L'oeuvre d'art est-elle une imitation du réel ?
Extrait du document
«
Vous pouvez partir ici de la définition classique de la représentation artistique : une re-présentation artistique
n'est en somme rien d'autre qu'une nouvelle "présentation" d'une réalité qui existait déjà une première fois dans la
nature , montrez ainsi qu'en ce sens l'œuvre d'art se donne bel et bien pour tâche d'imiter la nature.
Cependant une
telle définition risque d'une part d'enfermer l'art dans des limites étroites, d'autre part et surtout de le condamner à
n'être jamais qu'une copie nécessairement moins réussie et moins plaisante que son modèle (c'est-à-dire que la
nature).
Montrez alors que l'on pourrait à l'inverse concevoir l'art comme une pure création humaine , en ce sens
l'art ne serait alors véritablement art que dans la mesure où il rompt avec la nature (l'art ce n'est en ce sens rien
d'autre que l'artificiel).
Cependant une telle définition est-elle pertinente ? Certes on y accorde une très grande
liberté à l'art, mais ne risque-t-on de finir alors par affirmer que toute œuvre humaine est art , et si tout est art
c'est aussi qu'en un sens rien n'est de l'art.
Comment faudrait-il alors définir l'art ?
1.
La condamnation de l'art par la philosophie
Pour Platon, l'oeuvre d'art ne fait que copier la réalité sensible, qui n'est elle-même que la copie de la réalité
intelligible.
L'oeuvre d'art nous éloigne donc doublement du réel.
« - Maintenant, considère ce point: lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet:
est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel qu'il paraît? Est-elle l'imitation de l'apparence ou
de la réalité? - De l'apparence.
- L'imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c'est, semblet-il, parce qu'elle ne touche qu'à
une petite partie de chacun, laquelle n'est d'ailleurs qu'un simulacre.
» Platon, République (IVe siècle av.
J.-C.), X.
Thèse - Dévalorisation de l'art au nom de la vérité.
Cette dévalorisation a pour fondement la dévalorisation du
monde sensible an nom de cette même vérité.
Et valorisation ontologique du Beau, Idée ou Essence.
La critique platonicienne vise surtout les arts suivants : la poésie, la sculpture, la peinture.
Dans la « République » (II), Platon n'est pas loin d'exiler de la Cité idéale les poètes s'ils ne se soumettent pas à la
vérité.
Il conteste donc l'autonomie de l'art et la liberté de l'artiste.
Dans le « Phèdre » (248 d-c) Platon établit
une hiérarchie des existences humaines en fonction de leur degré de perfection c'est à dire de connaissance.
Il
distingue neuf degrés qui vont de la vie philosophique (premier degré) à la vie tyrannique (dernier degré).
L'artiste
imitateur occupe la 6e place, l'artisan et le laboureur la 7c, le sophiste la 8e.
Pourquoi ? Pourquoi un tel voisinage du sophiste et de l'artiste ? Une telle condamnation de l'art ?
1)
Parce que l'artiste comme le sophiste possède un savoir-faire qui est un savoir-tromper.
a) Poètes et peintres n'enfantent que des fictions.
Les poètes, Homère, Hésiode, ne sont que « faiseurs de
contes », en outre contes dangereux car ils véhiculent une fausse image des Dieux et des Héros.
Par exemple, les
Dieux sont jaloux, se font la guerre et les pires vilenies.
Or, « la bonté n'appartient-elle pas à ce qui est divinité? »
(Rep.379).
D'autre part, représenter les Dieux à l'image de l'homme, ne pas en faire des modèles de vertu, n'est-ce
pas encourager le mal? Les peintres et sculpteurs, quant à eux, illustrent les fictions inventées par les premier.
et
créditent le mensonge.
b) Pour plaire ces fictions doivent avoir l'apparence du vrai.
Le savoir-faire de l'artiste est donc bien semblable à
celui du sophiste puisqu'il permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et n'en a
que l'apparence en utilisant les séductions du sensible (flatterie, plaisirs des sens ...
).
Par exemple le bon peintre
est celui qui est capable de représenter dans un espace à deux dimensions un objet qui, lui, occupe un espace à
trois dimensions.
Plus l'image produite par le peintre semble vraie, plus elle est en fait infidèle à son modèle tel qu'il
est.
L'exactitude de l'art repose sur la déformation du réel sensible (cf.
les règles de 1a perspective).
2) Parce que l'art n'est qu'imitation.
L'imitation de quoi ? Des apparences sensibles, de la réalité telle qu'elle se manifeste à nous par l'intermédiaire de
nos sens.
C'est dans la juste mesure où le poète ne s'élève pas au dessus des apparences sensibles qu'il représente
les Dieux à l'image des hommes.
L'art conforte les hommes dans leur erreur première : ce qui est, est ce qui
apparaît.
L'art n'est qu'illustration de l'opinion, représentation de la représentation subjective.
3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre.
Dans La « République » (X 597b-598c - cf.
texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production
éloignée de la nature de trois degrés ».
En effet, il y a trois degrés de réalité.
·
La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.
Pour Platon les
Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ou formées au
contact de l'expérience (empirisme).
Elles existent indépendamment de notre pensée.
L'Etre est l'intelligible ou
monde des Idées.
Cette thèse rend compte et de la connaissance, la réalité est intelligible, objet d'une
connaissance, et de l'ordre du monde.
C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons le
connaître..
»
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