L’oeuvre d'art a-t-elle un sens ?
Extrait du document
«
Une oeuvre d'art, qu'est-ce que c'est ? Des traits de pinceaux, quelques notes, deux ou trois pas en rythme : que ce soit un tableau, une
composition musicale ou un spectacle de danse, une oeuvre d'art est toujours un objet ou un évènement sensible, quelque chose qui se
donne aux sens.
Mais n'est-ce que cela ? N'y-a-il qu'une couche sensible dans une oeuvre d'art, ou alors y'a-t-il nécessairement une autre
dimension par-dessous pour que l'oeuvre en question soit d'art ?
Cela nous amène à jouer sur l'ambigüité du terme « sens », qui renvoie à la notion de sensibilité, mais aussi à celle de signification.
En effet,
le sens désigne un organe d'appréhension immédiate, un organe d'appréhension du monde matériel.
Mais on désigne aussi par sens la
signification des choses, c'est-à-dire la dimension intelligible à laquelle renvoient ces choses, qui dépasse le cadre purement sensible.
Problématique : Pour être artistique, une oeuvre doit-elle avoir un sens sous-jacent ? Doit-il y avoir du sens sous le sensible pour qu'une
oeuvre soit artistique ? En somme, cela nous renvoie à un questionnement sur l'essence même de l'art : qu'est-ce qu'une oeuvre dite d'art ?
I - L'oeuvre d'art est un objet sensible, un spectacle
A- L'oeuvre d'art communique une perception, il nous met en position de regarder, d'écouter.
On parle même d'expérience artistique.
B- Mais si cette perception qu'elle nous communique nous choque, nous marque, c'est qu'elle est fondamentalement originale.
L'art est
d'abord art d'organiser le sensible, de le former et de le reformer sans cesse.
En ce sens, il imite le sensible pour en redonner un
nouveau (=>Imitation créatrice).
Exemple : la perspective albertinienne n'est pas un donné, mais c'est une mise en forme spécifique
du sensible dont l'invention peut être datée.
C- Les oeuvres d'art répondent à des critères de composition, comme autant de principes, que l'ont peut objectivement décrire (la façon
de peindre de Van Gogh ou encore le style d'écriture de Proust).
Wölfflin parlait pour la peinture de « principes optiques », et en
distinguait seulement deux dans toute l'histoire de cet art, d'où découlaient par la suite tous les styles artistiques individuels.
Des psychologues comme Herbart ont voulu expliquer le plaisir que le sujet a devant une oeuvre d'art d'un point de vue strictement
formaliste (dans le cas de Herbart, le plaisir est celui de synthétiser du sensibles hétérogènes, d'unifier du divers sensible).
II - L'oeuvre d'art a un sens, une dimension intelligible
A-
Cependant, tous ces critères de composition expriment quelque chose.
La forme est inséparable du fond, qui la justifie.
La forme
artistique est une « forme symbolique » pour reprendre l'expression de Panofsky : il ne s'agit pas seulement de savoir ce que la forme
présente, mais ce qu'elle représente.
Les traits d'une peinture, l'harmonie d'une musique, etc.
ont une dimension intelligible.
B- Les deux sens du terme « sens » ont pour écho deux sens du terme « vision » : au sens propre, la vision, l'oeil est l'organe récepteur.
Mais au sens figuré, la vision, c'est la vision artistique, la vision créatrice de forme.
Ici, la vision est intellectuellement déterminée, en
tant que toute organisation de forme a une signification.
«Il est certain que « l'attitude optique » est, rigoureusement parlant, une attitude intellectuelle en face de l'optique et que « le
rapport de l'oeil au monde » est en réalité le rapport de l'âme au monde de l'oeil » Panofsky
III - La création formelle est indissociable d'une la création de sens
A-
Le sens d'une oeuvre d'art n'existe pas indépendamment de son expression.
IL n'y a pas d'un coté la forme et de l'autre le fond, unis
l'un à l'autre pas un lien contingent, mais deux dimensions qui s'entrelacent, qui sont indissociables l'une de l'autre.
L'une entraîne
nécessairement l'autre.
C'est l'agencement nouveau des données sensibles qui crée par là-même un sens nouveau.
« Composition, composition, c'est la seule définition de l'art » Deleuze
B- Le propre d'une oeuvre d'art, c'est d'inventer de nouvelle forme.
Ces nouvelles formes sont toujours l'expression d'un sens nouveau.
C'est le caractère proprement nouveau de ce sens qui pousse l'artiste à inventer une forme qui puisse l'exprimer.
C- Du fait de son caractère fondamentalement orignal, le sens d'une oeuvre d'art ne peut être interprété selon des canons préexistants.
L'agencement, ou composition, en tant qu'il est le seule moyen d'exprimer le signifié, ne peut être que vécu, expérimenté.
Conclusion
L'oeuvre d'art est un évènement sensible, un spectacle.
Mais ce spectacle a toujours une raison d'être ainsi ; il est significatif.
C'est le sens
qui donne à l'oeuvre d'art son originalité formelle.
Sans sens, l'oeuvre d'art devient une coquille vide, dont l'arbitraire de la mise en forme ne
provoque aucun effet.
Or, l'art se caractérise premièrement par ses effets, sa capacité à émouvoir et à faire réfléchir, en somme, à transmettre
des sensations et des affections.
Ainsi, il n'y a pas d'un coté la forme et de l'autre le fond ; d'un coté le sensible et de l'autre le sens.
Les deux sont en interrelation, et c'est ce
qui fait la spécificité de l'art.
L'oeuvre d'art doit avoir un sens pour avoir une forme : l'innovation formelle va toujours de pair avec l'émergence
d'un sens nouveau..
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