L'oeuvre d'art est - elle nécessairement belle?
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«
L'œuvre d'art est-elle nécessairement belle ?
Depuis Aristote, l'art a bien évolué, il n'est plus considéré comme simple imitation de la nature ou faisant partie de la même discipline que l'artisanat.
L'art
est une recherche : recherche de ce qui ne se présente pas directement sous nos yeux, recherche de transcender la réalité.
Au XV IIIème siècle, l'art prend
un tournant majeur avec Baumgarten qui donne un nom à cette quête : l'esthétique.
Il s'agit de la recherche de la beauté.
L'art ne cherche pas à imiter la
nature, n'a pas pour but de produire un quelconque objet doté d'utilité : l'art est le beau, c'est la représentation de la beauté.
L'art nous donne la beauté à
regarder et à apprécier.
Or, l'œuvre d'art peut-elle se détacher de la beauté ? Ne peut-il pas y avoir une esthétique de la laideur ? Peut-elle est considérer
comme œuvre d'art si elle n'est pas synonyme de beauté ? En d'autres termes, si l'art s'intéresse à la beauté, et si Baumgarten fait de cette quête sa
nouvelle discipline, peut-on envisager l'œuvre d'art dénuée de beauté : l'œuvre d'art est-elle nécessairement belle ?
I : l'œuvre d'art ou la représentation de la beauté.
Qu'est ce qu'une œuvre d'art ? Pour expliquer en quoi elle peut entretenir un rapport avec la beauté, il convient d'en redessiner les contours de sa
définition : une œuvre d'art est une production d'un artiste, l'expression de sa vision du monde et des choses, production qui résulte de son imagination.
Une
œuvre d'art s'adresse à quelqu'un : elle est faite pour être contemplée, elle est faite pour être appréciée.
Mais, lorsque nous voyons une œuvre d'art est-ce
l'émotion qu'elle provoque en nous qui nous plait ou uniquement la beauté qu'elle porte ? Quand nous émettons un jugement d'ordre esthétique, nous faisons
appel à nos sens, ce qui est en jeu est ce qui est perceptible à nos sens : nous éprouvons une sensation de plaisir face à l'œuvre si celle-ci arrive à nous
toucher, à « flatter » nos sens.
C'est de cette manière que nous pouvons reconnaître la beauté.
C ar la beauté n'est pas simplement une histoire de forme et
d'harmonie : la beauté c'est la reconnaissance d'une forme, de couleurs qui suscitent en nous un plaisir et nous permet d'atteindre la jouissance esthétique.
L'œuvre d'art nous procure ainsi une sensation positive : le plaisir.
Notre jugement nous fera dire : cette œuvre me plait, elle est belle.
Or lorsque nous
disons « cela est laid » ne peut-on pas considérer l'objet de notre jugement comme étant une œuvre d'art ?
II : Une œuvre d'art peut-être œuvre de laideur.
« Le beau est ce qui plait universellement sans concept », cette phrase célèbre de Kant qui s'inscrit dans toute l'histoire
de l'esthétique remet bien au cœur du sujet la notion de plaisir et de jugement.
·
« Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
ÿ « Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la première
définition.
En effet nous avons vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de la convoitise, de la crainte, du
désir, du confort ...
bref de tous les intérêts particuliers.
Ce plaisir éprouvé n'est donc pas celui d'un sujet enfermé dans sa
particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau », comme si la beauté était dans l'objet.
Il peut légitimement
s'attendre à ce que tout autre éprouve la même satisfaction.
ÿ « sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».
Il n'y a pas de preuve pratique ou conceptuelle de la
beauté.
On juge et on sent que cette musique ou cette montagne sont belles mais on ne peut le prouver.
Il n'y a pas de règles a
priori du beau.
En langage kantien, le sujet esthétique n'est pas législateur.
En science le sujet légifère, retrouve dans la nature
les règles nécessaires, universelles qu'il y a mises pour connaître quelque chose.
En art le sujet ne peut légiférer car le
jugement porte sur un objet singulier, telle fleur, telle œuvre musicale.
S' il veut trouver quelque chose d'universel dans cette
rose-ci, il faudra qu'il l'envisage sous l'aspect du règne végétal ou de la fleur en général; s'il veut trouver quelque chose
d'universel dans une musique, il faudra qu'il l'envisage sous l'angle des règles de composition.
Il aura des concepts mais point
de beauté: « quand on juge des objets simplement par concepts toute représentation de la beauté se perd ».
C'est ce qui peut
arriver quand un traque d'art explique un poème...
Comme la beauté est toujours saisie sur un objet concret, matériel, singulier, il n'y a pas de règles universelles
du beau.
Le jugement de goût n'est pas un jugement de connaissance.
Nous jugeons une œuvre d'art lorsque nous la percevons et à partir de ce jugement l'œuvre est dite belle ou non.
Une œuvre d'art ne porte pas toujours en
elle la beauté, il n'en demeure pas moins qu'elle est reconnue comme « œuvre d'art ».
L'œuvre d'art n'est pas forcément synonyme d'harmonie, de
perfection.
On peut penser aux œuvres de Botero qui redessine l'horreur de l'incarcération après avoir fait une grande série de tableaux teintés de couleurs
flamboyantes.
Et pourtant, ces œuvres dont le thème est « la prison » font bien partie des collections de musée et son exposées comme étant des œuvres
d'art.
Il en est de même pour les poèmes de Baudelaire qui décrivent un sentiment qui n'est pas de l'ordre de la jouissance « le spleen », et pourtant c'est
grâce, en majorité, par le style, la façon de décrire cette émotion qui a fait de Baudelaire un auteur reconnu et considéré comme créateur d'œuvres d'art.
Ce
n'est donc pas une beauté dans les formes, une beauté de la représentation même que l'on recherche dans l'œuvre d'art mais le message qu'elle délivre : la
laideur peut s'exprimer sous les traits de la beauté, ainsi la laideur devient belle car nous la recevons comme telle.
Nous considérons les œuvres laides et
lorsque celles-ci nous touche comme le ferait une œuvre qui représente la beauté : une œuvre d'art peut être donc belle même si elle représente la laideur.
III : l'œuvre d'art est belle même à travers sa laideur.
Une œuvre d'art est donc une œuvre qui exprime quelque chose : ce quelque chose peut passer par la laideur ou la beauté en vue de procurer en nous la
jouissance esthétique.
On pourra donc dire qu'une œuvre est belle même si elle a les traits de la laideur.
L'artiste arrive à transformer la laideur en beauté
grâce au mode d'expression qu'il utilise.
Car l'art étant sans concept, il ne peut y avoir d'idée préconçu de la beauté.
Le ressenti de la beauté est subjectif, il
dépend du sujet qui contemple l'œuvre.
Telle ou telle personne trouvera cette œuvre belle alors que d'autres la jugeront laide.
Pourquoi un tel décalage dans
les jugements ? Tout simplement parce qu'encore une fois, l'œuvre d'art ne peut s'affranchir du jugement pour être reconnue comme étant une œuvre d'art et
donc comme étant belle ou laide.
Les notions de beauté et de laideurs peuvent voir le jour à partir du moment où un sujet contemple l'œuvre.
Conclusion :
« La beauté est-elle une condition nécessaire de l'œuvre d'art.
l'art contemporain n'a-t-il pas prétendu s'en passer ? » Cette phrase de Georges Braque donne à elle
seule la réponse à la question qui tend à savoir si l'œuvre d'art doit-être belle ou non.
Car si l'art contemporain cherche à dépasser la beauté, nous ne
pouvons dire que l'art contemporain n'a pas d'œuvres d'art.
Une œuvre d'art peut être laide mais devenir belle à travers le jugement que nous émettons sur
elle.
A partir du moment où notre regard se pose sur une œuvre et que nous y trouvons satisfaction, l'œuvre d'art la plus laide peut devenir la plus belle car
nous aurons éprouvé la jouissance esthétique face à l'œuvre.
Une œuvre d'art n'est pas nécessairement belle par essence, elle est sublimée par notre
regard et c'est ce regard qui la rend belle..
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