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L'oeuvre d'art est-elle reproductible ?

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L'oeuvre d'art est-elle reproductible ?

Le mode d'être même d'une oeuvre d'art semble avant tout être l'unicité. L'oeuvre d'art est une, une dans son genre, c'est là la raison même de sa genèse. L'artiste a présidé à sa venue dans l'intention de proposer du nouveau, de produire ce qui ne le fût encore jamais. C'est presque, pour ainsi dire, la justification même de ce mode de production: on ne cherche pas l'imitation, la copie de ce qui est déjà, mais l'originalité. Il s'agit là d'un concept essentiel puisqu'il est une condition fondamentale de la protection intellectuelle de l'oeuvre. Mais comment définir par ailleurs cette idée même d'originalité? L'originalité fait en principe signe vers la singularité de l'oeuvre, soit son émancipation d'un modèle pré-établit qu'elle viendrait préalablement copier. Ce à quoi échappe l'oeuvre, c'est donc à une relation d'identité avec un autre artefact artistique: en cela, elle est inattendue, surprenante. De toute évidence, comment, à partir de cette conception même de l'oeuvre d'art, concevoir que ce qui fût produit pour être unique, puisse être re-produit sans que cette copie perde simultanément sa valeur? A vrai dire, on imagine aisément qu'une oeuvre d'art soit reproduite: de l'oeuvre du faussaire à la carte postale, en passant par le support multimédia qui permet de proprement faire-voir l'oeuvre par d'autres biais que sa concrète présence à l'intérieur du musée. Cependant, il n'est pas certain et que la reproduction soit de même valeur, et tout à la fois que l'oeuvre initiale soit « contaminée » par cette reproduction. La question est donc double: pourquoi cette dépréciation de la copie, et ce privilège encore accordé au modèle? On peut aisément comprendre que la copie ne soit précisément plus originale de par son statut même de copie, de même que l'oeuvre initiale garde quant à elle son statut de par sa primauté. Mais que dire alors de certains formats contemporains, des medium qui supportent l'expression artistique? Le disque compact que j'écoute et qui reproduit une performance de musiciens en studio, la bobine qui tourne dans l'obscure salle de cinéma où je me trouve, ne sont-ils pas les copies d'un original? Et pour autant, je n'ai pas l'impression d'avoir accès à la forme appauvrie d'une oeuvre artistique qui figurerait quelque part parfaite et intacte en deçà de la chaîne où je me situe. Une oeuvre peut ainsi être une reproduction, sans que cette dernière en pâtisse. Le problème n'est peut-être plus en ce sens la reproduction de l'oeuvre, mais bien la reproduction de l'idée qui préside à l'oeuvre, la reproduction en somme de la démarche sous l'ascendance de laquelle est placée l'oeuvre. Ainsi le regard est-il progressivement porté de la production à son producteur, de l'oeuvre concrête à l'intention de l'artiste. De l'originalité nous passons à l'origine, à la genèse de l'oeuvre qui se démarque: c'est donc sur la poiesis que se porte notre intérêt.

« Le mode d'être même d'une oeuvre d'art semble avant tout être l'unicité.

L'oeuvre d'art est une, une dans son genre, c'est là la raison même de sa genèse.

L'artiste a présidé à sa venue dans l'intention de proposer du nouveau, de produire ce qui ne le fût encore jamais.

C'est presque, pour ainsi dire, la justification même de ce mode de production: on ne cherche pas l'imitation, la copie de ce qui est déjà, mais l'originalité.

Il s'agit là d'un concept essentiel puisqu'il est une condition fondamentale de la protection intellectuelle de l'oeuvre.

Mais comment définir par ailleurs cette idée même d'originalité? L'originalité fait en principe signe vers la singularité de l'oeuvre, soit son émancipation d'un modèle pré-établit qu'elle viendrait préalablement copier.

Ce à quoi échappe l'oeuvre, c'est donc à une relation d'identité avec un autre artefact artistique: en cela, elle est inattendue, surprenante.

De toute évidence, comment, à partir de cette conception même de l'oeuvre d'art, concevoir que ce qui fût produit pour être unique, puisse être re-produit sans que cette copie perde simultanément sa valeur? A vrai dire, on imagine aisément qu'une oeuvre d'art soit reproduite: de l'oeuvre du faussaire à la carte postale, en passant par le support multimédia qui permet de proprement faire-voir l'oeuvre par d'autres biais que sa concrète présence à l'intérieur du musée. Cependant, il n'est pas certain et que la reproduction soit de même valeur, et tout à la fois que l'oeuvre initiale soit « contaminée » par cette reproduction.

La question est donc double: pourquoi cette dépréciation de la copie, et ce privilège encore accordé au modèle? On peut aisément comprendre que la copie ne soit précisément plus originale de par son statut même de copie, de même que l'oeuvre initiale garde quant à elle son statut de par sa primauté.

Mais que dire alors de certains formats contemporains, des medium qui supportent l'expression artistique? Le disque compact que j'écoute et qui reproduit une performance de musiciens en studio, la bobine qui tourne dans l'obscure salle de cinéma où je me trouve, ne sont-ils pas les copies d'un original? Et pour autant, je n'ai pas l'impression d'avoir accès à la forme appauvrie d'une oeuvre artistique qui figurerait quelque part parfaite et intacte en deçà de la chaîne où je me situe.

Une oeuvre peut ainsi être une reproduction, sans que cette dernière en pâtisse.

Le problème n'est peut-être plus en ce sens la reproduction de l'oeuvre, mais bien la reproduction de l'idée qui préside à l'oeuvre, la reproduction en somme de la démarche sous l'ascendance de laquelle est placée l'oeuvre.

Ainsi le regard est-il progressivement porté de la production à son producteur, de l'oeuvre concrête à l'intention de l'artiste. De l'originalité nous passons à l'origine, à la genèse de l'oeuvre qui se démarque: c'est donc sur la poiesis que se porte notre intérêt. I.

Kant: Beauté libre et beauté adhérente Dans la Critique de la faculté de juger, Kant tente de cerner ce qui fait proprement la beauté, et donc tout à la fois l'essence, de l'oeuvre d'art.

En effet, selon une conception somme toute assez classique, le philosophe allemand pense la raison de l'oeuvre d'art dans sa beauté même.

Ce qui fait que l'objet d'art se signale parmi l'ensemble des objets, c'est précisément une beauté, et plus précisément une beauté voulue: il y a une intention derrière l'oeuvre d'art qui n'est pas présente derrière la beauté du morceau de bois trouvé dans un marécage.

Or, l'intention créatrice, en amont de la concrétisation de l'oeuvre, peut s'effectuer selon certaine modalité qui implique précisément une beauté, selon bien des aspects, différente.

Mieux, en parlant d'un certain type de beauté, Kant discrédite l'oeuvre dont elle émane, en ne la pensant précisément plus comme oeuvre d'art.

Pour saisir ce point, il s'agit dans un premier temps de comprendre ce que Kant appelle déjà le Beau.

En effet, le beau c'est, selon la formule consacrée « ce qui plaît universellement sans concept ».

A vrai dire, Kant soulève là une difficulté de taille, à savoir comment caractériser, conceptualiser une beauté qui, au fil des temps historiques, n'a eu de cesse changer.

En d'autres termes, comment capturer à travers l'appareillage philosophique l'aspect profondément polymorphe d'une telle notion? De toute évidence, il est assez difficile de proposer un concept du beau précisément en raison de cette variation continue.

A cela s'ajoute un autre fait, à savoir que du beau, comme l'explique Kant, on ne peut disputer.

Qu'est-ce que cela signifie en propre? Disputer, c'est débattre par concept, c'est pour ainsi dire démontrer quelque chose.

La disputatio telle qu'elle était conçue par les scolastiques était précisément un échange à partir de concept, de démonstration.

Or, de toute évidence, si l'on peut discuter à propos d'une oeuvre, sur le fait qu'elle soit appréciable ou pas, belle ou non, on ne peut cependant, démontrer la beauté d'une oeuvre, sa qualité, à partir d'arguments. Kant note en ce sens que, de concept du Beau, il n'y en a pas de déterminé.

Tout à la fois, on remarque qu'on peut tout de même remarquer que cette absence de détermination du concept ne fait pas pour autant qu'il n'y a pas de concept: il s'agit simplement d'un concept indéterminé.

Le beau, c'est ainsi ce qui remporte une adhésion collective. Et c'est précisément en cela que l'oeuvre d'art relève de la beauté libre et non de la beauté adhérente: quel rapport? L'oeuvre d'art ne vient pas obéir à un concept extérieur qui viendrait définir sa forme finale ou vers lequel elle devrait tendre à fin d'être considérée comme parfaite.

En effet, la perfection n'a pas le droit de citer en art puisqu'elle suppose toujours une norme vers laquelle doit tendre un objet ou une activité.

Prenons un exemple: il existe dans beaucoup d'arts martiaux des enchaînements de mouvements codifiés (kata en karaté, Tao en Kung fu...) que le pratiquant doit reproduire le plus fidèlement possible; on dit précisément du maître qu'il les exécute à la perfection précisément parce que ses respirations, ses déplacements, ses gestes, ont fini par adhérer parfaitement au modèle pré-établit.

Si beauté adhérente il y avait en art, le concept de beau serait donc déterminé, et l'oeuvre. »

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