L'objet du désir en est-il la cause ?
Extrait du document
«
Introduction :
Ë Bien définir les termes du sujet :
- « Le désir » : C'est ce que l'on ressent lorsqu'un besoin spontané s'est transformé en une tendance consciente orientée vers un but conçu ou imaginé.
Le désir témoigne
d'un manque, mais ce manque n'est pas tel qu'il puisse être comblé, ce pourquoi il faut distinguer entre désir et besoin.
Le désir est donc inapaisable en soi, et contrairement
au besoin, il s'articule à "l'imaginaire" (vs le réel), ce pourquoi il ne saurait être véritablement satisfait.
L'objet du désir dont il est question ici, est la chose réelle sur
laquelle porte ce sentiment.
- « Cause » : elle est ce qui produit l'effet, et se prolonge en lui.
C'est l'origine, le point de départ d'une action ou d'un sentiment, c'est ce par quoi quelque chose arrive.
Ë Construction de la problématique :
Le sujet semble partir du principe que tout désir a une cause, et que cette cause est un objet – par objet, le sujet entend aussi bien un objet inanimé, comme de la
nourriture, qu'une chose abstraite, la richesse ou la gloire, ou qu'un être vivant, une femme ou un homme dans le cas du désir amoureux.
Mais il ne s'agit pas ici de traiter de
la diversité des objets du désir, le sujet cherche à savoir quelle peut être la cause du désir : l'objet lui-même ou un autre raison.
Ë Se pose donc la question de savoir si le désir a nécessairement pour cause un objet –ou s'il peut exister en tant que tel -, et si c'est le cas, si c'est l'objet lui-même
qui est désiré ou ce qu'il représente.
Plan :
I/ La naissance du désir :
En général, ce n'est qu'après avoir vu quelque chose qui nous plaît que nous désirons cette chose.
De ce fait, il semblerait que le désir naisse d'un objet particulier qui
en serait ainsi la cause.
Pourtant, une fois cet objet « consommé », nous le délaissons et nous nous prenons à désirer autre chose, comme si l'objet précédent n'avait pas
assouvi notre désir.
● C'est certainement parce que nous ne désirons pas réellement l'objet mais ce qu'il représente.
En effet, si la consommation de l'objet avait comblé mon désir, alors
cela signifierait que j'aurais éprouvé non pas du désir, mais simplement un besoin.
Ce dernier se caractérise par le fait qu'il puisse être comblé.
Si l'on considère que le désir
ne peut quant à lui être comblé, et qu'il se caractérise toujours comme un manque, alors il semble évident que n'importe quel peut être désiré sans pour autant apporter la
satisfaction.
Le désir compris dans sa logique existentielle ne saurait être articulé donc au monde des "objets", puisqu'il transcende tout objet en y investissant sa
problématique propre, c'est-à-dire en lui imposant une signification spécifique au-delà de sa détermination conventionnelle.
Autrement dit, il y a toujours "moins" dans
l'objet que ce qu'y cherche le désir, lequel s'exacerbe ainsi.
● C'est ce qu'explique Freud, selon lequel ce ne sont pas réellement les objets du désir qui sont visés, mais la valeur symbolique qui leur est attachée, ou ajout ée.
Autrement dit, c'est un eu comme si l'objet traversait sans cesse l'étant qu'il vise en vue d'un horizon inaccessible.
Cette façon de transcender l'objet est tributaire d'une
culture, et est structurée par des représentations conscientes et inconscientes.
Même si le désir n'est pas réellement désir de l'objet mais simplement désir de ce qui est
fantasmé sur l'objet, le désir ne peut pas se passer d'objets constitués.
Tout objet de désir serait ainsi un tremplin, une métaphore ou un symbole permettant de viser un
"suprême désirable", un objet ultime et cependant impossible à constituer en objet.
II/ Le désir existe indépendamment de tout objet :
Mais il est aussi possible de désirer quelque chose sans savoir ce que nous désirons réellement.
Dire que le désir naîtrait d'un objet impliquerait que cet objet
contienne quelque chose de désirable en lui-même, et cette proposition est, comme nous pouvons l'observer, fausse.
En effet, nous ne désirons pas tous la même chose,
parce que les objets ne sont pas désirables en soi, mais que c'est nous qui valorisons les objets parce que nous les désirons.
● C'est ce qu'explique Spinoza dans l'Ethique, où selon lui, c'est parce que nous la désirons que nous jugeons qu'une chose est bonne et non pas parce qu'elle est
bonne en soi que nous la désirons.
Notre désir indique donc la perception d'un rapport de convenance avec une chose extérieure tel que notre puissance d'exister peut en
être augmentée.
Ce que veut dire Spinoza, c'est que le désir est antérieur à l'objet, et qu'il fait partie de l'essence de l'homme.
« Le désir est l'essence de l'homme »
l'Ethique III, il est une détermination essentielle de l'homme avec laquelle il faut savoir composer.
Le désir est ainsi un élément vital, une dynamique concrète fondée sur
le conatus.
Il est la puissance même d'exister, l'affirmation positive de soi, c'est une force vitale.
● Si le désir fait partie de l'essence de l'homme, alors cela signifie qu'il n'a besoin ni d'objet ni d'une quelconque autre cause pour exister.
Il est une dimension naturelle
qu'il n'est pas possible de nier.
Et lorsque le désir se porte sur une chose, c'est non pas parce que cette chose est désirable en soi, mais parce que nous la jugeons bonne pour
nous, c'est-à-dire capable d'augmenter notre conatus, notre puissance d'être.
Si le désir est considéré comme vital, c'est en effet parce qu'il dirige le choix des hommes vers
des objets capables de lui assurer un bien-être, une affirmation de sa puissance.
III/ Le désir est manque d'être :
Mais il existe de nombreux êtres vivants qui cherchent de quoi améliorer leur puissance, leur force, sans pour autant désirer quoi que ce soit.
Spinoza dit que le
désir est l'essence même de l'homme, mais il n'explique pas pourquoi, il ne ose pas la question de savoir pour quelle raison l'homme seul peut éprouver du désir.
● C'est ce qu'explique Sartre dans L'être et le Néant.
Selon lui, le désir est consubstantiel à la conscience, et cette conscience étant conscience de notre finitude, elle
induit le sentiment d'un manque d'être.
« Le désir est manque d'être, il est hanté dans son être le plus intime par l'être dont il est le désir ».
Ce manque d'être provoque le
désir comme réaction orientée par un effort en vue de combler ce manque.
En effet, l'homme cherche pour Sartre à parvenir à l'état impossible de l'en-soi-pour-soi.
La
conscience est pure extériorité, elle se projette dans le monde, mais elle aimerait être en même temps une chose, un en-soi, une plénitude d'être consciente d'elle-même,
c'est cela l'en-soi-pour-soi.
● C'est donc cela que cherche la conscience à travers le désir, elle cherche des objets capables de la remplir, de lui donner une plénitude.
Mais la synthèse de l'en-soipour-soi est irréalisable car contradictoire.
« La conscience est en fait projet de se fonder, c'est-à-dire d'atteindre à la dignité de l'en-soi-pour-soi.
» L'être et le néant,
conclu.
La conscience qui se caractérise par le manque d'être cherche à atteindre une plénitude d'être.
L'objet du désir n'est donc pas la cause du désir lui-même.
Le désir est
l'essence de l'homme, il est la marque de la recherche d'une perfection, d'une complétude impossible..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Quel est l'objet du désir ?
- Quel est l’objet de notre désir ?
- Le désir suppose-t-il la connaissance préalable de son objet ?
- Autrui peut-il être un objet de désir
- Autrui peut-il être un objet de désir?