L'interprétation peut elle se présenter comme une science ?
Extrait du document
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Discussion :
L'interprétation a pour fonction d'élucider le sens d'un texte ou d'un acte.
Il y a interprétation à chaque fois que le sens n'est pas clair.
La
nécessité de l'interprétation tient en effet à ce qu'il n'y a pas de réception immédiate du sens : le sens des choses ne va pas de soi.
Il est
rare que la signification d'un propos ou d'une conduite soit immédiatement perceptible.
Cependant, il existe le risque permanent de
l'erreur d'interprétation, de la mauvaise interprétation ou de l'interprétation abusive.
Qu'est-ce qui justifie telle interprétation plutôt que
telle autre
? Qu'est-ce qu'un contresens ? Quels sont les critères de la bonne interprétation ? Et le but de toute interprétation est-il
véritablement d'accéder à l'évidence, de passer de l'implicite à l'explicite ? Or, une science a pour but d'être exacte et précise, elle ne peut
pas tolérer l'inexactitude et l'incertitude.
Ainsi, comment l'interprétation peut-elle être assimilée à une science qu'elle quelle soit.
Suggestion de plan :
Première partie : Qu'est-ce qu'interpréter ?
En un premier sens donc, l'interprétation vise à combler un déficit de sens et à donner ainsi de la rationalité à ce qui n'en aurait pas
suffisamment en soi.
Interpréter n'est toutefois pas simplement expliquer.
On explique un phénomène physique, on interprète un
texte, c'est-à-dire une manifestation de l'homme.
Gadamer rappelle que : « Le travail de l'herméneute est justement de traduire ce qui
a été proféré d'une façon étrangère ou incompréhensible dans une langue qui peut être comprise
par tous », H.G.
Gadamer,
Herméneutique classique et philosophique.
Interpréter, c'est élucider, mettre en évidence l'implicite, mais c'est aussi donner vie : exécuter, transmettre, jouer un morceau de
musique par exemple.
L'interprétation a-t-elle pour fin de fixer le sens c'est-à-dire de l'arrêter, ou au contraire de donner accès à un
foisonnement de sens caractéristique de la réalité humaine ?
Deuxième partie : Vérité ou unicité ?
Mais, en travaillant à la suppression de ce qui est équivoque, l'interprétation n'est-elle pas marquée par un certain réductionnisme qui
met fin à la diversité des approches du monde ? Qu'interprète-t-on en effet sinon ce qui est par nature équivoque ? Le poème, par
exemple, ne saurait se prêter à une lecture unique et définitive.
Son sens ne peut être clarifié et même éventuellement arrêté que par
une décision arbitraire.
Dans l'Ion, Platon explique que certains herméneutes privilégiaient à dessein certaines interprétations d'Homère
pour des raisons morales et politiques.
Par où l'on voit que l'interprétation peut avoir pour fin d'exclure des interprétations concurrentes
et donc de chercher à réduire à l'unité les différentes options de lecture.
Comment, dans ces conditions, concilier le souci de rigueur de
l'interprétation avec la prise en compte de la profusion de sens possibles de son objet ? Socrate explique la relation d'empathie de Ion
avec Homère par l'idée d'une « puissance divine ».
La question de l'interprétation est ainsi ramenée à celle de l'enthousiasme et de
l'inspiration.
C'est par l'intermédiaire de cette force, attractive, que l'homme se trouve inspiré par la divinité et qu'il la transmet au
spectateur.
Désormais expliquée par la possession divine, l'interprétation peut-elle se défendre d'être une activité purement intuitive,
irrationnelle?
"Connaître c'est toujours entrer en relation avec quelque chose...
que les choses puissent avoir une nature en soi, indépendamment de
l'interprétation et de la subjectivité, c'est une hypothèse parfaitement oiseuse; elle supposerait que l'interprétation et la subjectivité de
sont pas essentielles, qu'une chose détachée de toutes ses relations est encore une chose...
Le caractère interprétatif de tous les
phénomènes choisis et groupés par un être qui les interprète." Nietzsche, Oeuvres posthumes.
Nietzsche postule donc qu'il n'existe pas
autre chose que de l'interprétation ce qui déplace évidemment la notion de vérité.
Troisième partie : l'interprétation comme barrière à la science
Si l'interprétation varie en fonction de la volonté de chacun de voir une réalité différente dans chaque chose, ce n'est pas le cas de la
science.
Ainsi on peut interpréter un auteur de plusieurs manières, en fonction du sens que l'on souhaiterait voir se dégager du texte,
alors qu'une science doit être exacte, elle ne saurait laisser de place à la subjectivité de chaque individu.
Une théorie scientifique est
soit fausse soit vraie, mais elle ne doit pas dépendre d'une volonté individuelle de la voir en tant que telle.
Par conséquent si
l'interprétation ne peut pas être science parce qu'elle n'est pas certaine, la science, en revanche est victime de l'interprétation.
Combien
d'auteurs ont été victimes d'une mauvaise interprétation, visant à faire passer leurs théories pour totalement erronées.
L'exemple de
Nietzsche est très illustrateur du problème que pose l'interprétation.
Car certaines personnes voulant voir une certaine réalité dans ses
oeuvres ont interprété les différentes théories qu'il a développé dans sa vie comme l'apologie du nazisme ; alors que quelques années
plus tard d'autres interprétateurs des théories nietzschéennes s'y sont opposés en proclamant que ce dernier avait été victime de
mauvaises interprétations et lui donnant une connotation à laquelle il n'appartient pas du tout.
Ainsi, l'interprétation semble être la
première cible de la subjectivité et la barrière même à toute science ou théorie.
Comment pourrait-on donc soutenir qu'elle s'apparente
à la science, sachant qu'elle est son premier ennemi.
Conclusion :
L'interprétation est un art de médiation : cette compréhension de l'interprétation rappelle que l'homme est avant tout un être de
langage et donc de médiation, d'échange, de transmission.
L'interprétation serait alors, plus qu'une traduction, une opération de
libération du sens.
Cependant son aspect très subjectif l'empêche définitivement de pouvoir se proclamer comme une science..
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