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Loin d'être un initiateur, André Chénier est la dernière expression d'un art expirant. C'est à lui qu'aboutissent le goût, l'idéal, la pensée du XVIIIe siècle. Il résume le style Louis XVI et l'esprit encyclopédique. Il est la fin d'un monde. Ce jugement

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Depuis Sainte-Beuve, Chénier est considéré comme le premier en date des poètes romantiques. Au contraire, ce jugement le reporte dans le passé et le rattache étroitement au règne de Louis XVI. Il se rapproche de ce mot d'Anatole France : Novateur, personne ne le fut moins. Il est étranger à tout ce que l'avenir prépare. Rien de ce qui va fleurir n'est en germe en lui. Chénier appartient au XVIIIe siècle par bien des aspects :

  • a) Sa vie, jusqu'à la Révolution est celle d'un jeune homme du monde, fréquentant les salons et les soupers joyeux de La Reynière : galanterie, épicurisme raffiné semblent être son idéal de vie comme celui de ses amis de Pange et Trudaine.

« Loin d'être un initiateur, André Chénier est la dernière expression d'un art expirant.

C'est à lui qu'aboutissent le goût, l'idéal, la pensée du XVIIIe siècle.

Il résume le style Louis XVI et l'esprit encyclopédique.

Il est la fin d'un monde.

C e jugement d'un critique contemporain vous , paraît-il définir exactement la poésie d'André Chénier ? Depuis Sainte-Beuve, Chénier est considéré comme le premier en date des poètes romantiques.

Au contraire, ce jugement le reporte dans le passé et le rattache étroitement au règne de Louis XVI.

Il se rapproche de ce mot d'Anatole France : Novateur, personne ne le fut moins.

Il est étranger à tout ce que l'avenir prépare.

Rien de ce qui va fleurir n'est en germe en lui. Chénier appartient au XVIIIe siècle par bien des aspects : a) Sa vie, jusqu'à la Révolution est celle d'un jeune homme du monde, fréquentant les salons et les soupers joyeux de La Reynière : galanterie, épicurisme raffiné semblent être son idéal de vie comme celui de ses amis de Pange et Trudaine. b) Son culte de l'antiquité appartient aussi à son époque; il y eut une véritable renaissance à la fin du XVIIIe siècle, qui se manifesta dans les divers arts (poésie, musique, architecture, arts décoratifs), et qui fut provoquée par les fouilles d'Herculanum et de Pompéi ( 1748) ; des ouvrages de vulgarisation passionnèrent la société : De Caylus, Recueil d'antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises ; Leroy, Ruines des plus beaux monuments de la Grèce ; De Choiseul-Gouffier, Voyage pittoresque de la Grèce ; Villoison, Voyage en 'Orient ; Barthélémy, Voyage du jeune Anacharsis en Grèce ; Winckelmann, Histoire de l'Art chez les Anciens (trois traductions françaises).

Brunck, familier de la famille Chénier publie son recueil d'inscriptions, dont s'inspirera André Chénier. Une antiquité plus pittoresque, plus vivante et familière se fait jour. c) Ses doctrines littéraires le rattachent également au Classicisme, notamment par ses conceptions de l'imitation, si voisines de celles de La Fontaine (Epître à Huet) : Tantôt chez un auteur j'adopte une pensée... Tantôt je ne retiens que les mots seulement ; J'en détourne le sens, et l'art sait les contraindre Vers des objets nouveaux qu'Us s'étonnent de peindre... d) Chénier est rationaliste comme les Encyclopédistes et dépourvu de préoccupations religieuses; en cela il est à l'opposé des Romantiques.

Il croit à la raison, au progrès et surtout à la science.

Aussi conçoit-il le projet de chanter les conquêtes de l'intelligence humaine, d'être le poète de l'Encyclopédie et de l'Histoire Naturelle de Buffon. Tous les arts sont unis : les sciences humaines N'ont pu de leur empire étendre les domaines Sans agrandir aussi la carrière des vers. (L'Invention) André Chénier appartient bien au XVIII' siècle par son goût, par son idéal littéraire et par ses aspirations philosophiques et politiques. Mais n'y a-t-il pas aussi dans l'œuvre de Chénier les germes d'une poésie nouvelle ? a) Chénier se distingue de ses contemporains par ses conceptions élevées de la poésie.

La poésie n'est plus seulement un divertissement mondain, mais l'expression d'une pensée grandiose ou d'un sentiment profond.

Ses projets d'épopées (l'Hermès, l'Amérique), dignes de Lucrèce, peuvent se comparer par leur ampleur, sinon par leur inspiration, aux épopées romantiques. b) Chénier est un poète personnel.

Il retrouve la veine lyrique tarie depuis Ronsard pour chanter ses amours, sa mélancolie ou ses paysages préférés.

La captivité le dépouille des conventions littéraires et rend ses accents plus émouvants.

Mais même dans les poèmes antérieurs, certains vers frémissants de passion ou pleins de mélancolie semblent annoncer le Romantisme : le meurs.

Avant le soir, j'ai fini ma journée...

(De l'élection de son sépulcre) Avant Musset, il dira : L'art ne fait que des vers; le cœur seul est poète.

La prison, l'approche de la mort apportent aux derniers vers de Chénier un pathétique indéniable.

On comprend que Lamartine pleurant Mme Charles ait été ému par les regrets que Chénier prête à Aimée de Coigny : Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort : Moi, je pleure et j'espère... S'il est des jours amers, il en est de si doux ! (La Jeune captive) Les lambes, dans leur magnifique mouvement d'indignation, montrent la voie aux Châtiments de V.

Hugo.

De plus, les Romantiques sont tous royalistes à leurs débuts et leurs sympathies politiques s'ajoutent à leur admiration littéraire.

Ils vénèrent le courageux défenseur de Louis XVI, le prisonnier bravant ses bourreaux : Souffre, ô cœur gros de haine, affamé de justice.

Toi, Vertu, pleure, si je meurs.

(lambes) c) Les Romantiques ont également apprécié les innovations métriques apportées par Chénier (alexandrin assoupli, coupes variées, emploi très fréquent des inversions, des suspensions, des appels, des rejets et des enjambements), qui apportent de la vie et du mouvement au vers sclérosé.

Chénier a été avec Ronsard un de leurs maîtres. d) Enfin, par sa destinée tragique, Chénier est bien « un héros » romantique, le symbole du génie persécuté par la masse.

Plus qu'aucun autre poète, il inspire, par son exemple, l'amour de la sincérité, le culte de la beauté, le sens de la grandeur et l'on comprend l'hommage que lui rend Vigny dans Stello. Le jugement est trop sévère : Chénier appartient à son temps, certes, mais il y avait en lui l'étoffe d'un grand poète, supérieur à ses contemporains, et c'est à juste titre que les Romantiques l'ont choisi comme modèle, même s'il s'écarte d'eux par son rationalisme.. »

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