L'IRRATIONNEL ET LA SCIENCE
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«
L'IRRATIONNEL ET LA SCIENCE
"L'histoire des sciences est l'histoire des défaites de l'irrationalisme." Bachelard, L'Activité rationaliste de la
physique contemporaine, 1951.
Une conception naïve de l'histoire des sciences suppose que la raison, une fois assurée, de ses pouvoirs enlève
toute emprise des mythes, de l'imagination sur notre vision du monde.
Or, il n'en est rien.
Bachelard, en
élaborant le concept d'obstacle épistémologique, a montré que la connaissance rationnelle de la nature est un
combat permanent contre des formes d'explication animistes, substantialistes, faisant appel à l'expérience
première et qui dotent l'univers de qualités, de pouvoirs qui sont irrationnels.
La notion d'obstacle épistémologique
Le problème de la connaissance scientifique se pose en termes d'« obstacles ».
Il faut s'intéresser, dans l'acte
de connaître, aux lenteurs et aux troubles.
Les obstacles épistémologiques sont ces causes d'inertie qui
viennent du sujet connaissant.
La connaissance du réel n'est jamais spontanée.
Elle est une lumière qui
projette toujours quelque part des ombres.
« Le réel n'est jamais ce qu'on pourrait croire mais il est toujours ce
qu'on aurait dû penser.
» Bachelard montre qu'il y a une connaissance déjà là qui est un obstacle à la
connaissance scientifique : « Accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation
brusque qui doit contredire un passé.» La science doit s'opposer à l'opinion, car l'opinion pense mal ; elle ne
pense pas : elle traduit un besoin de connaissances.
On ne peut rien fonder sur l'opinion.
Il faut d'abord la
détruire.
De plus, une connaissance acquise doit toujours être remise en question.
A l'usage, les idées se valorisent
indûment.
Il faut lutter contre « l'instinct conservatif » des hommes et encourager leur « instinct formatif ».
Ce
dernier instinct aide à se construire des nouveaux savoirs.
Une tête « bien faite » ne suffit pas.
Il faut la
refaire en permanence, sinon elle devient une tête fermée.
« L'homme animé par l'esprit scientifique désire sans
doute savoir, mais c'est aussitôt pour mieux interroger.
»
Bachelard distingue la position historienne de la position épistémologique : un fait mal interprété par une
époque reste un fait pour l'historien, c'est une contre-pensée, un obstacle pour l'épistémologue.
Il étudie ensuite la notion d'< obstacle épistémologique » dans la pratique de l'éducation.
Il constate que les
professeurs de sciences ne comprennent pas que l'on ne comprenne pas.
Ils imaginent que l'esprit commence
comme une leçon, que les choses vont d'un point à un autre.
Ils n'ont pas réfléchi au fait que les erreurs de
l'adolescent viennent souvent des connaissances empiriques déjà constituées.
Pour l'élève, le travail consiste,
non pas à acquérir une culture, mais à en changer :
« Toute culture scientifique doit commencer par une
catharsis intellectuelle et affective.
Reste ensuite la tâche la plus difficile:
CATHARSIS
: Mot grec, mettre la culture scientifique en état de mobilisation permanente, remplacer le
emprunté
à
la
Poétique savoir fermé et statique par une connaissance ouverte et dynamique,
d'Aristote,
désignant
la dialectiser les variables expérimentales, donner enfin à la raison des raisons
purgation ou la purification, par d'évoluer.
»
leur réprésentation artistique,
des passions humaines nuisibles
(jalousie, cupidité, etc).
D'une certaine manière, Bachelard propose de constituer une psychologie de
l'erreur en pédagogie, mais il fait preuve d'un certain pessimisme, car les
éducateurs n'ont pas le sens de l'échec, précisément parce qu'ils se croient
des maîtres : « Je n'ai jamais vu un éducateur changer de méthode », témoigne Bachelard.
L'expérience première
« Dans la formation d'un esprit scientifique, le premier obstacle, c'est l'expérience première, c'est l'expérience
placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un élément intégrant de l'esprit
scientifique.
»
Pourquoi ? Eh bien, parce que la critique n'a pas pu s'exercer avant que ne soit fixée cette expérience
première.
Bachelard développe la thèse que l'esprit scientifique doit se former contre la Nature, contre ce qui
est, en nous et hors de nous, l'impulsion et l'instruction de la Nature.
L'esprit scientifique se forme en se
réformant.
Comprendre la Nature, c'est lui
résister.
Parmi les facteurs qui s'opposent à l'esprit scientifique, les livres scolaires qui se recopient les uns les autres
sans vraiment s'ancrer dans la recherche.
Par contre, il manque de réels livres de vulgarisation scientifique,
pense Bachelard.
L'une des erreurs des livres scolaires est de vouloir présenter la science comme organique,
une.
Ils sont construits dans un ordre logique qui interdit de sauter des chapitres.
Or, la science n'est pas
cela.
Pourtant, Bachelard constate qu'il y a un vrai progrès des sciences et de leur enseignement depuis le XVIIIe
siècle.
Au XVIII siècle, les livres de sciences étaient enracinés dans le quotidien.
Bachelard donne l'exemple du,livre de
l'abbé Poncelet sur le tonnerre, qui se voulait répondre aux préoccupations des gens de l'époque, effrayés par
les dangers de la foudre.
L'auteur explique le phénomène à ses lecteurs pour modifier la psychologie de
l'époque par rapport aux phénomènes naturels...
Même remarque concernant le lien au politique à l'époque.
»
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