de la fausseté qui n'est cependant ni
absolument marque du vrai, ni absolument marque du faux.
Transition :
Dès lors, puisque l'opinion a partie liée avec l'opinion, il semble difficile de pouvoir obtenir une véritable connaissance
de soi qui puisse avoir une valeur de vérité.
La question porte donc ici sur la valeur épistémologique et cognitive,
c'est-à-dire sa fécondité scientifique de l'opinion.
II – Valeur de l'opinion et connaissance
a) Mais comme le note Platon : l'opinion est en effet soumise à la séduction du discours, à la rhétorique comme on
peut le voir dans le Gorgias.
L'opinion se courtise tandis que la pensée doit être convaincue de manière
irréprochable.
Et c'est pour dans le Théétète l'opinion ne sera pas la définition adéquate de la science.
En effet,
puisqu'il est impossible d'affirmer que toute opinion soit vraie, Théétète propose de définir la science comme opinion
droite.
L'opinion est un discours prononcé en silence et à soi-même.
Et c'est bien ce que l'on peut voir chez Platon
avec le cas de la ligne dans La République VI, 509d - 511e.
L'enjeu général de ce passage est de classifier les
différents niveaux ontologiques de l'être ou de la réalité et de les faire correspondre avec différents modes de
connaissance.
La « parabole » de la ligne permet de schématiser cet argument et de nous orienter (comme une
sorte de vecteur) vers la connaissance la plus claire, à savoir celle qui nous fait remonter à l'Idée.
L'opinion est une
croyance et en ce sens elle est de l'ordre du visible tandis que la science est de l'ordre de l'intelligible.
Et cette
distinction entre la science et l'opinion se retrouve dans le mythe de la caverne.
b) Or si l'opinion n'est pas apte à produire la connaissance de soi, faut-il alors s'y soustraire.
Et c'est bien suivant.
»
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